
M. Aboubacar Moussa, président du CAPAN
Monsieur le président quelles sont les raisons qui ont motivé la création du collectif des associations pastorales du Niger et quels sont ses principaux objectifs ?
Je voudrais vous remercier d’abord de l’intérêt que vous portez à notre association. Le processus de création du Collectif des Associations Pastorales du Niger(CAPAN) a commencé en 2000, avec 8 associations dans le souci de mettre en place un cadre de concertation pour les associations du domaine de l’élevage. Officiellement le Collectif des Associations Pastorales du Niger “CAPAN” a obtenu son arrêté de création le 29 avril 2003. Il est aujourd’hui un réseau de 94 associations et ONGs ayant une vision commune pour le développement de l’élevage pastoral qui est non seulement un mode de production mais aussi un mode de vie des éleveurs pasteurs centré sur l’exploitation des ressources naturelles et pastorales. Le Collectif des Associations Pastorales du Niger “CAPAN” a trois objectifs majeurs à savoir : la défense des intérêts des éleveurs pasteurs ; la protection des droits des éleveurs pasteurs et la préservation des moyens d’existence des éleveurs pasteurs. Avec le contexte actuel nous œuvrons aussi dans la médiation dans les conflits inter-communautaires.
Quels sont les principaux défis auxquels font face les associations pastorales au Niger ?
Les associations pastorales d’une manière générale et plus spécifiquement celles qui sont membres du CAPAN, travaillent dans le sens de relever un certain nombre de défis. Il s’agit de la vulnérabilité des éleveurs pasteurs et des systèmes de production pastorale face aux crises et mutations sociales dans un contexte de changement climatique ; de l’insécurité et des tensions sociales exacerbées qui entravent ou limitent la mobilité pastorale qui est un droit reconnu aux éleveurs pasteurs ; de la sécheresse et des soudures pastorales qui causent d’énormes difficultés aux animaux qui s’affaiblissent et traversent difficilement la saison et de la prise en compte des spécificités du pastoralisme à travers un financement adapté qui répond aux besoins réels des éleveurs pasteurs.
Quels sont les projets et actions que le collectif a mis en place pour soutenir les éleveurs et les communautés pastorales du Niger ?
Pour soutenir les éleveurs et les communautés pastorales du Niger, le CAPAN a instauré une politique de collaboration de proximité avec le ministère en charge de l’élevage à tous les niveaux ainsi que les autres institutions du pays, c’est-à-dire la Haute Autorité pour la Consolidation de la Paix (HACP), les autorités régionales et locales du Niger. Avec la HACP il y a les caravanes de sensibilisation sur la paix. Et des grands forums intracommunautaires sur la paix le long de la limite nord des cultures sont en cours de préparation et devraient concerner 6 régions du Niger. Nous avons aussi un protocole d’accord avec la HACP sur la prévention et la gestion des conflits ruraux et dans ce sens on peut soumettre des TDR pour des activités à mener. Nous sommes également en collaboration avec le PRAPS en tant qu’acteur de mise en oeuvre de son programme. Le CAPAN bénéficie de la part du PRAPS d’appui dans le renforcement de ses capacités.
Comment la situation du pastoralisme a-t-elle évolué ces dernières années au Niger et quels ont été les impacts des changements climatiques et des conflits sur cette activité ?
Compte tenu du changement climatique et la pression démographique sur les ressources partagées, la situation actuelle du pastoralisme au Niger est caractérisée par le fait que les éleveurs pasteurs doivent choisir entre aller en transhumance dans les pays voisins tel que le Bénin ou se retrouver dans les zones d’insécurité. S’ils vont au Bénin par exemple, nos éleveurs pasteurs doivent se naturaliser pour pouvoir rester à jamais avec leurs animaux. Lorsqu’ils se rendent là-bas, l’État du Niger perd non seulement ses animaux, mais aussi ses citoyens. S’ils vont dans les zones d’insécurité, ils s’exposent à tous les risques. Sans risque de se tromper, on peut dire que le pastoralisme au Niger et au Sahel est en crise et subit des mutations profondes à savoir, les conflits fonciers récurrents voire communautaires liés à l’accaparement des terres et des pratiques anormales; les perturbations de la mobilité pastorale et l’accès aux ressources pastorales; la tentation de la jeunesse issue du milieu pastoral à se faire recruter par les groupes terroristes; la marginalisation ou la stigmatisation des communautés pastorales comme faisant allégeance aux groupes terroristes et la déstructuration de l’économie pastorale entraînant l’affaiblissement ou la perte des moyens d’existence des éleveurs pasteurs.
Quelles sont les principales revendications du collectif vis-à-vis du gouvernement et des acteurs internationaux pour garantir le développement durable du pastoralisme au Niger ?
Le CAPAN constitue un réseau de la société civile pastorale et sa mission est de plaider en faveur des éleveurs pasteurs, tant auprès des autorités qu’auprès des partenaires soutenant l’État, tout en préservant leurs intérêts et leurs droits. Ainsi notre principale revendication est de revoir l’aménagement du territoire national et le système économique et social du Niger de manière à prendre en compte le système pastoral comme mode de vie et de production. Ce qu’il faut comprendre c’est que pour nous l’élevage est un mode vie c’est en même temps un moyen de subsistance et qui détermine la manière dont vit l’éleveur. Ce dernier est sur le terrain, mobile à la recherche du pâturage et de l’eau parce qu’il a des animaux. Aussi, il faut associer davantage le CAPAN dans l’élaboration des critères concernant les éleveurs à aider en période de soudures. L’appui ne doit pas viser seulement l’éleveur mais il doit permettre de sauvegarder le cheptel.
Le collectif travaille-t-il en collaboration avec les autres acteurs du secteur pastoral au niveau national et international ?
Le CAPAN travaille en collaboration avec le ministère en charge de l’élevage, le réseau des Chambres d’agriculture (RECA) dont le CAPAN est membre et les autres organisations faîtières nationales et internationales de l’espace AES et du CILSS dans le cadre du développement de l’élevage.
Quels sont les besoins les plus urgents des éleveurs et des communautés pastorales au Niger en termes d’appui et de soutien ?
Les besoins existent mais il faut les prioriser.Ainsi, entre autres, le premier besoin est la sécurisation des éleveurs pasteurs dans les zones de tension et d’insécurité chronique ; ensuite un accès libre et équitable aux ressources pastorales ; puis un soutien aux éleveurs pasteurs ayant perdu leurs moyens d’existence du fait par exemple de la sécheresse à travers l’aide à la reconstitution du cheptel ou à la reconversion dans d’autres actions avec les Activités Génératrice de Revenus ; une intégration des éleveurs pasteurs dans le processus de prise de décisions communales et enfin un accès aux marchés et services sociaux de base. Il s’agit de permettre aux éleveurs pasteurs de bénéficier des services de santé, à leurs enfants d’aller à l’école éducation, et leur cheptel d’être protégé des maladies animales.
Quelles sont les perspectives et les projets futurs du collectif pour renforcer le pastoralisme au Niger et préserver les modes de vie des communautés pastorales ?
Il s’agit là de renforcer le plaidoyer avec le ministère en charge de l’élevage pour que les décideurs prennent conscience de la nécessité de donner un nouveau visage au pastoralisme dans toute sa dimension en y intégrant les communautés pastorales qui subissent des mutations profondes dans des contextes marqués par les changements climatiques. Nous allons continuer à aller vers les autorités et les partenaires pour bien expliquer nos préoccupations, utiliser dans ce sens les canaux de communication appropriés.
Réalisée par Assad Hamadou (ONEP)