
Engagement des mères à ne pas recourir à l’excision
Justifiée souvent par des raisons culturelles, sociales et religieuses, la mutilation génitale féminine affecte un nombre significatif de femmes et de filles dans certaines régions du Niger. Malgré les progrès enregistrés ces dernières années dans l’éradication de cette pratique néfaste, les défis à relever sur cette question restent importants. Une étude réalisée par l’UNFPA en 2021, indique que la prévalence des mutilations génitales féminines est passée de 5% en 1998 à 2,2% en 2006, puis à 2% en 2012 et enfin à 0,7% en 2021.
D’après la secrétaire exécutive du Comité Nigérien sur les Pratiques Traditionnelles (CONIPRAT), Mme Issa Fatime Elhadj Daouda, les Mutilations Génitales Féminines (MGF) se réfèrent à l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme. Au Niger, trois types de mutilations génitales féminines sont répertoriés : l’excision circulaire du prépuce clitoridien avec ou sans excision partielle ou totale du clitoris, des interventions non classiques telles que l’étirement du clitoris et/ou des lèvres, la cautérisation par brûlure du clitoris et des tissus avoisinants, la perforation ou l’incision du clitoris, ainsi que l’introduction de plantes dans le vagin pour resserrer ou rétrécir le vagin, connu sous le nom en langue locale de ‘‘ Dangouria ‘‘ en haoussa ou ‘‘ Habizé ‘‘ en Zarma, et ‘‘ Tamari ‘‘ en Kanuri. « Cette pratique implique l’ablation des replis muqueux de l’hymen chez les nouveau-nés et l’élargissement de l’orifice vaginal afin de permettre l’acte sexuel chez les jeunes mariées », a-t-elle expliqué.

Par ailleurs, Mme Issa Fatime Elhadj Daouda a ajouté que la mutilation génitale féminine se pratique principalement au niveau de deux régions : Tillabéri et de Diffa. « Dans ces régions, très souvent l’excision se pratique entre 0 et 15 ans. Elle peut être pratiquée plus tôt ou plus tard. Par exemple les peulhs excisent leurs filles entre 2 et 8 ans. Pour les Gourmantchés c’est entre 10 et 15 ans. Les Djerma-Songhaï de 0 à 4 ans ou à 15 ans », a-t-elle indiqué.
Selon la secrétaire exécutive de l’ONG CONIPRAT, la pratique des MGF ces communautés, est souvent en lien avec des croyances traditionnelles dont la pureté et la chasteté. « Les partisans de cette pratique estiment qu’elle est nécessaire pour garantir le mariage et la fidélité des femmes. Malheureusement, cette tradition est souvent transmise de génération en génération, sans que les conséquences physiques et psychologiques ne soient prises en compte », s’indigne-t-elle.
Les conséquences de cette pratique sur la santé
Selon la secrétaire exécutive de l’ONG CONIPRAT, les conséquences des mutilations génitales féminines sont graves et variées. Physiquement, les femmes peuvent souffrir de douleurs chroniques, d’infections, de complications lors de l’accouchement et de problèmes de santé reproductive. Psychologiquement, les victimes peuvent faire face à des traumatismes, de l’anxiété et des troubles de l’humeur. Ces effets peuvent avoir des répercussions durables sur leur qualité de vie et leur bien-être. « La pratique de l’excision est préjudiciable car elle diminue la sensation de la femme. En plus des risques d’hémorragie immédiate pouvant entrainer la mort, cette pratique peut également entrainer des infections urinaires récurrentes à long terme », a-t-elle relevé. De plus, toujours selon Mme Issa Fatime Elhadj Daouda, l’excision peut compliquer l’accouchement car le clitoris qui est altéré lors de l’excision, joue un rôle crucial dans ce processus. « Non seulement le droit à la santé des femmes n’est pas respecté, mais aussi leur intégrité physique est violée. L’excision est souvent pratiquée dans les communautés ou les filles n’ont pas non plus la possibilité de s’exprimer », a-t-elle souligné.
Actions et initiatives pour lutter contre la pratique
Pour lutter contre la pratique au Niger, Mme Issa Fatime Elhadj Daouda a indiqué que le Comité Nigérien sur les Pratiques Traditionnelles déploie diverses initiatives,
notamment des programmes d’assistance destinés aux jeunes filles victimes d’excision. « Récemment, nous avons pris en charge des jeunes filles excisées, que nous avons dirigées vers la maternité Gazobi pour des examens médicaux. L’auteure de l’acte, l’exciseuse, a été traduite en justice. En 2010 nous avons été informées d’une série d’excisions qui sont en train d’être effectuées près de Niamey, sur la route de Torodi. À notre arrivée, malheureusement, de nombreuses jeunes filles avaient déjà subi l’excision. Nous avons identifié la femme responsable de ces actes afin de la présenter devant les autorités judiciaires », a-t-elle confie.

La secrétaire exécutive de l’ONG CONIPRAT a également mentionné les campagnes de sensibilisation menées par sa structure auprès de la population. « Nous organisons des actions de sensibilisation pour inciter les individus à modifier leur comportement, car lorsqu’on interroge les populations sur les raisons de la mutilation génitale, elles peinent à fournir une explication valable. Certaines évoquent simplement la tradition et le fait que leurs ancêtres pratiquaient cette coutume, donc elles perpétuent la tradition pour leurs propres enfants. D’autres par contre associent cela à la religion. Or, selon les érudits, aucun texte islamique ne fait de l’excision une exigence religieuse », a-elle dit.

Dans le cadre de cette sensibilisation, a poursuivi Mme Issa Fatime Elhadj Daouda, le CONIPRAT a identifié des femmes influentes au sein des communautés pour leur accorder des microcrédits sans intérêt afin d’exercer une Activité Génératrice de Revenus (AGR) autre que la pratique de l’excision. « Nous les regroupons ensemble, 20 membres autour de cette praticienne. Nous avons accompagné presque 88 groupements, composés presque de 800 membres dans les régions où l’excision est pratiquée. Ces AGR visent à encourager toutes les femmes à rejeter l’excision et à devenir autonomes », a-t-elle précisé.

En somme, malgré des progrès réalisés dans la lutte contre les mutilations génitales féminines au Niger, selon la secrétaire exécutive de l’ONG CONIPRAT, la route vers l’éradication complète de cette pratique est encore longue. En effet, la lutte contre les mutilations génitales féminines nécessite un effort collectif, impliquant les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les communautés elles-mêmes. « En sensibilisant la population et en promouvant l’éducation, il est possible d’espérer une
réduction significative de cette pratique et une amélioration des conditions de vie des femmes et des filles », a-t-elle ajouté. Conscient de l’effet dévastateur que les mutilations génitales féminines engendrent, le Niger a pris, en 2003, une loi pour y mettre fin, et ce, conformément aux engagements internationaux auxquels notre pays a souscrit ». Récemment, à l’occasion de la célébration de la 21è édition de la Journée Internationale « Tolérance zéro aux mutilations génitales féminines», les autorités
nigériennes sont déterminées et marquent leur engagement pour la tolérance zéro aux MGF d’ici à 2030 en synergie avec tous les acteurs.
Yacine Hassane (ONEP)
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La loi du 13 juin 2003 interdit la Mutilation génitale féminine au Niger
Dans le dessein de protéger les droits des femmes et des filles tout en promouvant leur bien-être, le Niger a instauré depuis 2003 une législation interdisant formellement les Mutilations Génitales Féminines (MFG). Cette loi prévoit également des sanctions sévères à l’encontre des individus impliqués dans ces pratiques ou leur promotion. Malheureusement, un grand nombre de personnes, notamment celles exerçant cette excision, demeurent ignorantes de cette réglementation. Or en droit, il est clairement dit que « nul n’est censé ignorer la loi ». Mieux, le grand théoricien Jean Jacques Rousseau ne dit-il pas que « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite, est liberté ? ».

Que dit la loi ?
Selon la Loi n° 2003-25 du 13 juin 2003 modifiant la loi n°61.27 du 15 juillet 1961 portant institution du Code pénal à son : Article 232.1 : est définie comme mutilation génitale féminine toute atteinte à l’organe génital de la femme par ablation totale ou partielle d’un ou plusieurs de ses éléments, par excision, par infibulation, par insensibilisation ou par tout autre moyen. L’article 232 précise que quiconque aura commis ou tenté de commettre une mutilation génitale féminine sera passible d’un emprisonnement de six (6) mois à 3 ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 FCFA. Si la mutilation génitale féminine, bien qu’effectuée volontairement, sans intention de causer la mort, entraîne néanmoins ce résultat, le coupable sera passible d’un emprisonnement de 10 à 20 ans.
Yacine Hassane (ONEP)