En prenant les rênes de l’Association des Professionnelles Africaines de la Communication (APAC-Niger) en juillet 2016, Mme Amina Niandou s’est mise aussitôt à la tâche en s’attaquant à l’essentiel : Encourager ses sœurs nigériennes à occuper les médias à travers un travail de qualité et de professionnalisme, toute chose qui obéit à l’éthique et à la déontologie du métier. Aujourd’hui, on peut dire aisément affirmer et surtout constater, qu’elle n’a pas prêché dans le désert parce qu’elle a ouvert la voie à d’autres femmes nigériennes dans le monde médiatique. En effet, grâce à son courage et à sa détermination, l’APAC-Niger est devenue l’une des associations les plus actives dans le mouvement associatif au Niger. Par son dynamisme, l’APAC-Niger compte aujourd’hui plusieurs partenaires techniques et financiers qui n’hésitent pas à l’accompagner dans l’organisation des sessions de formations au profit des journalistes notamment les femmes journalistes. Le secteur médiatique a été toujours le domaine de prédilection de Mme Amina Niandou avec comme objectif la protection des journalistes femmes, la lutte contre les stéréotypes qui rendent vulnérables les femmes évoluant dans ce métier et enfin l’amélioration de l’image de la femme dans les medias.
Dans le paysage médiatique nigérien, notamment dans le domaine associatif, vous avez eu un parcours singulier, parlez-nous en un peu ?
Ce parcours dépendait non seulement de moi-même d’une part, et de l’environnement dans lequel j’ai évolué d’autre part. J’ai une licence en maintenance, et mes premiers pas professionnels, je les ai commencés en région précisément à la station régionale ORTN de Tahoua. A l’époque, il n’y avait pas de poste de maintenancier à l’ORTN de Tahoua et par la force des choses, je suis devenue technicienne de son. J’ai contracté le virus du journalisme en première année, à l’IFTIC où il y avait un tronc commun, ce qui m’a permis de comprendre un peu les notions élémentaires de ce métier. En 2006, à la Voix du Sahel, j’ai eu un peu à connaitre cette association APAC-Niger qui venait d’être créé par mes ainées. Je participais à toutes les rencontres organisées par celles-ci. Et bien avant, il faut le dire, j’avais des prérequis sur les associations avec une Fondation du feu Adamou Moumouni Djermakoye. J’étais la Secrétaire Exécutive de cette fondation. Et de rencontres en rencontres autour des thématiques relatives à la formation des femmes des medias, à partir de 2009, j’ai été élue Secrétaire Générale de l’Association des Professionnelles Africaines de la Communication (APAC-Niger). A côté de ce parcours officiel, il y’a le parcours officieux qui retrace les relations que j’entretenais avec les ainées de la profession. Ces relations m’ont aidé à forger ma vie associative. En plus de cela, il faut le dire le soutien de la famille ne m’a jamais fait défaut, précisément celui de mon papa qui ne cessait de me dire ‘’Je te vois un jour ministre’’ fonces et tout ira bien. Dieu merci, j’ai eu des opportunités qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui.
Mais, cela ne s’est pas réalisé sans difficultés !!!
En effet, j’ai connu des difficultés presque à tous les niveaux de la vie, mais au lieu d’être découragée, j’ai progressé. Mes premières difficultés, je les ai rencontrées quand j’étais au lycée technique de Maradi, je devais faire le BAC E et pour des raisons de famille j’ai dû abandonner et venir faire l’IFTIC. Depuis lors, je me suis vraiment formée sur le tas, j’ai reçu des masters en communication développement.
J’ai fait 17 ans avec mon défunt époux qui m’a beaucoup soutenu tant financièrement que moralement. Il a toujours cru en moi et voulait que je sois là ou je suis présentement. Aujourd’hui, il n’est pas là pour voir tout ce parcours. Mais dans la vie quand on croit en toi et que toi-même tu crois en toi-même, tu surmontes certaines difficultés. Nous sommes sept filles dans la famille et je suis la cadette de la famille. Elles travaillent toutes et elles sont toutes brillantes, et moi je voulais les dépasser avec l’appui de mon papa qui ne cessait de dire que ‘’ma cadette va toutes vous dépasser’’. Il y’avait une concurrence au niveau de la famille, mais une concurrence positive. Ce sont ces coups de pouce qui ont fait de ma vie, ce qu’elle est aujourd’hui.
En tant que femme leader, quel regard portez-vous sur la journée nationale de la femme célébrée chaque 13 mai ?
La journée nationale de la femme était une très belle journée. C’était une très belle fête obtenue de hautes luttes, car c’est un mouvement social des femmes politiques, des femmes syndicalistes, des femmes ménagères, toutes les femmes se sont senties concernées pour participer à cette marche mémorable. Et depuis lors, elles ont eu gain de cause à travers l’institutionnalisation de la journée nationale du 13 mai. Cette journée est célébrée chaque année à travers des actions solidarité avec les couches vulnérables. C’est ainsi que dans les villages où les inégalités sont criardes, certaines femmes se déplaçaient pour aller remettre des dons à leurs sœurs. Il faut amoindrir les écarts pour qu’elles puissent jouir de cette journée. Et, au niveau d’APAC nous faisons en sorte que les femmes journalistes produisent des articles pour promouvoir les actions des femmes dans tous les secteurs de la vie socio-économique du Niger. On découvre des femmes, on arrive à les aider avec l’aide des partenaires. De plus en plus le 13 mai est devenue une affaire de fête, je ne retrouve plus cet engagement pour l’amélioration de la situation de la Femme. Le côté folklorique a primé. On ne doit pas laisser le côté folklorique prendre le dessus sur les vraies préoccupations des femmes. Nous devons plutôt maintenir le flambeau comme l’ont si bien fait nos ainées à travers des journées d’actions de solidarité. J’encourage celles qui le font à continuer de partager des bons moments avec les nécessiteuses, et de doter des moyens conséquents pour faire face à certaines épreuves de la vie. La nouvelle génération a besoin de voir comment on arrive à surmonter les problèmes liés à la vie au foyer ; que les femmes qui évoluent en politique ont réussi dans leur vie de foyer. La vie au foyer doit être un modèle. La femme qui réussit à la fois sa vie de couple et sa vie professionnelle à un savoir-faire et un savoir-être qu’elle doit mettre au service des autres.
Dites-nous comment vous avez démarré cet engagement en faveur de la femme dans les medias ? Et aujourd’hui pensez-vous que les objectifs sont atteints ?
APAC-Niger s’est engagée à promouvoir la femme, à améliorer les conditions de travail des femmes dans les médias, à faire en sorte que les femmes puissent s’affirmer au sein des rédactions, que les femmes puissent prendre la parole pour s’imposer politiquement. Nous formons certes des femmes journalistes, mais nous essayons de faire en sorte que les journalistes tendent le micro aux autres femmes, que les femmes soient présentes dans les productions. Et pour ce faire, nous organisons régulièrement des séances de sensibilisation, des formations, de remise de prix aux meilleurs journalistes. Nous sommes là pour accompagner les femmes dans leur métier. Quant aux medias, ils doivent jouer leur rôle dans le cadre de l’amélioration de l’image de la femme. Nous avions aussi formé des femmes dans le cadre du leadership féminin, de la gouvernance, du journalisme sensible au genre. Nous avions fait du monitoring, le taux heureusement s’est amélioré en passant de 3% à 17%. Je me suis moi-même renforcée dans le cadre de ces formations. J’ai bénéficié de plusieurs formations qui ont fait de moi ce que je suis, experte en genre et medias, experte en communication développement et en extrémisme violent. Depuis 2019, je suis là en train d’appliquer ces connaissances.
Nous avons mis en contact des ainés et des jeunes pour faire le mentorship. On ne s’est pas arrêté là, il faut aller plus loin en faisant en sorte que ces femmes s’affirment sous forme d’appel à candidature ou nos avions formé une première promotion de 12 femmes journalistes de moins de 30 ans sur l’utilisation multimédias et une 2ème promotion avec 9 journalistes. Et cela a porté ses fruits, parce qu’elles font les reportages et font le montage elles-mêmes avec le Smartphone. Ce qui leur permet de gagner du temps et d’être indépendantes dans le cadre de leur service. Elles sont nombreuses les femmes journalistes qui arrivent à produire, à monter leurs propres éléments. Et c’est intéressant car cela peut permettre à ces journalistes de vendre leurs produits. Car disons-le, notre défi fondamental en tant que femmes journalistes c’est de concilier les deux vies : ‘’femmes journalistes (vie professionnelle) et femmes au foyer (vie familiale). Le métier de journalisme a ses exigences tout comme le foyer, et pour qu’une femme vive pleinement de ses deux tâches, il faut s’organiser et faire en sorte qu’un n’empiète pas sur l’autre. On n’a pas besoin de faire de grandes enquêtes pour être un bon journaliste, il faut juste bien le faire, faire des enquêtes qui peuvent changer la vie des femmes et la vie des autres éléments de la communauté. Nous avions outillé ces femmes en leur octroyant des moyens de travail notamment des ordinateurs, des smartphones. Je suis fière aujourd’hui de voir ces femmes à l’œuvre au cours des différents évènements qui se déroulent ici à Niamey, faire elles-mêmes la vidéo, les prises d’images. Les journalistes ne sont pas les meilleurs Hommes au monde, mais ils ont une lourde responsabilité celle d’informer, de faire des reportages pour influencer les opinions. Ils peuvent susciter des tensions comme ils peuvent résoudre des problèmes. Leurs choix affectent la vie des gens.
Quels conseils avez-vous à prodiguer aux filles qui veulent s’affirmer, qui veulent réussir dans la vie ?
La persévérance doit être de mise. Il ne faut jamais fléchir face aux dures réalités de la vie, avoir l’estime de soi-même. Il faut qu’elles sachent qu’elle est femme et qu’elles ont un rôle à jouer au sein de la société, cela au-delà du rôle biologique. Elles doivent déceler leurs talents, les développer, les cultiver et vivre de ces talents. Il faut également faire des alliances, avoir des piliers, sur lesquels on peut s’appuyer pour progresser notamment avoir le soutien de la famille, des ainés, etc. Chaque personne que tu rencontres peut te servir dans le futur. Il faut avoir des alliances stratégiques très fortes. Nos jeunes sœurs doivent savoir que quand on est femme au foyer, on doit associer le conjoint si elles veulent aller de l’avant surtout les femmes journalistes. Nous sommes des femmes sous tutorat, il y ‘a toujours un homme qui est là qui vois contrôle, un papa, un oncle, un frère et ou un mari. Donc leur accord est primordial. Je conseillerai aux femmes journalistes, de prendre tous les reportages, de ne pas choisir les sujets. ‘’Quand on ose on peut’’. Et aussi et surtout il faut évoluer en union, avoir des gens qui vous épaulent. On ne peut pas évoluer individuellement. Il faut mettre les talents en commun pour progresser. J’ai eu personnellement tellement d’obstacles dans la vie mais malgré tout, j’évolue. Mes détracteurs m’ont permis d’être là où je suis. Les ennemis constituent pour moi une force pour aller de l’avant. En me critiquant, ils me poussent à aller de l’avant. Et je remercie Dieu pour cela.
Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)