
Pr Madi Nayama
Monsieur le Directeur Général, présentez-nous la Maternité Issaka Gazobi (MIG) et quels sont les partenaires qui l’accompagnent et interagissent dans la prise en charge des survivantes des violences basées sur le genre (VBG) ?
La Maternité Issaka Gazobi (MIG) est un établissement de référence nationale, un centre d’excellence en santé de la reproduction. En plus de la prise en charge des complications liées à la grossesse ou à l’accouchement, des cancers gynécologiques et mammaires, et des consultations néonatales, nous faisons également l’accompagnement et la prise en charge des violences basées sur le genre. La MIG est un terrain de stage pour la formation initiale des professionnels de santé mais également pour la formation des spécialistes, notamment en DES de Gynécologie & Obstétrique, de Chirurgie générale, de Pédiatrie, Anesthésie & Réanimation.
En accompagnement des efforts de l’Etat , le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) est notre principal partenaire. Grâce à son appui, nous avons reçu plusieurs kits qui nous permettent d’assurer la prise en charge des patientes. Ainsi, de nombreuses femmes se rendent dans nos services pour bénéficier d’un meilleur suivi médical.
Les premières heures suivant une agression sont cruciales pour la prise en charge des survivantes. Il est impératif d’éviter l’apparition des infections telles que le VIH, l’hépatite B ainsi que la survenue d’une grossesse non désirée. Les kits fournis par l’UNFPA contiennent des antirétroviraux, des contraceptifs d’urgence, des antibiotiques et des antalgiques, offrant ainsi une réponse médicale rapide et efficace. Nous exprimons ici notre profonde reconnaissance à l’UNFPA, notre partenaire de confiance.
La MIG est aux premières loges pour observer leurs impacts sur les femmes et les jeunes filles. Dites-nous la provenance de ces survivantes des violences basées sur le genre ?
Les survivantes nous proviennent de tous les arrondissements communaux de Niamey et des villages environnants. La grande majorité ( 92,62%) nous sont référées tandis que 7,8% se présentent spontanément.. Nous travaillons en étroite collaboration avec la Police Nationale, la Gendarmerie Nationale et la Justice. Ces institutions sont les principales sources de référence des patientes. Nous réalisons également des expertises médicales et, entre 2013 et 2024, nous avons effectué 3 847 expertises à la maternité Issaka Gazobi
La prise en charge des survivantes est immédiate et nous voudrions que les patientes viennent le même jour où il y a eu l’agression. Notre étude récente sur les violences sexuelles, allant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2023, a révélé 1914 cas d’agression et 2360 expertises médicales réalisées. Nous insistons sur l’importance pour les patientes de se rendre à l’hôpital sans délai après une agression. Même en l’absence de moyens financiers, nos services s’efforcent de délivrer un certificat médical, garantissant ainsi leur accès aux soins et à la justice.
Réalisée par Seini Seydou Zakaria (ONEP)
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Dans le cadre de la tolérance zéro de la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG), le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a établi un partenariat avec les Forces de Défense et de Sécurité, notamment la police et la gendarmerie nationale afin de «Renforcer leurs systèmes de prise en charge des survivantes de VBG et de gestion des données liées aux violences basées sur le genre».Ce partenariat s’articule autour de plusieurs axes stratégiques, notamment :
– L’appui à la création des divisions de protection des femmes et des mineurs au sein de la police et de la gendarmerie avec la désignation de points focaux VBG dans les brigades régionales, départementales, communales et aux frontières du pays.
-La formation des chefs de brigade et des agents aux techniques d’interview, à la prise en charge des survivantes de VBG et à l’utilisation d’une nouvelle fiche de collecte de données, intégrant les six formes de VBG conformément aux standards internationaux.
– La numérisation du système de collecte des données pour un accès en temps réel à des informations fiables et consolidées sur tout le territoire.
– L’équipement des brigades en matériel informatique (tablettes, ordinateurs) afin d’optimiser la gestion et le suivi des cas.
– Deux véhicules 4X4 pour renforcer les capacités de mobilité de la cellule.

Grâce à l’appui de l’UNFPA, la police et la gendarmerie disposent d’une base nationale des données VBG sur le kobo tool et disposent d’un pool de formateurs sur cet outil. De 2020 à 2022, la gendarmerie a enregistré plus de 9000 cas d’incidents VBG qui sont documentés par la cellule et ses brigades. À ce jour, 107 brigades de gendarmerie et 116 brigades de police ont été mises en place à travers le pays. Elles assurent l’écoute, l’enregistrement et le traitement des plaintes des femmes et des mineurs, y compris celles des survivantes de VBG, ainsi que la rédaction des procès-verbaux. Ces brigades travaillent en collaboration avec les procureurs de la République et les juges d’arrondissement, garantissant ainsi le bon déroulement des procédures judiciaires, depuis l’audition des victimes jusqu’au déferrement des auteurs présumés. Les policiers et gendarmes sont pleinement engagés pour assurer la protection des victimes et la poursuite des responsables de ces violences.

L’UNFPA au Niger adopte une approche holistique dans la lutte contre les VBG en intégrant les professionnels de santé, les acteurs de la sécurité, les autorités locales et les communautés dans des programmes de sensibilisation, de formation et de soutien aux victimes. Ces efforts contribuent à instaurer un environnement plus sécurisé pour les femmes et les filles, particulièrement dans les contextes humanitaires où les risques de violences sont accrus.
Dans les zones humanitaires, notamment les camps de réfugiés et de déplacés, l’UNFPA développe des formations spécifiques pour les agents de sécurité afin de leur permettre de mieux comprendre les spécificités des violences basées sur le genre dans ces contextes sensibles. Ces formations couvrent les stratégies de prévention, la gestion des cas et la protection des survivantes dans des environnements particulièrement vulnérables.
Seini Seydou Zakaria (ONEP)