Monsieur le Préfet, la région de Diffa va accueillir les manifestations commémoratives de la fête tournante du 18 décembre 2020, quel est le niveau d’implication de votre entité administrative dans la réussite de cet événement d’envergure nationale ?
Le programme de modernisation des villes concernent les Chefs-lieux des Régions, il se trouve que le siège du département de Diffa est dans le chef-lieu de région. Ce qui veut dire que notre implication dans ce processus de la modernisation de la ville de Diffa sous le vocable de Diffa N’glaa est extrêmement importante. Nous sommes impliqués jusqu’au cou dans l’organisation de cet événement national. Je suis le président de la commission Fantasia. En effet, la fantasia est un aspect culturel de la région de Diffa. Et au-delà de la commission Fantasia, il y a une coordination de toutes les commissions pour que le travail soit collégial.
Quelles sont les principales réalisations enregistrées au niveau de votre entité administrative dans le cadre de la mise en œuvre du programme de renaissance du Niger ?
Dans le programme de renaissance, il ne s’agit pas de voir seulement des réalisations physiques. Il y a des réalisations comme le changement de comportement au niveau de la société qui puisse amener les communautés à être des actrices du développement dans la région ou le département dans lequel les individus se retrouvent. S’agissant des réalisations physiques, elles ont touché les domaines de l’éducation, de la santé ; des infrastructures ; de l’hydraulique ; l’environnement. Et le comble des réalisations, c’est la fête tournante Diffa N’glaa qui vient avec son lot des réalisations d’infrastructures modernes pour changer complètement le visage de la capitale du Manga. Sur le plan sécuritaire, on peut noter que la modernisation de l’Armée à travers le recrutement massif des soldats pour faire face à la situation sécuritaire qui nous a été imposée par la secte terroriste Boko Haram. Les efforts consentis par le gouvernement dans le domaine militaire ont permis à Diffa de rester en paix.
La région de Diffa est confrontée depuis 2015, à l’insécurité née des exactions de la nébuleuse secte terroriste Boko Haram, comment se présente la carte sécuritaire de votre département ?
Dans le département de Diffa, nous avons deux types d’insécurité : la menace liée à la nébuleuse secte terroriste de Boko Haram et l’insécurité créée par les communautés elles-mêmes à travers leur secteur de travail. Nous gérons des conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. Mais depuis un an et demi, l’insécurité connait une accalmie dans le département de Diffa. Certes, il y a des cas d’insécurité résiduels. L’Etat continue de déployer sur les fronts les Forces de Défense et de Sécurité pour assurer la sécurité aux populations et le vivre ensemble. Aujourd’hui, la preuve de l’accalmie sur le front sécuritaire, c’est la fréquence des redditions. Et l’Etat a mis en œuvre un programme pour l’insertion au sein de la société de tous ceux qui ont voulu calmement et paisiblement déposer les armes et revenir pour qu’ensemble nous puissions construire la Nation. A cet effet, un centre de reddition de repentis de Boko Haram a été créé à Goudoumaria. Ce centre est fonctionnel. Il a formé déjà 180 ex-combattants de Boko Haram. Ces derniers sont reversés dans la société pour qu’ils puissent être resocialisés et reprendre leurs activités économiques qu’ils connaissaient avant Boko Haram.
Pour rendre la guerre plus difficile et complexe à nos Forces de Défense et de Sécurité, le groupe terroriste Boko Haram recrutait à l’époque, beaucoup de jeunes dans les différentes localités de la région de Diffa, quelles ont été les stratégies mises en œuvre au plan régional pour ralentir ce phénomène périlleux ou l’éradiquer totalement de la Région?
Dans la vie, nul n’est mobilisable en dehors de ses intérêts. Dans sa stratégie de recrutement, Boko Haram a fait comprendre à la jeunesse qu’elle a de l’avenir en l’aidant à combattre les symboles de l’Etat. L’Etat de son côté devrait aussi prendre les taureaux par les cornes pour montrer à cette communauté que l’avenir de ses enfants n’est nullement dans cette aventure. L’Etat a mis en place un système communautaire d’explication et de sensibilisation qui a commencé avec les chefs traditionnels et les familles. Il fallait déconstruire les discours véhiculés par Boko Haram. Il faut que les idées développées par Boko Haram soient balayées par des arguments forts. Le développement doit se faire avec la communauté et non contre elle. Pour ce faire, l’Etat a créé des partenariats avec les communautés et partenaires au développement pour accélérer le retour de la paix. C’est une grande stratégie de communication que l’Etat a développée pour détruire la stratégie de communication de Boko Haram. Au début, la secte terroriste Boko Haram recrutait ses combattants avec une moto et 500.000 nairas. Le jeune qui a accepté cette offre empoisonnée va faire son business de « Kabou-kabou ». La contrepartie de l’offre, c’est qu’il doit donner régulièrement des informations à Boko Haram. Lorsque l’Etat a compris cela, il a interdit la circulation des motos. Cette interdiction a freiné un peu cette volonté des jeunes d’acquérir une moto dans la mesure qu’elle ne circule pas dans toute la région de Diffa. En créant le centre des repentis, les objectifs de l’Etat étaient clairs. Il faut former ces jeunes sur un certain nombre de métiers qui leur permettront de se prendre en charge dans la vie quotidienne à travers un accompagnement au démarrage. L’Etat et ses partenaires ont multiplié leurs efforts pour que dans l’insécurité, la région de Diffa se développe à travers la réalisation de plusieurs infrastructures touchant la sécurité alimentaire ; la santé ; l’éducation ; l’hydraulique etc. tout le monde est unanime que la lutte contre Boko Haram n’est pas que militaire seulement dans la mesure où l’ennemi est diffus dans la société. Il faut donc l’implication de l’ensemble de la communauté pour que la lutte soit efficace. C’est ce que l’Etat est en train de mettre œuvre sur le terrain.
L’économie régionale est complètement exsangue avec l’insécurité qui sévit dans la région de Diffa, quelles sont les stratégies de relance des activités économiques dans votre entité administrative ?
Certes la région a été fortement secouée par l’insécurité, mais l’économie reste résiliente. La marche de l’économie a été freinée avec les abords de la Koumadougou qui ne sont plus exploitables. L’on ne peut pas atteindre l’autosuffisance alimentaire sans l’agriculture. Malheureusement, les champs se trouvant sur les abords de la Komadougou et au-delà sont inexploitables en raison de l’insécurité et les inondations. L’élevage en tant que maillon de production des devises a aussi pris un coup dur dans la même foulée. C’est dire que l’économie a été d’une façon ou d’une autre impactée par cette situation sécuritaire. La route N’guigmi jusqu’à la frontière du Tchad a été suspendue à cause de l’insécurité. Lorsque cette route pouvait faciliter les échanges commerciaux. En Août 2020, il y a presque 28 villages du département de Diffa en l’occurrence les villages de la commune rurale de Gueskerou qui se sont déplacés complètement du fait de l’insécurité et ceci après avoir ensemencé leurs champs. Ils sont au total 1542 ménages qui ont quitté en bloc dans les 28 villages. Ce déplacement a eu des conséquences sérieuses sur les systèmes sociaux de base tels que l’éducation ; la santé ; l’hydraulique etc. A ces déplacés, viennent s’ajouter les réfugiés venant du Nigeria. C’est dire que l’économie du département de Diffa a été touchée. L’agriculture et l’élevage qui doivent se faire au bord de la Komadougou et un peu en amont de cette ressource en eau ne sont plus possibles. Il y a certes une relance économique qui est observée petit à petit à travers le soutien accru aux populations. Il faut que celles-ci se réinstallent dans leur communauté et retrouver leur espace de production qu’elles connaissaient. Nous sommes en train de mettre sur pied des petits projets de relèvement de ces populations.
La campagne agro-sylvo-pastorale écoulée, a été marquée, cette année, par des fortes précipitations dans quasiment toutes les régions du Niger avec son corollaire des inondations, quelle évaluation peut-on faire de cette campagne tant du point de vue céréalier, fourrager que de la gestion même des inondations ?
Il a certes plu dans toutes les régions du Niger. Je vous disais qu’en août 2020, nous avons déjà 28 villages qui se sont déplacés à cause de la dégradation de la sécurité dans la commune rurale de Gueskerou. Ces villages sont déficitaires parce qu’ils n’ont pas eu à cultiver leurs champs. Mieux, dans cette commune, nous avons dénombré 58 villages déficitaires. Rien que la commune rurale de Gueskerou, l’évaluation a fait ressortir 50.039 habitants en insécurité alimentaire. La commune urbaine de Diffa qui a accueilli les 28 villages de Gueskerou se retrouve aussi avec 14 villages et quartiers qui sont déficitaires, soit 68.612 habitants. Lorsque vous prenez la commune rurale de Chétimari, on a enregistré 81villages déficitaires. Ici, la cause principale de la mauvaise campagne agricole, c’est le lessivage des terres et les ennemis des cultures. Dans cette commune, il y a à peu prés 56.773 habitants en insécurité alimentaire. L’eau de la pluie ne nous a pas fait tellement des dégâts, mais la crue de Komadougou a fait en sorte que des villages se trouvent complètement déplacés. En 2019, il y avait eu des villages qui s’étaient déplacés. La crue de la Komadougou en 2020 a fait déplacer le restant des villages qui n’ont pas quitté en 2019. Les inondations de 2020 ont fait quitter plusieurs villages comme Limram ; Malamboirdi ; Dabago Djadji et Dabago Kadayé.
Réalisée par Hassane Daouda, Envoyé Spécial(onep)