
Les usagers souscrivent à des contrats d’assurances ...
Classé 7ème pays en Afrique de l’Ouest en termes de la survenue d’accidents de circulation, le Niger perd environ 237 milliards FCFA par an, selon les estimations de la CEDEAO. Autant dire que les accidents de la route causent d’énormes dégâts tant humains que matériels. Ces pertes sont censées être réparées en partie par les maisons d’assurances notamment pour les dommages enregistrés par les assurés. Malheureusement, à l’épreuve des faits, la souscription à l’assurance est de plus en plus perçue comme une charge financière inutile par de nombreux abonnés au Niger. Son utilité ne semble pas clairement établie en raison des difficultés qu’éprouvent les assurés à se faire indemniser surtout en cas de sinistre automobile ou d’accident de la circulation. Entre l’omerta sur la gestion de sinistre automobile et la lenteur dans le processus d’indemnisation, les assurés fustiges le comportement des maisons d’assurance.
Le taux d’accidents de la circulation est de plus en plus élevé. Les données statistiques le confirment. D’après les statistiques du Ministère des Transports, le Niger a enregistré 8561 accidents corporels, 1278 tués, 4321 blessés graves et 7558 blessés légers en 2022. Rien qu’à Niamey, l’Agence nigérienne pour la sécurité routière (ANISER) a enregistré 4096 accidents dont 216 tués, 1164 blessés graves et 3287 blessés légers. Sur la base des mêmes statistiques, il ressort qu’entre 2021-2022, les accidents de la route ont augmenté de 13% au niveau national dont 2,53% pour la région de Niamey. C’est dire que les accidents de la route sont une véritable source de préoccupation dans ce pays qui, pourtant, n’a pas un parc automobile pléthorique comparé aux autres pays de la sous-région. Fort heureusement, il existe des maisons d’assurance pour gérer ce genre de sinistre. Mais au regard des expériences des uns et des autres, il est légitime de s’interroger si les maisons d’assurances répondent aux attentes des usagers.
Le Niger occupe la 7ème place en Afrique de l’Ouest en termes de la survenue d’accidents de circulation qui causent d’énormes dégâts tant humains que matériels. Pour protéger son véhicule mais aussi pour se protéger et protéger le conducteur principal en cas de sinistre, les propriétaires font recours aux compagnies d’assurances. Mais qu’est-ce qu’un sinistre chez l’assureur? On parle de sinistre en assurance lorsqu’un risque garanti par un contrat d’assurance se réalise dans les conditions qui entrainent pour l’assureur l’obligation de faire jouer sa garantie. Dans le cas des accidents de la circulation, en vertu du contrat d’assurance, l’assureur est tenu de couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que peut encourir l’assuré du fait de dommages corporels ou matériels causés à des tiers.

Cependant, à l’épreuve des faits, la souscription à cette garantie est de plus en plus perçue comme une charge financière inutile par de nombreux abonnés au Niger. Son utilité ne semble pas clairement établie en raison des difficultés qu’éprouvent les assurés à se faire indemniser surtout en cas de sinistre automobile ou d’accident de la circulation.
Un processus des plus décourageants pour les assurés
Le règlement de sinistre automobile constitue un véritable goulot d’étranglement pour les usagers d’engins assurés. Comment sont-ils indemnisés, à quels rythme l’indemnisation est faite? Voilà des questions voire des inquiétudes qui taraudent les esprits des usagers d’engins. Et ils sont nombreux à se plaindre de la lenteur dans la réparation des préjudices subis par eux ou leurs engins. En effet, l’obtention de cette indemnisation est très souvent un véritable parcours de combattant, tant il est vrai que les processus est long, fastidieux et à la limite décourageant pour les requérants. M. Issaka Hamani, est conducteur de taxi à Niamey. Celui-ci dénonce avec désarroi le comportement peu recommandable des assureurs.
« J’ai eu un accident en début du mois de ramadan passé. Le choc a endommagé l’arrière de ma voiture. Après le constat de la police routière, j’ai déposé mon dossier de demande d’indemnisation comprenant un devis de 130.000 FCFA. J’ai respecté toutes les procédures mais à un certain moment j’ai décidé de réparer ma voiture moi-même, compte tenue de la lenteur du processus du dédommagement par mon assureur », a-t-il dénoncé. Très remonté, notre interlocuteur a rappelé qu’on souscrit à une assurance pour bénéficier de ces prestations en cas du sinistre et non pas pour a forme. « Aujourd’hui, cela fait presque un an que j’ai déposé mon procès-verbal au niveau de mon assureur mais j’attends toujours le signe de l’expert. Ce véhicule est mon outil de travail, si je n’avais pas pris l’initiative de le réparer, je serais encore là à attendre, je serais en chômage », fait-il constater.
Issaka Hamani nous fait savoir qu’il n’en est pas à sa première mauvaise expérience avec les maisons des assurances. Et il n’est certainement pas le seul à être dans cette situation. Il explique qu’une année, après un accident, jusqu’à ce qu’il se décide à vendre sa voiture, il n’a pas été indemnisé par son assureur. « Nous prenons l’assurance juste à cause du contrôle de la police et non pour l’indemnisation en cas d’accident. Etre assuré n’est plus une garantie pour être indemnisé en cas d’accident. Si tu n’as pas des connaissances dans la chaine, autant ne pas t’engager à une réclamation car, c’est peine perdue, c’est inutile. Malheureusement pour nous, l’Etat même ne se soucie pas de ce problème», a-t-il décrié. Il faut aussi dire que les organisations de défenses des droits de consommateurs semblent ne pas accorder le moindre intérêt à la question d’indemnisation en cas de sinistre. Or, les abonnés des maisons sont des consommateurs au même titre que les autres consommateurs.
Un autre conducteur de taxi anonyme, excédé par le comportement des assureurs, confie qu’il ne perd plus son temps à aller chez son assureur en cas d’accident. « En cas d’accident, je m’arrange toujours à régler cela à l’amiable avec le protagoniste. Il ne sert à rien d’aller voir une assurance pour se faire indemniser. Cela prend des années et au finish, la personne n’aura rien. Et même s’ils paient, les assureurs trouveront toujours un moyen pour réduire la somme écrite sur le devis », fustige-t-il. Il ajoute que la dernière fois qu’il a fait un accident, le conducteur en tort lui a donné une somme sur place pour réparer son véhicule. « Ce n’est pas parce qu’on n’avait pas de papier au complet mais chacun de nous était conscient de l’inefficacité des agences d’assurances », a-t-il justifié. On comprend que l’espoir d’être indemnisé est généralement mince et même si c’est le cas, le suivi du dossier est une autre paire de manche en plus du fait que certaines personnes dénoncent le fait que les compagnies s’arrangent toujours à ne pas verser l’intégralité du montant dû.
Ces deux conducteurs ne sont pas les seuls à se plaindre des retards dans le processus d’indemnisation en cas de sinistre automobile car, on entend les critiques fuser de toute part contre les assureurs de la part des conducteurs professionnels qui sont les plus nombreux dans ce cas mais aussi les conducteurs particuliers. Ils sont nombreux, en tout cas, les usagers qui ne voient pas l’utilité de prendre une assurance automobile dans la mesure où pour eux cette « assurance n’assure rien ». « Ce sujet est pertinent car, la question de la gestion du sinistre automobile reste et demeure une épine dans les pieds des usagers. Voilà des années que je prends mon assurance. J’ai eu un accident et je l’ai déclaré à l’assureur pour être indemnisé au plus vite. Cela étant, le processus d’indemnisation n’a pas été rapide. J’ai dû patienter pendant des mois avant d’être indemnisé » témoigne, M. Abdoul Aziz, avec dédain et désolation.
Face à l’omerta des assureurs, un ancien cadre tente d’expliquer le processus
Pour en savoir sur les raisons de cette lenteur dans l’indemnisation des usagers en cas de sinistre automobile, nous avons approché plusieurs compagnies d’assurance. Cette démarche a été sans suite, les interlocuteurs ayant préféré ne rien dire. On dirait qu’il y a comme une sorte d’omerta sur la question d’assurance au Niger pour gruger le consommateur. Toutefois, M. Abdoulkader Soumana Diallo, un cadre d’assurance à la retraite explique les raisons de cette lenteur constatée et déplorée par les usagers.

Selon lui, la gestion du sinistre automobile passe par l’instruction du dossier qui comprend entre autres la déclaration d’accident (article 12 aliéna 4 Code CIMA), le procès-verbal de constat d’accident. « Il faut noter que la procédure d’instruction diffère selon les dommages matériels ou corporels. Une fois l’instruction du sinistre terminée, le dossier passe à la procédure de règlement où des propositions d’indemnisation sont faites qui débouchent en principe, sur le paiement de l’indemnité en cas d’accord entre les parties », a-t-il expliqué.
Expliquant certaines procédures, il indique que « en cas d’accident de circulation, il faut faire appel aux autorités compétentes pour faire constater sa survenue. Il peut s’agir de la police en ville et de la gendarmerie en brousse ou même un huissier. Après les formalités de constat, il faut se rendre chez son assureur pour déclarer l’accident (article 12 aliéna 4 Code CIMA). Une fois la déclaration faite, en principe le rédacteur du rapport du sinistre va indiquer les éléments nécessaires pour l’instruction du dossier toujours en fonction de la nature du sinistre. Cela en cas de dommages purement matériels ou corporels », a-t-il dit.
A ce niveau, notre interlocuteur a précisé que le code Cima met un accent particulier sur les dommages corporels. « D’ailleurs, ledit code ne parle que des dommages corporels et très peu des dommages matériels, l’article 231 parle des délais d’indemnisation, l’article 240 parle des pièces à fournir pour l’indemnisation des victimes directes et l’article 241 des pièces à fournir par les Ayants Droits des victimes décédées. Les articles 258 à 263-1 portent sur le règlement de l’indemnisation des victimes directes alors que les articles 264 à 266 sont consacrés à l’indemnisation des Ayants Droit des victimes décédées », a-t-il nuancé.
A propos de la question de lenteur, M. Abdoulkader explique que la première lenteur dans la gestion du sinistre automobile est due très souvent à la non disponibilité des PV d’accident alors même que le code Cima fait obligation aux autorités ayant constaté l’accident de circulation de transmettre le PV aux assureurs dans un délai maximum de 3 mois (art 230). « Malgré cette injonction du Code Cima, la non disponibilité des PV dans un délai raisonnable est un véritable frein du règlement diligent des dossiers sinistres », a-t-il précisé.
Cet ancien cadre des assurances a aussi cité entre autres problèmes la détermination du taux de responsabilité des protagonistes dans la survenance des accidents de la circulation conformément au code de la route et au barème de responsabilité du code Cima. « Ce cas constitue un véritable goulot d’étranglement entre les compagnies d’assurances dans le traitement des dossiers de sinistres au grand dam des assurés et bénéficiaires des contrats d’assurances. D’ailleurs, c’est pourquoi il est institué une commission d’arbitrage au sein du comité des assureurs qui en principe siège chaque semaine pour statuer sur les cas de litiges de responsabilité entre compagnies », a-t-il fait savoir.
Selon M. Abdoulkader, cette lenteur peut être liée également à un manque d’effectifs au niveau des services sinistres des compagnies d’assurance, la non qualification des agents mais aussi une politique interne des compagnies dans la cadence de règlement des sinistres. « Il faut noter que le taux de sinistralité dû aux accidents de la circulation au Niger est très élevé et cela crée un véritable défi aux assureurs dans le traitement des sinistres qui, il faut le souligner, sont des sociétés commerciales », a-t-il martelé. Pour lui, le sinistre automobile est l’un des moments les plus importants dans la relation assureur-assuré. « L’image négative, qui colle encore à la peau des assureurs, ne favorise pas une compréhension du rôle de l’assurance dans la protection sociale des populations et leur adhésion massive à la solution ‘’assurance’’. Les assureurs doivent être plus diligents dans l’exécution des prestations promises dans le contrat après survenance d’un sinistre pour améliorer leur image », a-t-il conseillé.
Rahila Tagou (ONEP)