
Mme Malika Adamou Hamani
Six mille trois cent douze (6 312), c’est à peu près le nombre de divorces enregistrés par l’Association islamique du Niger entre 2018 et 2022. Ce qui démontre que les mariages sont devenus de plus en plus fragiles dans la capitale, se nouant et se brisant au moindre motif, fallacieux ou sérieux ou au gré des humeurs des uns et des autres. Les victimes de cette rupture du foyer demeurent majoritairement les femmes et les enfants. Les enfants qui sont parfois contraints de vivre avec le traumatisme de la séparation de leurs parents et les femmes elles-mêmes, sont victimes des préjugés sociaux. Comme on le dit chez nous, il n’y a pas mieux que la femme pour comprendre la douleur de la femme. Pour avoir été elle-même victime de divorce et pour apporter un réconfort psychologique et moral à ces femmes, une jeune mère du nom de Adamou Hamani Malika a ouvert une entreprise sociale, une sorte de cabinet spécialisé dans les conseils sociaux, dédié aux femmes divorcées. Son objectif est d’amener ces femmes à se confier, à mettre sur la table leurs chagrins afin de les aider à pouvoir tourner la page, mais aussi à les accompagner à s’autonomiser à travers des formations qualifiantes comme la couture, la pâtisserie, la fabrication de produits de soins de beauté, le tricotage, la mise en position de stage pour celles qui ont un diplôme scolaire etc.
Mme Malika Adamou est une femme qui a appris de la vie et a vécu la situation que vivent ces femmes divorcées, raison pour laquelle, elle a décidé de les accompagner. « J’ai connu le divorce aussi qui n’a d’ailleurs pas été facile. Donc je sais ce qu’on ressent et ce qu’on vit, cela m’a franchement motivée à encourager et à soutenir ces femmes ».
Mariée à l’âge de 19 ans, mère d’un garçon, cette jeune femme de 27 ans, s’est donné comme mission via son entreprise sociale, créée il y a moins d’un an, d’appuyer ces femmes et ces enfants en situation de vulnérabilité liées au divorce, par la communication, le coaching, le développement personnel, le tout sans qu’elles n’aient à payer un seul franc. « Je cherche à amener ses femmes à croire en elles, à se persuader qu’elles peuvent se relever, à être elles-mêmes et indépendantes. J’aimerais que les femmes sachent qu’elles sont utiles pour la société, pour leurs enfants et que le divorce ne signifie nullement la fin du monde pour elles. Je leur propose de venir s’ouvrir, pour se libérer psychologiquement, car après le divorce certaines tombent dans la dépression. Je fais partie d’ailleurs de ces femmes, il m’a fallu beaucoup de travail sur moi-même pour pouvoir me relever », a-t-elle exprimé.
Convaincues de la noblesse de ce qu’elle fait, chaque jour une dizaine de femmes viennent se confier pour trouver un peu de réconfort. « Malika m’a beaucoup soutenue, je suis une femme divorcée avec un enfant. Elle m’a formée à la couture,. Après la formation, j’ai bénéficié d’une machine à coudre. Maintenant j’arrive à subvenir à mes besoins et à ceux de mon enfant. Je la remercie pour son aide», s’est réjouie, une bénéficiaire ayant requis l’anonymat.
Toutefois pour se forger ce caractère de femme battante, Malika Adamou a dû passer par plusieurs épreuves de la vie. Après son divorce, ces défis ont façonné son image de femme forte d’aujourd’hui, qui s’affirme fièrement et s’assume pleinement. « Je m’étais mariée à l’âge de 19 ans, mon mariage a duré deux ans avec un enfant. Après mon divorce, vu que je fais bien la pâtisserie et la cuisine, alors j’ai demandé un fonds de démarrage de 17 000 francs à mon père, j’ai acheté des œufs, de la farine pour faire des cakes (gâteaux), des pop-corn et du yaourt que je livrais dans les alimentations. Cela m’a permis d’économiser. Je m’étais mariée avec mon baccalauréat, dans mon mariage j’étais une femme ménagère. Mon père m’a inscrite après le divorce dans un institut où j’ai eu mon BTS d’Etat, ma licence et mon Master en communication multimédia. Parallèlement j’ai obtenu une licence en philosophie à l’université Abdou Moumouni. Comme je ne voulais pas trop dépendre de mes parents, avec mes économies j’ai ouvert un fastfood appelé Maliska. C’était devenu une réussite, on commençait à me connaitre et pendant ce temps je poursuivais mon Master, mais un jour, le propriétaire m’a demandé de plier bagages car, il voulait construire des boutiques, alors que j’avais investi toute mes économies, une somme de 5 millions dans ce fast Food. J’étais anéantie, obligée d’abandonner, il avait tout cassé. Après m’être remise de ce coup dur, j’ai pris en location une nouvelle boutique pour continuer. J’ai eu mes diplômes et voilà maintenant je suis à mon propre compte. Je me suis relevée, ça n’a pas été facile, mais je suis là », nous a-t-elle raconté.
Toutefois, toutes ces initiatives qu’elles soit sociale ou génératrice de revenu, nécessitent des fonds pour mener les activités, et l’absence de soutien reste la principale préoccupation de Adamou Hamani Malika. « Tout est à mes frais comme c’est une entreprise sociale, je suis celle qui est au volant, franchement on n’a pas de financement pour l’instant. Nous cherchons les partenaires. Nous avons eu des promesses, mais voilà, on est en attente », a-t-elle soupiré.
Clamée comme la première entreprise sociale par la jeune entrepreneuse, la promotrice de Maliska dit vouloir accompagner les femmes divorcées et les veuves pour les amener à comprendre que se morfondre sur leur sort n’est pas la solution. « Aujourd’hui, elles sont nombreuses les femmes qui se sont relevées grâce à notre appui, l’expérience que j’ai vécue n’était donc pas inutile. Si c’est pour servir mes semblables, là je suis fière», a-t-elle affirmé fièrement.
Hamissou Yahaya (ONEP)