Le 11 octobre 2013, le Conseil des ministres a examiné et adopté la création d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et technique dénommé « Musée National Boubou HAMA ». Vu le rôle important que joue ce Centre culturel pour le Niger et la sous-région, nous avons rencontré pour vous, le Directeur du Musée National Boubou HAMA, l’historien et archéologue Ali Bida, qui a bien voulu nous parler de l’historique dudit établissement, de son importance pour la culture nigérienne, ainsi que de la protection du patrimoine culturel national.
Bonjour Mr le D.G. Pouvez-vous nous présenter brièvement le Musée National Boubou Hama ?
Ali Bida: Le musée national du Niger est un héritage de l’IFAN (Institut Français d’Afrique Noire) créé en 1944 et dont une antenne y est installée à Niamey en 1957. En 1958, Boubou Hama qui dirigeait l’antenne de Niamey décida de la création en lieu et place de cette institution un musée. Dans la réalisation de son projet, Boubou Hama s’est fait aidé par Pablo Toucet, un français d’origine espagnole qui a une grande expérience dans ce domaine acquise au Musée de Bardo en Tunisie. Resté sans personnalité juridique jusqu’en 1990, le Musée National Boubou HAMA a été érigé, par la Loi n ° 90-25 du 25 décembre 1990, en établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Aux termes de la Loi n°2008- 11 du 30 avril 2008, le Musée National prit la dénomination de « Musée National Boubou HAMA », en hommage à cet illustre homme de culture. Mais, avec l’adoption de l’Ordonnance n° 99-34 du 27 août 1999, portant régime des établissements publics à caractère scientifique, culturel et technique et l’évolution dans le domaine muséographique et muséologique, un changement de statut juridique s’est avéré nécessaire. Le présent projet de loi, du 11 octobre 2013, pris en Conseil des ministres et portant création d’un Etablissement Public à caractère Scientifique, Culturel et Technique dénommé « Musée National Boubou HAMA »s’inscrit dans cette optique. La traduction de la volonté politique du Gouvernement de la 7ème République par l’adoption de cette importante décision permet au Musée National Boubou HAMA une plus large ouverture et de jouer pleinement son rôle de conservatoire par excellence du patrimoine culturel national. La première salle d’exposition du musée fut inaugurée le 18 décembre 1959 par Diori Hamani, alors président du Conseil Gouvernemental et le premier directeur nommé fut Pablo Toucet. Le musée couvre actuellement 9,3 ha sur lesquels sont implantés huit salles d’exposition et un parc zoologique composé d’une trentaine d’espèces animales dont plus de cent vingt individus. A sa création, la superficie réservée à cette institution était de 44 ha.
Notre Musée National était l’un des plus importants en Afrique, notamment dans la sous-région. Quelle est sa situation aujourd’hui ?
Le musée National Boubou Hama se porte bien. Beaucoup de visiteurs nationaux comme internationaux ont porté et continuent de porter des appréciations à sa juste valeur au Musée National de Niamey. Déjà en 1972, le Président Georges Pompidou écrivait : « J’ai apprécié la réalisation du Musée national, à la fois Musée classique de l’art et de l’artisanat nigérien, centre d’éducation et lieu de communication entre les œuvres et les hommes». Le célèbre Amadou Hampaté Bâ, disait déjà en 1970 : « Je suis un peu jaloux, mais je suis profondément fier du Musée réalisé à Niamey. Ce Musée nous donne à tous un exemple heureux ». S.E.M Issoufou Mahamadou, alors président de l’Assemblée Nationale du Niger, le 6 décembre 1995, lors d’une visite au Musée national disait : « C’est avec beaucoup d’émotion que je viens de visiter le Musée national qui constitue la synthèse de notre nation. Ce Musée mérite réellement d’être réhabilité. L’Assemblée Nationale y contribuera, tant il est vrai que la culture constitue l’âme du peuple». Toutes ces appréciations constituent de réels motifs de satisfaction, surtout que depuis lors, de nouveaux objets et de nouvelles expositions ont vu le jour, et nos hôtes continuent de témoigner de leur soutien et de leurs appréciations positives à l’endroit du Musée National. Les quelques critiques qui nous parviennent sont relatives au zoo, certes, certaines espèces ont disparu avec le poids de l’âge, mais d’autre aussi ont fait leur entrée. Ces difficultés ne pourront être résorbées qu’avec l’accord du département chargé de l’environnement. D’ailleurs dans la définition de Musée, il n’y a pas d’animaux, c’est vraiment une exception que les initiateurs de cette institution ont faite et cela constitue l’une des particularités du Musée National Boubou Hama du Niger. En effet, en plus des espaces aménagés pour divers types d’animaux sauvages et le parc zoologique, notre musée abrite plusieurs pavillons dont le pavillon Pablo-Toucet, qui présente une architecture traditionnelle typique ; y sont exposés les costumes de différents groupes ethniques, dont un tissu brodé datant du VIIIe siècle. Viennent ensuite les pavillons des instruments de musique (1969), de l’art rupestre (1969), de la paléontologie et de la préhistoire (1973), et de l’archéologie (1980), lequel donne à voir les résultats des fouilles réalisées dans les régions du Dallol, du Liptako, de l’Aïr et du Ténéré (outils et statuts funéraires), etc. N’oublions pas aussi l’exposition des dinosaures, qui ne manque pas de passionner les plus jeunes. Star de la collection, un squelette de tyrannosaure découvert dans la région d’Agadez et rapatrié depuis le nord du pays à l’occasion des Jeux de la Francophonie de 2005 (année où fut installée l’exposition). Il côtoie un congénère plus massif mais plus pacifique (un herbivore), originaire de la même région, ainsi qu’un crocodilien long de 11 m. a quelques pas de là, c’est le retour à l’époque moderne avec le pavillon de l’uranium. Construit en 1985 grâce au soutien de la Société nationale des transports nigériens et de la Cogema (devenue Areva NC Niger en 2006), il présente les activités de recherche et d’exploitation du minerai, ainsi que la vie dans les cités minières d’Arlit et d’Akouta. Enfin, outre les pavillons et les expositions en plein air, l’un des incontournables du musée est le mausolée de l’arbre du Ténéré : il abrite un ensemble d’habitations traditionnelles du pays et, surtout, les vestiges du vénérable végétal qui constitua pendant longtemps l’unique repère cartographié dans le désert du Ténéré… jusqu’à ce qu’il soit terrassé par un camionneur indélicat et que ses restes soient transportés au musée par les forces armées nationales, en 1974.
Lors des fêtes, le Musée National Boubou Hama connait des affluences exceptionnelles, souvent 3 à 4 jours durant. Qu’est-ce qui explique cet engouement de la population ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. Parmi ces facteurs, il y a la position géographique du musée, situé en plein cœur de la capitale, facilement accessible, le musée est le lieu par excellence pour les rencontres entre parents, amis et connaissances. L’affluence est liée aussi aux différentes prestations offertes lors des fêtes. En effet, nous organisons plusieurs activités, animations de plein air avec des artistes modernes et traditionnels en vogue, des jeux divers pour agrémenter les journées des visiteurs, en particulier les jeunes et ils peuvent gagner de nombres cadeaux. Le Musée National Boubou Hama étant une institution publique au service de la société et de son développement, les autorités au plus haut niveau de l’Etat, comme par le passé, doivent poursuivre leurs interventions, en améliorant l’inscription budgétaire du Musée et en développant une politique d’investissement durable, susceptible d’attirer d’autres partenaires de développement à investir davantage en faveur de l’activité muséale. Quant aux visiteurs et à la population, nous leur demandons de se mobiliser autour de leur Musée qui est le reflet et le garant des témoins culturels des communautés surtout en cette étape de notre histoire. Aux partenaires, nous leurs faisons confiance et leur demandons de poursuivre le financement et l’assistance technique, tout en essayant d’amener d’autres acteurs à nous accompagner dans cette politique de réhabilitation que nous avons développée tout au long de cet entretien.
En Afrique, les patrimoines culturels sont menacés de vols et autres expatriations vers d’autres continents. Qu’est-ce qui explique cette situation et qu’en est-il des richesses culturelles nigériennes ?
La situation est dramatique un peu partout en Afrique ; nos territoires sont immenses et se pose la question de leur surveillance ; la mainmise de certaines populations qui sont utilisées comme intermédiaires de ces trafics et souvent la paupérisation des populations environnantes et qui vivent à côté des sites archéologiques et le plus grave, la méconnaissance des textes en la matière. Tous ces facteurs combinés rendent difficile la protection du patrimoine dans certaines régions où vient s’ajouter l’insécurité. C’est donc l’affaire de tous, et nous sommes tous interpelés. Dans les années antérieures, il y a eu des cas au Niger dont une saisie à l’aéroport Charles De Gaule de Paris en France. Grâce a l’existence de textes qui protègent le patrimoine culturel nigérien, notamment la loi 97-022 du 30 juin 1997, ceux de l’UNESCO à travers la Convention de 1972 pour la protection du patrimoine culturel et naturel et ceux français en la matière, combinés a l’action de nôtre diplomatie, ont facilité le retour des biens saisis qui sont placés pour étude à l’Université de Niamey.
Propos recueillis par Mahamadou Diallo