
M. Souraji Issa, AD Commune Rurale de Koygolo
Principale source de subsistance, l’agriculture est mise à rude épreuve par les effets du changement climatique dans la commune rurale de Koygolo. Pluies excessices suivies de sécheresses prolongées, inondations, déforestation et perte de pâturages bouleversent les activités des producteurs et accentuent leur vulnérabilité. Face à ces défis, Souraji Issa, administrateur délégué de la commune, explique les contraintes locales, les appuis existants et le rôle crucial de la communauté, y compris des leaders religieux, dans l’adaptation et la protection des ressources naturelles.
Quels sont, M. l’administrateur délégué, les principaux défis agricoles dans la commune ?
Les producteurs sont confrontés à plusieurs défis majeurs. Le premier concerne l’accès limité aux intrants agricoles de qualité. Dans toute la commune, il n’existe aucune boutique spécialisée. La plus proche se trouve à Kiota, à une quinzaine de kilomètres, et ne propose que quelques engrais et semences. Conséquence, les paysans n’ont pas facilement accès aux semences améliorées, aux charrues, aux engrais ou encore aux motopompes nécessaires à l’intensification de la production.
À ce premier obstacle s’ajoutent les effets du changement climatique. Les campagnes agricoles sont perturbées par des pluies intenses, concentrées sur de courtes périodes, suivies de longues sécheresses qui peuvent survenir au début, au milieu ou à la fin de la saison. Ces dérèglements provoquent des inondations, accélèrent la déforestation, multiplient les ennemis des cultures et réduisent considérablement les pâturages. Dans certains cas, les animaux n’ont d’autre choix que d’envahir les zones cultivées. L’insécurité vient aggraver la situation en limitant l’accès au carburant indispensable au fonctionnement des motopompes, surtout pour les cultures irriguées comme le riz. La commune ne disposant pas de station-service, les producteurs doivent se rendre jusqu’à Birni N’Gaouré, à 50 kilomètres de Karma, voire plus de 60 kilomètres du chef-lieu communal, pour s’approvisionner.
Existe-t-il des programmes d’appui à l’agriculture résiliente (semences, irrigation, agroforesterie) ?
Oui, plusieurs projets interviennent dans la commune. Le Programme de Soutien à l’Entrepreneuriat Féminin Autochtone (PASEFA), financé par la Coopération Suisse et mis en œuvre par les ONGs Taimako Manoma et Sahel Bio, compte Karma parmi ses bénéficiaires. À cela s’ajoute le Projet d’Appui au Développement des Cultures Irriguées et à l’Intensification de la Production Animale (PACIPA), centré sur l’irrigation. Le Projet d’Appui à l’Agriculture Résiliente et à la Construction des Systèmes Alimentaires Durables (PAIPA) accompagne quant à lui la filière riz. Le Programme d’Appui à la Petite Irrigation (PAPI 2), également financé par la Coopération Suisse, vient récemment de s’achever. La Croix-Rouge Nigérienne intervient dans le domaine de la résilience et de la lutte contre le changement climatique, tandis que le Projet de Gestion Intégrée des Paysages (PGIP), financé par la Banque mondiale, appuie la gestion durable des ressources naturelles à travers notamment des sites de récupération. Toutes ces initiatives visent à renforcer la sécurité alimentaire et à favoriser l’adaptation des producteurs aux effets du climat.
Comment accompagnez-vous les paysans dans la gestion des risques climatiques ?
L’accompagnement repose sur plusieurs dispositifs. L’agent communal et le chef de district agricole assurent un encadrement rapproché, soutenus par les animateurs et superviseurs d’ONGs. La sensibilisation s’effectue par le biais des radios communautaires, des assemblées générales villageoises et des formations destinées aux coopératives. Des forums sont régulièrement organisés sur la gestion des conflits et la cohésion pacifique entre agriculteurs et éleveurs : deux ont déjà eu lieu au cours des deux dernières années. La Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP) et certains ressortissants de Karma ont par ailleurs initié des rencontres autour de la cohésion sociale. Ces cadres de dialogue préparent les producteurs à prévenir et mieux gérer les risques liés au climat.
Quels projets sont en cours pour améliorer l’accès à l’eau agricole et domestique ?
À Karma, la nappe phréatique est proche, entre trois et quatre mètres, mais sa gestion doit être rationnelle. Plusieurs actions sont en cours : la construction de mini adductions d’eau potable pour les usages domestiques, un projet en partenariat avec la Croix-Rouge Nigérienne visant à aménager et traiter les eaux qui s’écoulent au pied de la colline durant l’hivernage afin de les utiliser pour l’irrigation et l’abreuvement du bétail, ainsi que l’aménagement et l’entretien de sites maraîchers permettant de stocker et de mieux gérer l’eau. Ces projets contribuent à sécuriser l’accès à l’eau, aussi bien pour les ménages que pour les producteurs agricoles.
Selon vous, quel rôle peuvent jouer la foi et la communauté religieuse dans la sensibilisation à la protection des ressources naturelles ?
La religion joue un rôle central. Au sein du conseil municipal, deux sièges sont réservés aux représentants religieux, qui participent aux discussions et à l’élaboration des plans et budgets de développement. Mais l’action des leaders religieux dépasse ce cadre institutionnel. A travers les prêches dans les mosquées et les interventions sur les radios communautaires, ils rappellent que l’Islam insiste sur la préservation de la nature. Le Prophète (PSL) a en effet recommandé de ne pas ôter la vie, ni de détruire les arbres, même en temps de guerre. Ces messages trouvent aujourd’hui un écho particulier dans un contexte où la dégradation de l’environnement et l’insécurité alimentaire frappent toutes les catégories sociales. La foi et la parole religieuse contribuent ainsi à responsabiliser la population face aux défis de la protection de l’environnement.
Oumar Issoufou (ONEP), Envoyé Spécial