Comme dans chaque métier, il y a les ‘’populaires’’ et le haut niveau ‘’high level’’ comme disent les Anglais. C’est ainsi qu’on a par exemple dans le milieu du plus vieux métier du monde, les péripatéticiennes ou filles de joie qui font les trottoirs et il y a les prostituées de luxe. Même dans la délinquance on a les petits voyous de quartier et les bandits au col blanc qui sont dans la grande criminalité. Et c’est pareil pour la mendicité, bien qu’elle ne soit pas un métier reconnu.
En effet, à côté des talibés, des handicapés et autres personnes indigentes qui pullulent dans les marchés, les mosquées et autres lieux publics à la recherche, pour la plupart, de leur pitance quotidienne, il y a, ceux qu’on peut qualifier légitimement de ‘’mendiants de luxe’’.
Eux, ils ne sont pas facilement reconnaissables parce qu’ils ne circulent pas en haillon comme la plupart des mendiants. Ils sont normalement habillés et souvent stylés. Leurs domaines réservés : les administrations et autres entreprises.
C’est ainsi que munis le plus souvent de porte documents comme s’ils sont venus demander un service, ils débarquent sans prévenir dans les bureaux. Beaucoup d’entre eux parlent correctement la langue officielle. Ce qui leur facilite l’approche, disons-le, avec leurs victimes. Après, les salutations d’usage, ils se lancent sans vergogne dans un exposé pathétique de leur situation, souvent usant d’un mensonge bien tissé.
Et, ils ne manquent pas d’arguments. Ils vous parleront entre autres du retard de paiement de la pension ; une famille nombreuse qui ne dispose pas d’un seul grain de riz à la maison ; une épouse ou un enfant malade ; des ordonnances à payer ; l’eau ou l’électricité coupée ; une panne sèche ou une crevaison ; la constitution d’un dossier pour un concours ; etc. Les plus stratèges disent simplement qu’ils sont de passage dans les parages et qu’ils se sont arrêtés pour vous passer un bonjour. Mais leurs attitudes trahissent le fond de leur attente.
Cette mendicité d’un genre nouveau se développe insidieusement, perturbe les agents sur leurs lieux de travail ou les met souvent mal à l’aise. En effet, devant le tableau sombre qu’ils dépeignent sur leur situation, ces mendiants de luxe ne vous laisseront pas indifférents. Ces mendiants ‘’high level’’ surfent sur la générosité, la sensibilité et surtout l’attachement du Nigérien aux prescriptions religieuses et aux valeurs de solidarité. Ils en font un métier et passent toute leur journée comme des fonctionnaires à faire le tour des services. Ils le font aussi bien pour les personnes qu’ils connaissent que pour celles qu’ils ne connaissent ni d’Eve, ni d’Adam.
Siradji Sanda (ONEP)