Le Niger est classé 152ème sur 180 pays selon l’indice de performance environnementale de Yale. Ceci ressort du premier rapport de l’Analyse Environnementale Nationale (AEP) de la Banque mondiale. L’AEP a prouvé que la situation environnementale au Niger est extrêmement inquiétante. En effet, cela a été identifié comme une priorité majeure. Les pertes de rendement agricole ont un impact particulièrement négatif sur les régions de Tillabéri, Tahoua et Dosso et pourraient compromettre la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et la migration à l’avenir.
L’Analyse Environnementale Nationale (AEP) a pour objectif d’examiner les principaux défis environnementaux susceptibles de compromettre le développement économique durable du Niger. Elle a ainsi formulé des propositions sous forme de recommandations pour y faire face. L’AEP est concentrée sur trois priorités gouvernementales qui exigent une analyse rigoureuse et une réponse immédiate. Il s’agit de la dégradation des terres, la déforestation et la dégradation des forêts ainsi que le changement climatique.
Les taux de déforestation dépassent largement la moyenne subsaharienne, et la dégradation des forêts menace la santé d’espèces locales importantes pour la diversification économique, telles que l’Acacia Senegalensis, le moringa olifeira et le palmier doum. En outre, le changement climatique risque d’avoir des effets néfastes sur l’agriculture, les ressources en eau et la santé des populations. Pour résoudre ces problèmes, « il est impératif de mettre en place une approche intégrée pour s’attaquer aux questions les plus urgentes et trouver des solutions durables aux problèmes persistants », souligne la note de synthèse du rapport. Mieux, elle indique que la participation des jeunes et des femmes dans la mise en œuvre des activités peut jouer un rôle significatif dans l’amélioration du bien-être de la société.
En ce qui concerne la dégradation des terres, le rapport explique que la surface cultivée a augmenté de manière significative au cours des deux dernières décennies en raison de la croissance démographique rapide. De plus, des pratiques agricoles inadaptées, une mauvaise gestion de l’eau, des températures plus élevées et des conditions météorologiques imprévisibles ont entraîné une diminution des rendements agricoles dans de nombreuses zones et ont causé l’envasement des zones fertiles. Étant donné que l’insécurité alimentaire menace déjà un tiers de la population nigérienne, les pertes dues à la dégradation des terres pourraient encore aggraver ce risque à l’avenir.
Coûts de la dégradation des terres : 646 millions de dollars
Depuis les années 1980, le Niger a mis en place des mesures pour restaurer les terres, notamment en encourageant la régénération naturelle assistée (RNA), en adoptant des pratiques d’amélioration des cultures et en utilisant des techniques de collecte d’eau. Ces efforts ont conduit à une amélioration des sols et de la végétation, en particulier dans les régions de Maradi, Zinder et Tahoua. Cependant, selon le rapport, plus de 6 % de la superficie du pays a subi une dégradation des terres au cours de la période 2001-2015. Cette dégradation concerne principalement les terres le long de la vallée du fleuve Niger dans le sud-ouest et le long de la frontière du centre-sud. Le rapport détaille que cette dégradation a entraîné une diminution des rendements agricoles, de la stabilité des sols et de la biodiversité naturelle dans ces zones.
Selon le rapport, « une analyse approfondie a estimé le coût de la dégradation des terres à 646 millions de dollars, soit 5% du PIB du pays en 2019. Tillabéri est la région la plus affectée par la dégradation, avec plus de 40%du coût. Cela est principalement dû à la forte croissance démographique, à l’intensification de l’agriculture et au climat extrêmement sec dans la partie ouest de la région. Dans l’ensemble, précise le rapport, le niébé et le mil ont subi les plus fortes baisses de rendement au Niger.
Par rapport à la déforestation et la dégradation des forêts, le rapport indique que le gouvernement a entrepris des efforts considérables pour les reboiser depuis les années 2000, mais à un rythme nettement plus lent (2 500 ha par an) que celui de la déforestation (14 920 ha par an). Bien qu’il n’y ait pas de données précises sur l’étendue de la dégradation des forêts, il est établi que les forêts connues sous le nom de «forêts classées» ont subi des dommages graves et que plus de 50% d’entre elles ont perdu leur capacité de régénération. « L’expansion naturelle des forêts est peu probable en raison de la pression accrue exercée sur les terres pour leur affectation à d’autres usages comme l’agriculture et le pâturage », ajoute le rapport. Des facteurs expliquent cette situation à savoir, l’expansion des zones agricoles au détriment des forêts en raison des besoins alimentaires associés à la croissance démographique ; la récolte de bois à des taux non durables; la surexploitation des produits forestiers non ligneux, y compris le mauvais échantillonnage des racines, de l’écorce, des feuilles et des fruits de plusieurs espèces forestières; et l’exploitation intensive des parcs agro-forestiers pour le fourrage, notamment pendant la période de soudure.
Le Niger est un pays à très faible émission de gaz à effet de serre (GES). Le secteur de l’agriculture, de la foresterie et autres affectations des terres est le principal secteur qui contribue aux émissions de GES, étant responsable de 88 pour cent des émissions de GES du Niger. Ainsi, le rapport relève que la valeur économique du carbone associée à la perte forestière entre 2015 et 2020 a été estimée à plus de 205 millions de dollars US. Alors que la communauté mondiale est la seule à subir ces pertes, la déforestation et la dégradation des forêts ont toutefois des impacts significatifs sur la société nigérienne, notamment par les pertes liées aux bois, aux produits forestiers non ligneux et aux services écosystémiques. Il est important de réaliser une évaluation économique des impacts de la déforestation et de la dégradation des forêts pour mieux comprendre l’ampleur réelle des pertes actuelles et les besoins de restauration future au Niger.
7ème pays le plus vulnérable au changement climatique au monde
Dans ce contexte fragile, la croissance démographique rapide du pays (3,8 pour cent, qui est l’une des plus élevées au monde) exerce une forte pression sur les ressources naturelles. Aussi, le rapport ajoute qu’au cours des dernières décennies, le Niger a fait face à des changements climatiques, tels qu’une variabilité des précipitations, une augmentation des températures et des événements climatiques extrêmes. Ces changements ont entraîné des pertes humaines, une baisse de la productivité des sols et une concurrence accrue pour l’accès aux ressources.
Depuis 1968, le Niger a connu des sécheresses, des tempêtes et des inondations de plus en plus fréquentes. Ces phénomènes ont causé des dommages importants à l’agriculture, à la sécurité alimentaire et sur les moyens de subsistance. « Les changements climatiques devraient se traduire à l’avenir par une augmentation de la température moyenne allant jusqu’à 6°C d’ici 2100 », note le rapport. Le sud-ouest du pays devrait connaitre des températures extrêmes plus élevées. Le Niger a des émissions de Gaz à effet de Serre (GES) extrêmement faibles, d’environ 0,1 tonne d’équivalent dioxyde de carbone (CO2) par habitant en 2018, provenant essentiellement du secteur de l’agriculture, de la foresterie et autres affectations des terres (AFAT).
Selon les résultats d’un modèle développé par l’Université de Stanford, le changement climatique devrait réduire le PIB du Niger de 80 pour cent d’ici 2100. D’autres études ont porté sur les effets du changement climatique sur des secteurs spécifiques dont l’agriculture. En effet, selon les résultats des études disponibles, le Niger pourrait éventuellement perdre toute son agriculture pluviale d’ici 2100.
Le changement climatique devrait aussi avoir plusieurs impacts sur la santé des populations : la mortalité liée aux vagues de chaleur devrait tripler d’ici 2080 par rapport à 2000. Par ailleurs, les cas de paludisme, de méningite et de malnutrition devraient augmenter en raison des changements de température, de la variabilité des régimes pluviométriques et des inondations (en particulier dans le sud du Niger) et des sécheresses seront plus fréquentes.
Oumar Issoufou (ONEP)
Source : Rapport Banque Mondiale