Revenons encore sur l’atmosphère qui règne dans nos villages en cette période faste des récoltes des cultures. Au soulagement lié à la sortie des rudes journées de labourage des champs, vient s’ajouter la joie de savourer les délices des énormes retombées du sacrifice des travaux champêtres avec la récolte des céréales, du haricot et d’autres cultures de rente dont l’arachide, le sésame, le souchet, le gombo frais et divers autres légumes pour assaisonner les sauces.
C’est l’heure des comptes, un brin de sourire aux lèvres : 50 bottes de mil par-là, 40 autres de l’autre bout du champ, des tas de haricot par-ci par-là à travers les champs ! Bien de quoi se faire des idées qui glissent des comptes aux…règlements de comptes ! Car, c’est le moment où la discorde s’installe dans les foyers entre le mari et l’épouse, le père et le fils, le créancier et le débiteur, etc. Si dans la plupart des cas, les incompréhensions sont très vite surmontées, dans certains cas elles prennent l’allure d’un drame.
C’est malheureusement le cas pour cet agriculteur d’un village du département de Bouza pour qui le plaisir de contempler les gros de monceaux de bottes de mil entassés dans son champ n’aura été que de courte durée. En effet, c’est impuissant, et la mort dans l’âme, qu’il a assisté à l’incendie d’une bonne partie de sa production, avec 80 bottes de mil réduites en cendres et en fumée ! La vidéo insolite de cet incendie criminel fait le buzz sur les réseaux. On y voit des flammes ravageant tout un tas de mil déjà en état de cendres, avec une voix off s’exclamant sur le vif : ‘’wanga mata tayi mougoun abou !’’, pour dire que ‘’cette femme a fait quelque chose d’impensable’’. Et c’est un vocal qui accompagne la vidéo qui vient donner quelques brides d’informations. L’auteur qui parle de ‘’tchichi’’ (jalousie) explique que c’est deux jours seulement après avoir été ‘’chassée’’ par son mari que la pyromane est venue commettre son forfait. En quelques mots, tout est presque dit !
Il suffit de savoir un peu sur ce qui se passe dans les foyers en cette période des récoltes pour deviner le motif réel (mais inexcusable) d’un tel acte. La dame en question, qui a sans doute trimé toute la saison durant, à la maison et au champ, pour accompagner son époux dans les travaux champêtres n’a pas pu supporter de se voir renvoyée à la maison sans autre forme de procès, laissant tout ce butin de la corvée à sa coépouse, ou à celle qui pourrait la remplacer. Aussi, à l’idée de prendre sa revanche, son sang ne fit qu’un tour, et la mèche incendiaire est partie. Même si, pour ce cas précis, la solution a atteint les limites de l’extrême, les turbulences au sein des ménages, on en compte beaucoup dans nos villages en cette période de la traite des récoltes.
Assane Soumana (onep)