Le Niger enregistre, depuis quelques jours et sur une bonne partie de son territoire, des hauteurs de pluies, relativement importante. D’où une installation progressive de la campagne agricole. Une campagne qui intervient dans un contexte de pandémie de la Covid-19. Impact de ladite maladie dans le secteur agricole, les réponses à y apporter par le gouvernement, les dispositions prises pour une bonne campagne agricole, la réforme du secteur de l’engrais, les attaques acridiennes, l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire d’ici 2021, sont notamment les questions évoquées, dans cet entretien avec le Directeur général de l’Agriculture Dr. Garba Yahaya.
Comme dans plusieurs autres secteurs, la pandémie du Covid-19 a eu des impacts sur le secteur agricole. Comment se traduisent ces impacts et quelle réponse le gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre ?
La pandémie de la Covid-19 a effectivement des répercussions économiques et financières sur le secteur agricole suite à certaines mesures de restriction prises par les Etats, notamment, la fermeture des frontières et le confinement des populations qui ont induit la réduction des échanges commerciaux, le ralentissement des activités économiques, la perturbation des circuits d’approvisionnements des produits alimentaires, des intrants et équipements agricoles, les pertes d’emploi, etc. En effet, le secteur agricole fait appel à une main-d’œuvre abondante, aussi le manque de travailleurs imputable aux restrictions imposées à la mobilité des personnes est susceptible de compromettre à la fois la fourniture des intrants nécessaires aux activités agricoles, en amont, et les activités de commerce, de transformation et de transport, en aval. Ce phénomène pourrait concerner les produits agricoles dans leur ensemble, mais en particulier les denrées horticoles périssables. Pour atténuer l’impact de la pandémie, le Gouvernement a élaboré et met en œuvre un Plan global de riposte à la Covid-19.
Ainsi, le volet « appui à la production agricole », s’articule autour des domaines prioritaires suivants : l’accroissement de la production ; la transformation et la conservation des productions agro-sylvo-pastorales et halieutiques (petite irrigation, fermes modernes); l’approvisionnement des maisons de paysans (stocks alimentaires, intrants agricoles et aliments bétail et matériel et équipement agricoles); l’opérationnalisation des radios communautaires et des centres de formation dans les maisons de paysans (sensibilisation, thèmes de formation technique, réduction de la migration des jeunes…).
Il faut aussi noter la réalisation des ouvrages de mobilisation des eaux ; la mise en valeur des superficies aménagées ; l’intensification de la production des tubercules; l’organisation et le renforcement des capacités des acteurs des maillons des filières. A cela s’ajoutent : la lutte antiacridienne et la protection des cultures ; la gestion durable de la fertilité des sols et le renforcement des capacités d’intervention des services techniques (logistique notamment).
Selon un communiqué du CILSS et de l’ACMAD, daté du 27 avril 2020, des quantités de pluies supérieures à équivalentes aux moyennes saisonnières 1981-2010 sont attendues sur toute la bande sahélienne, et que la saison des pluies 2020 serait globalement humide au Sahel. Qu’est-ce-que cela veut dire concrètement pour la campagne agricole qui s’annonce et que peut-on attendre de ces prévisions ?
En termes simples, cette campagne agropastorale 2020 sera caractérisée par un démarrage précoce à normal (mai-juin) dans les bandes agricoles. La saison connaitra une fin tardive (fin septembre à octobre) avec d’importants écoulements dus à l’intensité des pluies qui provoqueront d’importantes inondations, mais aussi le remplissage des points d’eau permanents et semi permanents. Des séquences sèches courtes (-10 jours) seront enregistrées en début de saison et moyennes (10 à 15 jours) en fin de saison. Cette saison offre des opportunités multiples pour une forte production, mais également le remplissage des marres et la recharge de la nappe phréatique mobilisable pour la campagne irriguée.
Les mêmes sources, prévoit ‘‘un démarrage précoce à normal, une fin tardive à normale, des séquences sèches plus courtes en début de saison et moyennes vers la fin de saison, et des écoulements globalement moyens à supérieurs à la moyenne sont attendus’’. Quels impacts aura cette situation sur la campagne agricole qui débute ?
Cette saison offre des opportunités multiples pour une forte production agropastorale, mais également le remplissage des marres et la recharge de la mappe phréatique mobilisable pour la campagne irriguée. Les précautions d’usage doivent être prises pour éviter les zones inondables aussi bien pour les habitations humaines que pour la production agricole.
Quelles sont les dispositions prises, sur le plan national, pour un bon déroulement de la campagne agricole 2020 ?
Pour la présente campagne agropastorale, l’objectif est de porter les productions céréalières sous pluie à 5 904 075 tonnes, et celles des cultures de rente sous pluie à 3 085 805 tonnes, projection issue du plan d’actions de l’initiative «3N » qui prévoit un taux accroissement de 10,5 % pour les céréales sous pluie et de 4,1 % pour les cultures de rente.
Pour atteindre cet objectif, l’état avec l’appui de ses partenaires a assuré aux producteurs la disponibilité et l’accessibilité aux intrants et aux équipements agricoles de qualité (semences, engrais, pesticides, tracteurs, charrues, etc.) Le renforcement du dispositif d’encadrement et d’appui conseil aux producteurs et la protection des cultures seront également assurés.
Dans certaines zones du continent, on a assisté à une attaque acridienne. Doit-on aussi s’y attendre dans la région sahélienne ?
Comme vous le savez, les productions agricoles destinées à la consommation humaine ou animale ont besoin d’être protégées contre des ravageurs, qui sont susceptibles de provoquer des dégâts souvent irréversibles. Dans certaines parties du monde comme l’Afrique, l’Amérique du Sud ou l’Asie, les pertes peuvent représenter jusqu’à 48 % des récoltes. Dans les zones arides et semi-arides d’Afrique et d’Asie, les sautereaux et les locustes notamment le Criquet pèlerin en période d’invasion ou de forte recrudescence, prennent une part active dans la déprédation des cultures et des zones de pâturage.
La problématique du Criquet pèlerin, notamment en période d’invasion (présence d’essaims et des bandes larvaires) est traitée comme une priorité nationale dans les pays affectés. Au niveau régional, en date du 4 juin, des essaims issus de la reproduction printanière se dissémineront dans les aires de reproduction estivale. La menace sans précédent sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance se poursuit dans la Corne de l’Afrique et elle s’étendra probablement à l’Asie du sud-ouest et peut-être à l’Afrique de l’ouest. En effet, au Soudan, les pluies saisonnières ont récemment commencé dans l’extrême sud de la zone de reproduction estivale, juste au nord du Soudan du Sud. Si les pluies continuent au cours des prochaines semaines, les conditions vont probablement devenir favorables pour tout essaim arrivant de l’Ethiopie et du Kenya, et ils pourraient alors s’y installer, effectuer leur maturation et pondre.
En revanche, si les pluies sont limitées et si les conditions demeurent sèches en juin au Soudan, les essaims pourraient continuer vers l’est du Tchad au cours de la dernière semaine de juin et migrer plus à l’ouest dans le Sahel d’Afrique de l’Ouest avant les pluies estivales, atteignant l’est du Niger au cours de la première semaine de juillet, l’est du Mali à la mi-juillet, le sud-est de la Mauritanie fin juillet. Par conséquent, il existe un risque que quelques essaims puissent atteindre la partie orientale du Sahel dans l’est du Tchad et du Niger.
Comme vous pouvez le constater, la menace acridienne pourrait concerner la Région occidentale de l’Afrique dans les semaines à venir. En effet, lorsque, les conditions écologiques deviendront défavorables dans ces régions de l’Afrique de l’Est (Kenya, Éthiopie, Somalie, Soudan…), quelques groupes d’ailés et/ou d’essaims pourront rejoindre les zones potentiellement favorables au Niger dans les semaines avenir coïncidant avec le début de la campagne agricole. Par conséquent, les investissements dans les actions de préparation et d’anticipation doivent être immédiatement et rapidement intensifiés pour prévenir et faire face à cette menace potentielle. Ainsi, pour faire face à une éventuelle arrivée des groupes, fragments d’essaims ou d’essaims sur le territoire national en juin, notre pays a élaboré un Plan d’actions d’urgence de prévention du risque acridien et un Plan d’urgence de Riposte du Criquet pèlerin. L’objectif de ces plans est de contribuer à garantir la sécurité alimentaire en renforçant la stratégie de prévention, d’alerte précoce, de réaction et de mitigation des impacts de l’infestation du Criquet pèlerin.
Le Gouvernement s’est engagé dans un Plan de réforme du secteur des engrais au Niger. Par ailleurs, la Centrale d’Approvisionnement en Intrants et Matériels Agricoles (CAIMA), a aussi initié une réforme des engrais. En quoi consiste ces réformes et quels peuvent être leurs impacts sur les producteurs et les productions, dans notre pays ?
La mise en œuvre du Plan de réforme adopté par décret 2018/046 du 12 janvier 2018. L’objectif de cette réforme est (i) d’améliorer la disponibilité et l’accessibilité des producteurs aux engrais de qualité à des prix abordables et (ii) d’élaborer et tester un système opérationnel de fournitures d’engrais subventionnés, traçables, ciblant des bénéficiaires identifiés à l’avance par l’Etat. La mise en œuvre du plan de réforme du secteur des engrais permettra de disposer à temps sur l’ensemble du territoire national des engrais de qualité à des prix abordables, ce qui aura pour effet de rehausser la dose à l’hectare actuelle de l’ordre de 3 à 5 kg à l’hectare pour une augmentation de la productivité donc à l’atteinte de l’objectif Faim Zéro.
Dans le but d’atteindre l’autosuffisance alimentaire d’ici 2021, le gouvernement s’est activé pour faire des saisons agricoles successives des réussites et cela en dépit de multiples défis, auxquels est confronté l’agriculture nationale. C’est ainsi qu’il y eu la mise à la disposition des producteurs des motoculteurs, des engrais minéraux, des pesticides, des motopompes, ainsi que des actions d’encadrement technique et de conseils. A la veille de cette échéance, quel bilan pouvez-vous en tirer ?
Pour les campagnes pluviales 2019, des appuis multiformes ont été apportés aux producteurs sur le plan agricole dont entre autres, sur le plan agricole avec la mise à disposition de 5.096,63 tonnes de semences améliorées toutes espèces et variétés confondues ; de 14.995,3 tonnes d’engrais toutes formulations confondues ; de 72.478 litres de pesticides pour une capacité d’intervention de 70 280 ha. 40.553 sachets de fongicides. Parmi ces appuis notons aussi ceux de 385 appareils de traitement ; 46 charrettes bovines ; 46 charrettes asines ; 46 charrues et 115 kits brigadiers. Ajoutons à cela le renforcement des capacités des producteurs et des agents, avec : 33.079 producteurs et agents formés dont 10.974 femmes ; 886 Champs Ecoles agropastoraux et 892 démonstrations. Ces appuis ont permis d’obtenir une production de 5.343.054 tonnes pour les céréales et 2.964.270 tonnes pour les cultures de rente.
ONEP