
Créé en 1958 par l’un des pères de l’indépendance de notre pays, M Boubou Hama, le Musée national est situé en plein cœur de la capitale Niamey. Il est l’héritier de l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN) qui, lui fut créé en 1944 et a ouvert son antenne nigérienne en 1957 placé sous la direction du même illustre homme de culture Boubou Hama. Il a été créé pour mettre en valeur et en lumière la diversité et le patrimoine culturel mais aussi la richesse de la faune du Niger. L’établissement qui a aujourd’hui 65 ans d’existence a connu plusieurs reformes pour être un Etablissement Public à caractère Scientifique, Culturel et Technique depuis 2013 par une loi qui lui a donné une personnalité juridique avec une autonomie financière. Le musée est apprécié par certains visiteurs pour ces collections d’art et d’archéologie et paléontologie, pour les autres, c’est plutôt le zoo avec ses nombreux animaux qui constituent leur centre d’intérêt. Qu’est devenu cet établissement jadis considéré comme le miroir du Niger ? Après de plus de soixante ans d’existence, qu’est devenu surtout le zoo qui regorgeait de nombreuses espèces d’animaux sauvages et domestiques, oiseaux, reptiles, dans cet établissement si cher à Boubou Hama ?
Nous sommes le mardi 22 août 2023 à la devanture du Musée National Boubou Hama (MNBH), le soleil n’a pas encore pas libéré ses rayons brûlants. L’air frais chatouille le corps. L’ambiance devant cet établissement n’est pas si bruyante. Quelques visiteurs sont déjà à l’intérieur. Après avoir pris nos tickets de 200 F donnant droit à une visite non-stop d’une journée dans le Musée National Boubou Hama et aussitôt entrés, nous voilà en face de la plaque dédiée à Boubou Hama, le père fondateur du musée qui porte son nom. Commence alors une visite sensationnelle dans les escarcelles du zoo à la découverte de quelques animaux qui y vivent. Dès l’entame du circuit, à quelques mètres de l’entrée, dans une cage compartimentée, quelques oiseaux cohabitent avec un varan et de petites tortues.
Alors que le soleil s’approche du zénith, les quelques employés du musée ne leur ont pas encore rendu visiblement visite pour nettoyer les lieux et leur offrir quelque chose à se mettre dans le gésier. Non loin de là, nous sommes nez-à-nez avec un couple de lions, logé dans une cage. Rugissant, comme pour marquer son territoire, si c’était dans la savane où il est roi, le jeune lion de 8 ans, visiblement bien portant, attire l’attention des quelques visiteurs par les sons vrombissants qu’il émet. Pendant ce temps sa compagne se prélassait au fond de la cage, s’affairant à nettoyer avec sa langue les plaies qui parsèment son corps. Assaillie par les mouches, la bête se débat de toute son énergie pour se débarrasser de ces petits insectes, soit en roulant sur elle-même, soit en secouant énergiquement tout le corps. On nous apprend que c’est leur façon à eux les animaux de se soigner. En léchant ses plaies, l’animal aseptise l’endroit réduisant ainsi le risque de propagation de l’infection.
A cette heure de la journée, environ 10h30 du matin, il n’y a que quelques os de gros ruminants impossibles à mâcher encore moins à avaler. Les deux animaux attendent patiemment les premiers morceaux de viande à ingurgiter pour le repas du jour. Le mâle retourne se coucher, posant un pied sur la grille. Malgré le titillement d’un visiteur, l’animal a préféré rester dans sa zone de confort pour attendre son premier repas de la journée. Mais ce jour-là l’attente est longue, puisqu’à 11h30 rien n’était encore servi à ces deux êtres privés de leur liberté dans une cage insalubre d’où se dégage une odeur nauséabonde. Quant au couple de petits phacochères agitant leurs courtes queues au passage de chaque visiteur dans leur cage tout près, ils tournent autour d’un petit bassin d’eau un peu noirâtre au milieu de leur cage, bien aérée. Ces petites bêtes aux cornes fourchues se mettent à genoux pour ramper sniffant le sol très probablement à la quête d’un brin d’herbe à avaler en guise de petit déjeuner. Ils attendent désespérément le responsable en charge de la question. Il y a quelques mois encore, il n’y avait pas de phacochères dans le zoo. C’est récemment qu’ils ont été introduits, nous dit le directeur du musée, tout comme bon nombre d’animaux acquis ces dernières années pour renforcer le « cheptel ».
Nichées dans une cage souterraine et à peine visibles, deux serpents vipères se prélassent au bord d’un canal rempli d’objets, probablement jetés par des enfants voulant les forcer à bouger de leur coin pour mieux les observer. Aucune trace de nourriture n’y est visible là aussi. Mais il faut dire que le serpent, contrairement aux autres animaux, a un régime alimentaire propre à lui. Il n’est pas forcément dit qu’on doit voir ce qu’il mange. Un peu plus loin à gauche, on se retrouve en face d’une cage circulaire d’environ 1,5m de diamètre. C’est une hyène tachetée qui l’habite. Cette espèce rare d’hyène a été récemment acquise et introduite au sein du musée pour la première fois. L’animal, amené du Nigeria, visiblement stressé et dépaysé ne cesse de faire des allers retours incessants dans ce petit espace pour « dégourdir ses pattes ». C’est peut-être aussi pour « tuer le temps » dans l’attente de son premier repas du jour qui tarde à venir, et ce malgré l’heure avancée de la journée.
En face de cette cage se trouve celle d’un singe, lui aussi pensionnaire récent du MNBH. Depuis, Sophie IFAN, c’est la première fois que cette espèce de singe est introduite. C’est un babouin. Le primate porte encore une plaie et son naseau est enflé. L’animal reste silencieux assis sur un piédestal, se contentant d’un regard narquois sur nous tout en grattant doucement son naseau. A cette heure de la journée, il devrait certainement avoir faim. Il n’y a pas encore des visiteurs qui peuvent lui jeter quelque chose à manger. Et les gardiens des lieux non plus sont affairés ailleurs et font perdurer l’attente du babouin, seul au milieu d’une cage où gisent beaucoup de sachets et bouteilles en plastique.
Dans le zoo du MNBH, l’espace dédié aux hippopotames est un passage incontournable pour tout visiteur. Là, il y a deux pensionnaires. Les deux jeunes mammifères fuyant la chaleur du jour restent calmement dans l’eau, ne laissant paraitre qu’une partie de leur dos. Des deux bassins adjacents, l’un est rempli d’une eau sale, on aperçoit des larves de moustiques laissant croire que cette eau n’a pas été changée depuis plusieurs jours.
Quelques mètres plus loin, le long du grillage faisant face à la cascade de Gountouyena, se trouve l’espace dédié aux autruches, antilopes et autres animaux exotiques. Mais la nouveauté de ce coin, c’est incontestablement le couple de zèbres. Belles, bien rayées aux couleurs scintillantes, et visiblement en très bonne santé, les deux bêtes pensionnaires du musée ont été introduites il y a juste quelques jours, sur fonds propre du musée. M Haladou Mamane, le directeur de l’établissement précise que les deux zèbres ont été achetés à 15 millions F CFA et aéroportés depuis l’Afrique du Sud. C’est la première que des zèbres ont été introduits au zoo de notre musée national, ajoute le responsable. Ces deux belles créatures vivent dans un espace relativement vaste, leur permettant de pouvoir plus ou moins bien s’épanouir.
Outre les zèbres d’Afrique du Sud, le musée National a introduit l’Emeu d’Australie, une espèce d’oiseau de la famille de dromaiidés, ressemblant beaucoup à l’autruche, mais un peu moins grand. Dans le même enclos compartimenté, se trouvent trois autruches partagent leur territoire avec des antilopes et quatre antilopes koudou. Ces dernières n’existent pas au Niger. C’est des antilopes des régions montagneuses que les responsables du MNBH ont jugé utile d’introduire dans le zoo. Tous ces animaux semblent bien se plaire dans cet espace relativement grand et propice à leur petite gambade de santé.
A l’entrée ouest du musée du côté de l’hôtel Gaweye, se trouve le pavillon dédié aux lions, le plus grand. Ici, contrairement aux années passées, il n’y a aujourd’hui qu’un seul lion déambulant entre deux cages à double clôtures hermétiquement fermées. Le pensionnaire solitaire s’appelle Tondi, nous dit un gardien. C’est le lion le plus âgé. Il a 28 ans. Usé par l’âge, Tondi est un vieux lion en train de perdre inexorablement sa crinière qui tombe comme une peau de chagrin. Il a également perdu beaucoup de son poids. Bien que bien portant, Tondi, le lion solitaire qui a perdu récemment sa compagne, semble vivre son deuil avec beaucoup de peine, il ne rugit plus comme son cadet de 20 ans de l’autre cage. Il limite considérablement ses mouvements, préférant économiser son énergie en se prélassant tout au long de la journée.
A côté de sa cage, se trouve celle des chimpanzés mâle et femelle importés de la Côte D’Ivoire. Vêtu de sa robe noire, l’animal vit seul dans sa cage, séparée de la femelle qu’il a commencé à agresser. En cette heure de la journée, les deux partenaires séparés attendent encore la visite de celui qui prend soin d’eux. En face de leur cage se trouve celle des deux hyènes (un couple mâle-femelle) vivant en parfaite symbiose. C’est des hyènes qu’on trouve au Niger qui ont duré au musée. Le vieux lion Tondi, le chimpanzé et son ex compagne ou encore les deux hyènes vivent dans les mêmes conditions. Dans la cage au lion et celle aux hyènes, rien que de très gros morceaux d’os, décidément indigestes. De ces cages se dégage une puanteur insupportable, probablement issue d’un mélange de leurs excrétas et le reliquat de leur nourriture de la veille. On nous fait savoir que les gardiens ne sont pas encore arrivés à leur niveau pour nettoyer et leur donner à manger pour soulager la faim qui les étreint.
Dans une des parties réservées aux oiseaux, le visiteur peut voir de nombreuses espèces. Il y a des aigles royaux, des éperviers, des marabouts, des cigognes de Sibérie, des grues couronnées, sans oublier les oies et autres oiseaux exotiques. Certains oiseaux ont récemment été introduits au musée. Ils donnent un beau spectacle se permettant juste de faire quelques esquisses de vol à l’intérieur des cages pour détendre leurs ailes, faute de pouvoir voler haut et plus loin. L’un des aigles esquisse une sorte de prière, chaque fois qu’il entend l’expression Allahou Akbar. Il réagit en élevant ses ailes, puis en se prosternant. Le responsable des lieux ajoute que cet oiseau s’adonne à ce rituel chaque matin, sans même qu’on ne le lui demande. Le mystère reste entier, puisque nul ne peut interpréter ce geste qui s’apparente beaucoup à une prière musulmane. Les grues couronnées, au nombre de quatre (4) occupent un espace à côté des aigles et d’un vautour dans la même enseigne que les autres gros oiseaux, juste séparés par une grille. Beaux avec leurs longues pattes, longs cous et becs multicolores, ces oiseaux sont une merveille à voir, tout comme les Marabouts de couleur Noire-blanche avec leurs larges et longs becs en forme de couteau. A l’opposé des petits oiseaux comme les moines, les perroquets qui se caractérisent par les petits cris qu’ils émettent, eux ils sont moins bruyants.
Dans la partie réservée aux animaux domestiques, quelques petits ruminants paissent dans leur enclos comme les chèvres rousses de Maradi, les moutons de race balami. Quelques mètres plus loin se trouvent des vaches de la zone du lac Tchad, communément appelées « vaches Kouri », elles sont au nombre de 8 dans le musée. Leurs très grosses cornes sont leurs principales caractéristiques, en plus du fait qu’elles sont majoritairement de robe blanche. Elles vivent dans un enclos protégé par un grillage, toute chose qui permet au visiteur d’avoir une vue parfaite de ces herbivores dignes d’une époque préhistorique.
Doublement de nombre d’individus et diversification des espèces
Le zoo du Musée National Boubou Hama est un lieu à visiter qui regorge encore de quelques éléments constitutifs de la faune nigérienne et même de celle des pays lointains. Il l’est encore plus aujourd’hui car, depuis quelques années la nouvelle administration s’est engagée dans un processus de réhabilitation du musée Boubou Hama en général, mais aussi et surtout de son zoo. Celui qui dirige actuellement ce joyau national, M Haladou Mamane, indique que le programme pluri-annuel d’urgence estimé à un coût de 380 millions F CFA est en cours d’exécution. La section zoo, qui n’avait qu’une septantaine d’animaux il y a de cela deux ans, a doublé aujourd’hui la population du zoo. Aujourd’hui le zoo du MNBH dispose de 146 individus, précise le directeur général. Prenant le contre-pied de ceux disant que le parc zoologique du musée est presque vide, M Haladou Mamane s’en défend preuve à l’appui par rapport à ces allégations. Il annonce l’arrivée de plusieurs autres animaux tant du Niger que de pays étrangers dont certains de très loin et qui n’ont jamais existé au Niger ou dans la sous-région ouest africaine. C’est le cas notamment le cas des kangourous d’Australie déjà acquis qui, n’eut été la situation actuelle du pays, seraient déjà dans le zoo aux côtés de l’Emeu d’Australie, des zèbres d’Afrique du sud, des belles et grandes antilopes Koudou des zones montagneuses de l’Afrique de l’Est, et des porc-épiques. Il promet que des espèces absentes du zoo comme les girafes feront bientôt leur retour dans le zoo au grand plaisir des admirateurs de la nature.
L’objectif du programme muséal, explique-t-il, c’est d’amener le parc zoologique à au moins 200 individus dans un proche avenir. Le directeur général du musée Boubou Hama en appelle d’ailleurs à toutes les bonnes volontés à contribuer au renforcement du parc, comme l’ont fait certaines personnalités nigériennes à l’instar de Boubou Hama, du Président Kountché, de Seyni Oumarou et de bien d’autres contributeurs anonymes qui ont soit donné des hippopotames, des crocodiles, des antilopes ou mêmes des lions et autres oiseaux exotiques. Le musée est aujourd’hui le seul endroit au Niger où l’on peut observer la faune de plus près, soutient-il.
On comprend alors aisément que le Musée National Boubou Hama ne va pas si mal qu’on le croyait ou qu’on le faisait croire et que les perspectives sont prometteuses. En plus du programme en cours, le directeur général entend faire de cet établissement un véritable pôle d’attraction pour les visiteurs et touristes grâce au programme global comportant le triptyque rénovation/réhabilitation/extension de tout le musée approuvé par le gouvernement. Sur les conditions de vie des pensionnaires, il est toutefois décevant de constater que la propreté des lieux, tout comme les conditions d’alimentation ou de soins de certains animaux laissent à désirer. Cette situation peu enviable de notre musée national n’est peut-être pas la seule faute des responsables administratifs, même si… !
Mais qu’elle serait liée aux moyens mis à la disposition de cet établissement pourtant servant de vitrine à la richesse culturelle, historique, faunique de notre pays. Et il mérite plus d’attention et plus d’égard de la part de nos dirigeants actuels, ne serait-ce que par devoir de mémoire des premières autorités de notre pays dont le grand homme de culture Boubou Hama dont le musée porte le nom depuis le 30 Avril 2008. Le Musée national Boubou Hama reste et demeure une bonne référence pour découvrir les merveilles du Niger et pour se détendre. Il n’y a qu’au Musée National Boubou Hama que l’on peut croiser, sans risque le regard d’un lion, d’une hyène, contempler un zèbre ou encore un émeu de la lointaine Australie situé à près de 15000 km de Niamey. Le musée National Boubou Hama a de quoi à offrir aux visiteurs désireux de faire une plongée dans le passé et le présent du Niger dans toute sa diversité culturelle, faunique, historique. Mais pour continuer à jouer son rôle primordial de « miroir du Niger » et retrouver son lustre et son prestige d’antan, le musée a besoin des moyens que seule la volonté politique des dirigeants est à mesure de lui octroyer.
Zabeirou moussa(onep)