Notre pays a accueilli la semaine du 16 février la 3ème édition du forum des mines et du pétrole de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (ECOMOF 2022) à laquelle vous avez pris part en tant qu’acteur de la société civile nigérienne. Pouvez-vous nous parler de ce forum ?
J’ai effectivement pris part à l’ECOMOF 2022, non seulement comme conférencier, mais en tant que participant et visiteur des stands. Toutes les conditions ont été réunies pour faire de cette 3ème édition, une véritable réussite. C’est ce travail qui, à mes yeux, a permis au forum, placé sous le thème : « Intégrer les industries minières et pétrolières dans le développement des chaînes de valeur régionales », de gagner son pari. Comme vous l’avez constatez, les travaux ont débuté le mercredi 16 février 2022 au Centre international Mahatma Gandhi. Satisfaction et confiance, car le forum a pris la forme d’un grand marché international. Ces résultats encourageants couronnent les efforts déployés par la Ministre en charge des mines, Mme Ousseini Hadizatou Yacouba, le Ministre du Pétrole, de l’énergie et des énergies renouvelables, M. Mahamane Sani Mahamadou et le Commissaire en charge des mines de la CEDEAO, M. Douka Sidikou. C’est l’une des plus belles rencontres que la CEDEAO n’ait jamais organisée, et ce n’est pas que mon avis. Ce forum fait suite à la 2ème édition organisée à Abidjan et reste l’une des plus grandes rencontres des miniers en Afrique de l’Ouest. Cette rencontre a vu la participation de 60 exposants, 115 conférenciers, des délégations de 25 pays, 28 sponsors, 600 délégués et 900 visiteurs. Il y a eu des débats dans les coulisses et une veille marketing permanente. Je dirai que la rencontre de Niamey est originale, plus conviviale que les précédentes. De nombreuses animations ont rythmé les trois jours des travaux. D’importants sujets d’intérêt majeur pour les sous-secteurs minier et pétrolier ont été abordés par des experts et officiels gouvernementaux, mais aussi par des professionnels de l’industrie minière et pétrolière venant du monde entier. Ce Forum a surtout servi de cadre de collaboration et de dialogue pour soutenir les efforts de mise en place d’une architecture régionale dans le secteur géo-extractif. L’honneur m’a été fait d’animer la session 9A sur le thème : « Comment répondre à la demande énergétique croissante ? ». J’ai beaucoup aimé cette initiative puisque les débats sont venus renforcer notre espace commun, attestant que notre sous région a de l’avenir dans les secteurs stratégiques. Cet événement aura aussi permis aux investisseurs de rencontrer les délégations de plusieurs pays africains et occidentaux. Une initiative très appréciée par le public nigérien qui a répondu présent à tous les rendez-vous. Les expositions ont également régalé le public par leur qualité et leur originalité. Du coup, cette 3ème édition a remporté un franc succès et a attiré un large public très passionné par les industries extractives. Les Nigériens de tous bords garderont longtemps en mémoire ce forum, une vitrine pour notre riche patrimoine minier, pétrolier et gazier. La réussite était à tous les niveaux. C’est pourquoi, je ne peux que faire un bilan plus que positif de l’ECOMOF 2022 par rapport à l’organisation, mais aussi à l’ambiance du travail. En effet, malgré la très lourde charge de travail, une ambiance conviviale a régné tout au long des travaux. La sécurité était également très importante, en raison de la pandémie et des attaques terroristes sur les trois frontières. Toutes les entrées sont vérifiées. Cette organisation minutieuse a permis de pouvoir gérer efficacement les conférences. Je saisis cette occasion pour féliciter M. le Ministre Mohamed Saidil Moctar, Directeur Général de l’Agence Nationale de l’Economie des Conférences (ANEC), car l’avenir s’annonce plus que jamais radieux dans notre capitale Niamey.
Au regard des objectifs assignés à ce forum, on peut dire que son agenda est très chargé ?
Bien sûr, c’est un agenda très chargé parce qu’il se focalise sur le potentiel des chaînes d’approvisionnement régionales, la perspective d’harmoniser les éléments essentiels des cadres de politique fiscale du secteur géo-extractif dans la région, appréhender la problématique des investissements dans les industries extractives, examiner les questions de conformité et de gestion environnementale, les politiques de contenu local et les stratégies en matière des sciences et de l’innovation. C’est dire qu’il n’y a rien de plus gratifiant que d’aller jusqu’au bout des rêves des Etats africains. Les participants se sont longuement penchés sur des thématiques telles que : la transformation des produits extraits, la prise en compte du genre pour une gouvernance inclusive du secteur extractif, la sensibilité des questions énergétiques, la responsabilité sociétale des entreprises et le développement durable. A l’agenda de l’ECOMOF 2022, figure aussi l’examen du potentiel géologique de certains Etats membres, etc…
Quel profit doit tirer un pays organisateur comme le nôtre, producteur d’uranium, d’or, de charbon et de pétrole?
D’une manière générale, il est définitivement admis que notre pays dispose d’abondantes ressources primaires énergétiques : uranium, charbon fossile, pétrole, gaz naturel, soleil, bassins hydrauliques, vents, sans compter la biomasse, les déchets urbains et les résidus des cultures. Il a un potentiel énorme et peu exploité. Cela lui donne la possibilité de passer aux systèmes énergétiques inclusifs, décentralisés et moins polluants sans se restreindre des combustibles fossiles et des systèmes énergétiques centralisés et néfastes pour l’environnement. De ce fait, ce forum permettra au Niger, à l’instar de certains pays de la CEDEAO, de valoriser son secteur extractif pour créer de nouvelles industries extractives en prélude à son développement économique et social. Pour mémoire, depuis son accession à l’indépendance en 1960, les capacités de production et de valorisation des ressources minières et énergétiques du Niger sont restées limitées, faute d’avoir défini une politique clairvoyante et volontariste qui permettrait d’accéder à une véritable autonomie énergétique. Les conséquences néfastes de cette situation sont le fait que la population nigérienne consomme le moins d’énergie au monde, 80% de la population vit sans électricité, un habitant sur quatre a accès à l’électricité, 5% seulement des zones rurales avec moins de 5% d’habitants sont reliés au réseau électrique… Toutes ces insuffisances pousseront le Niger à prendre véritablement son destin en mains, conscient des enjeux globaux.
Et comment le Niger pourra-t-il accéder à un véritable développement minier et énergétique?
C’est une question difficile au moment où il est question d’examiner l’étude tarifaire 2023-2027 de la concession Nigelec avec tous les risques d’augmentation des tarifs de l’électricité. A l’heure où je vous parle pour disposer de meilleures chances d’accès à un véritable développement minier et énergétique, notre pays doit se poser une question simple qui comporte deux fenêtres : Comment initier des choix de nouveaux partenaires à un coût accessible à tous ? Comment entreprendre des actions qui vont permettre de palier les handicaps auxquels le sous-sol nigérien est actuellement confronté ? La réponse à cette question se trouve dans la volonté affirmée de nos autorités qui consiste à entreprendre la diversification des investissements intelligents et conséquents ; à accroître des projets miniers et l’offre énergétique dans le secteur rural dans l’espoir qu’une plus grande consommation d’énergie puisse impulser l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations ; à investir dans l’exploration et la modernisation des unités de productions énergétiques existantes ; à réfléchir sur l’indispensable question d’économie d’énergie, à l’intégration des sources d’énergies renouvelables ; à créer des unités modernes de production qui reposent sur la consommation d’énergie solaire et éolienne ; et à démontrer à nos interlocuteurs que le Niger est désormais attentif vis-à-vis de tous ses partenaires qui resteraient transparents et coopératifs.
En effet, toutes ces options doivent permettre à notre pays de faire attention au gaspillage des ressources, de viser la qualité, de sauvegarder l’environnement et de protéger les intérêts nationaux.
Dans ce cadre, quelles sont les opportunités qui peuvent s’offrir au Niger pour résorber le récurrent problème d’énergie?
Pour passer du manque d’énergie à la solution, il faudrait que notre pays unisse les efforts publics-privés. En pareille circonstance, je pourrais dire que les hauts dirigeants et les chefs d’entreprises énergétiques doivent converger ensemble dans l’objectif d’intérioriser l’idée que notre force et notre salut résident dans la construction et la consolidation d’une solidarité nationale bâtie sur la confiance mutuelle et la mise en commun des outils de développement. Dans ce pays, le problème énergétique se ressent au niveau de la population rurale où seulement 2% de celle-ci ont accès à l’électricité. Pour beaucoup d’experts à très court terme, voire très urgemment, il faut fournir à tous de l’électricité à un prix accessible. Pour cela, il faut que le gouvernement choisisse de s’ouvrir à la diversité dans la manière de produire et de distribuer de l’électricité. Partant de cette conviction et considérant le potentiel énergétique dont dispose notre pays, il y a lieu dès à présent de mettre en place des systèmes technologiques d’exploitation énergétique qui constituent une alternative pérenne à savoir les mini-réseaux, les stations d’énergies renouvelables solaires ou éoliennes, les centrales au fuel, charbon ou au gaz qui peuvent produire de l’électricité en permanence. La situation est favorable à l’accès à l’électricité à tous comme les Nations Unies ont mis en place en 2012 un ambitieux programme d’accès universel à l’électricité à l’horizon 2030 (Sustainable Energy for All ou SEforAll). Pour saisir cette opportunité, le Niger doit prendre des dispositions en vue de parer aux dysfonctionnements et contraintes tant politiques et structurelles, qu’humaines et psychologiques. Toujours est-il que l’accès à l’énergie passe également par la maîtrise de la production qui nécessite la formation de cadres scientifiques et technologiques de hauts niveaux. Il est inconcevable que nos universités et grandes écoles ne forment pas assez d’ingénieurs dans le domaine après 60 ans d’indépendance. Il faut retenir que la voie du développement durable passe par la prise en compte de l’électricité urbaine et villageoise indispensable pour l’industrialisation, l’irrigation, l’éclairage et les techniques de productions agricoles capables de promouvoir la résolution des problèmes alimentaires. Concernant les anciennes installations électriques, la modernisation doit se poursuivre. En résumé, nous pouvons dire que les opportunités dont dispose notre pays pour résoudre le problème énergétique sont l’existence des organisations économiques sous régionale comme la CEDEAO, l’UEMOA, la disponibilité des Nations Unies et des banques à soutenir nos Etats, la permanence des ressources énergétiques, la capacité des sociétés à former des cadres dans le domaine énergétique, et nos bonnes relations de coopération bilatérale avec certains pays comme le Nigéria, la Chine, la France, la Turquie, les Etats-Unis d’Amérique, l’Inde, le Japon, etc…
En d’autres termes, comment répondre à la demande énergétique croissante au Niger?
A mon humble avis, les défis à relever sont nombreux. Ce n’est malheureusement pas aussi simple pour un pays pauvre. Aujourd’hui, la consommation d’électricité a explosé dans les villes. Le secteur industriel fait face à des difficultés d’approvisionnement récurrentes et à des problèmes de stabilité du réseau. Pour garantir la sécurité d’approvisionnement de notre pays à moyen et à long termes, il faut un réseau stable, suffisamment d’énergie et une coopération avec les pays membres de la CEDEAO, notamment le Nigéria. En ce sens, pour répondre à la demande énergétique croissante, les contraintes techniques de stabilité du réseau électrique imposent de disposer d’une réserve de puissance énergétique rapidement mobilisable en vue de pallier la défaillance éventuelle des unités de production. Dans ce cadre, notre pays doit tendre vers la diversification des
productions énergétiques, ce qui contribuera à sécuriser les approvisionnements et la dépendance exclusive des populations rurales au bois de chauffe. Concrètement, dans la situation actuelle, pour être en mesure de satisfaire les besoins énergétiques de nos populations, l’Etat doit obligatoirement mutualiser ses efforts avec les entreprises nationales et internationales, afin de s’engager ensemble dans la construction d’une centrale nucléaire commune et encourager les privés à construire des centrales thermiques à charbon et à gaz dans chaque région. Jusqu’à présent, plus de 80% de nos populations rurales dorment dans le noir et 70% de notre production électrique provient de l’Etat Fédéral du Nigeria. Vous convenez avec moi, que cette situation met notre pays et notre peuple dans une situation inconfortable et nous interpelle tous ! À l’heure actuelle, presque rien ne fonctionne sans électricité. Société, communication, transports, soins médicaux, industrie et commerce : aucun domaine ou presque ne peut s’en passer ! La disponibilité de l’énergie en qualité et en quantité suffisante, et à moindre coût apparaît donc comme l’une des conditions sine qua non pour notre développement économique et social. Pour cela, il va falloir construire rapidement le barrage de Kandadji, car l’hydroélectricité demeure une donnée à prendre en compte dans le développement industriel, malgré des dommages écologiques et humains élevés qu’elle peut engendrer. Aussi, l’explosion démographique, l’essor des classes moyennes, la croissance économique et le développement de la mobilité sont des facteurs pouvant encore générer une augmentation de la demande énergétique. Par conséquent, la maîtrise de cette situation passe par une amélioration des performances des entreprises publiques existantes, une pratique d’une bonne gouvernance, une refondation de l’école, une volonté politique inébranlable, une vraie indépendance économique, une existence d’un cadre sous régional et régional de coopération et, enfin une politique réelle de souveraineté monétaire.
Par Oumarou Moussa(onep)