Le Document de la Stratégie Nationale de Développement Urbain (SNDU) a été adopté en octobre 2004 par le Gouvernement du Niger. Il ressort de ce document que la forme principale d’extension de nos villes est marquée par la juxtaposition de lotissements successifs. Ces derniers étaient l’œuvre exclusive des pouvoirs publics (l’Etat et les communes principalement).
Cette forme d’extension urbaine entraîne une consommation excessive de patrimoine foncier en même temps qu’elle induit un déséquilibre structurel entre la zone centrale pourvue de toutes les commodités urbaines au détriment des zones périphérie marginalisées (éloignement relatif, absence ou insuffisance d’équipements publics et services urbains de base, même les plus élémentaires).
Quant au lotissement dit « privé », il n’a fait son apparition qu’en 2004, soit sept ans après que le décret n°97-306 du 08 août 1998 pris en application de l’Ordonnance n°97-005 du 17 janvier 1997 instituant les documents d’urbanisme (1ère Réforme de l’Urbanisme) ait élargi l’initiative du lotissement à de nouveaux acteurs autres que l’Etat et les communes (professionnels, aménageurs-constructeurs).
Deux ans plus tard, soit en 2006, un groupe de trois (3) opérateurs privés de lotissement ont été enregistrés par les services de l’Urbanisme. Leurs opérations s’inscrivaient dans le cadre d’un périmètre d’urbanisme préalablement approuvé : le Schéma de secteur Est, route de Dosso adopté en novembre 2005. Eu égard aux conditions restrictives qui leur étaient imposées (notamment la signature d’une convention publique d’aménagement avec l’autorité locale), ces opérateurs ont eu beaucoup de difficultés à réaliser leurs opérations dans le respect des délais et du cahier de charges à eux imposé.
Le développement des initiatives privées de lotissement considéré comme « anarchique » n’a véritablement commencé à se manifester qu’à partir de 2010 et ce, jusqu’au 31 juillet 2014, date de son arrêt par décision du Conseil des ministres. On note toutefois des formes plus subtiles du phénomène, en dépit de l’arrêt susvisé. Les dates marquantes et les actions menées ou envisagées en matière de politique nationale d’aménagement urbain basée sur le Lotissement des centres urbains peuvent être résumées comme suit :
– la période 1959-1971 : l’Etat était l’aménageur exclusif (lotisseur) toutes zones confondues.
Toutefois, les collectivités territoriales (notamment les communes) sont associées à la gestion des parcelles des zones dites « d’habitation traditionnelle » (octroi de permis urbains d’habiter, suivi de la mise en valeur des parcelles, transmission au ministère des Finances des procès-verbaux de constat de mise en valeur en vue de l’octroi de titres définitifs de propriété).
– la période 1971-1997 : l’Etat s’est progressivement retiré du processus de production des parcelles en laissant cette responsabilité aux collectivités territoriales. L’année 1997 correspond à l’avènement de la première Réforme de l’Urbanisme (voir plus haut).
– la période1997-2008 : l’Urbanisme retrouve ses lettres de noblesse, en faisant désormais du lotissement une véritable opération d’aménagement urbain, contrairement à la période antérieure où les aspects fonciers prédominaient. 2008 correspond à l’année de promulgation de la Loi n°2008-03 du 30avril 2008(LOUAF, 2ème Réforme de l’Urbanisme) ;
– la période 2008-2011 : Ephémère 6ème République (2009-2010) et Transition militaire suite aux évènements du 18 février 2010; la période de la Transition est marquée au plan de l’Urbanisme, par l’adoption d’une Circulaire et de deux Arrêtés ministériels édictant des mesures dites « transitoires en matière de lotissement » en lieu et place du Décret en Conseil des ministres pour préciser les modalités d’application de la loi 2008-03 du 30 avril 2008 susvisée en matière de lotissement ;
– la période 2011-2014 : 7ème République (Acte I); elle est marquée au plan de l’Urbanisme, par une 3ème Réforme avortée, en l’occurrence la Loi n°2013-28 du 12 juin 2013 fixant les principes fondamentaux de l’urbanisme et de l’aménagement urbain ; l’avènement du lotissement privé anarchique, la Décision du Conseil des ministres du 31 juillet 2014 prononçant l’arrêt dudit lotissement et ordonnant l’audit des lotissements déjà octroyés ainsi que la révision de la loi 2013-28 susvisée ;
– la période 2014-2024 : 7ème République (Actes I, II et III) et Avènement du CNSP depuis le 26 juillet 2023. Elle est marquée au plan de l’Urbanisme, par d’intenses efforts en matière de législations et réglementations(promulgation de deux lois et pas moins de cinq décrets d’application et arrêtés ministériels dans certains cas) ; la non-exécution de l’audit des lotissements et absence à date de bilans de l’application des décisions gouvernementales du Conseil des ministres du 31 juillet 2014 et situation confuse en matière de lotissement (particulièrement à Niamey et au niveau des communes d’alentours). La période est aussi marquée au plan foncier, par (i) une Etude de Revue des textes domaniaux et fonciers du Niger, suivie de recommandations visant la réforme du secteur (MUL, juin 2022) ; (ii) la suspension par Ordonnance N°2024-30 du 1er juillet 2024 de la délivrance des titres de détention coutumière.
La genèse ci-dessus établie ne rend compte qu’en partie des problèmes d’urbanisme et d’aménagement urbain au Niger. Mais elle peut servir de repères pour la formulation de propositions pertinentes à l’endroit des Plus Hautes Autorités du CNSP afin de les aider à surmonter la situation confuse du lotissement précédemment soulignée. Dans ce sens, trois (3) recommandations à caractère urgent mériteraient d’être portées à l’attention desdites Autorités :
1- l’élaboration de la nouvelle Législation (réforme foncière) annoncée dans le Communiqué du Secrétariat Général du Gouvernement relatif à la suspension par l’Ordonnance n°2024-30 du 1er juillet 2024 du Président du CNSP de la délivrance des attestations de détention coutumière.
2- la réalisation d’un Bilan Global du lotissement de 2004 à 2024 au niveau de l’ensemble des communes ayant réalisé des opérations au cours de la période indiquée. L’objectif principal de cette mesure, c’est de disposer de la situation réelle des opérations menées ; évaluer leur impact sur les périmètres communaux affectés et prendre les mesures d’ordre juridique et pratique que requiert les situations qui seront mises en évidence ;
3- le retour désormais à une certaine orthodoxie en matière d’aménagement foncier : respect scrupuleux des textes législatifs et réglementaires en la matière et respect aussi des textes fonciers qui participent du processus de gestion domaniale et foncière : respect du principe de trois arrêtés du ministre de l’urbanisme en matière de lotissement au lieu d’un seul (dispositions du décret 2020-188 du 06 mars 2020 relatif aux plans d’urbanisme opérationnel dont le lotissement) ; obligation d’immatriculation systématique des périmètres de lotissement au Livre foncier du Niger, avant toute attribution de parcelles par les collectivités (dispositions de l’ordonnance 59-113 du 11 juillet 1959 relative au domaine privé de l’Etat et du décret 71-33 du 16 février 1971 portant transfert domanial aux collectivités territoriales).
Tel est le sens de cette modeste Contribution. Les contributions dans ce sens des autres citoyens sont vivement attendues pour contribuer à enrichir le débat.
Aoula Mamoudou, Architecte-consultant
Tél. : +227 96.96.55.82, Niamey-Niger,
Quartier Recasement
E-mail : aoulamamoudou20@gmail.com