Parler de l’histoire et de la culture de la ville de Ouallam sans évoquer la fameuse mare de Tinga serait un travail inachevé. En effet, l’histoire de cette ville du Zarmaganda est intimement liée à la mare de Tinga. Cette mare était jadis entourée d’une forêt dense où on y trouvait une diversité de bêtes sauvages, féroces. Ce qui rendait du coup la mare inaccessible aux éleveurs et aux quelques habitants qui vivaient dans la zone. Gatti qui est le grand père de l’actuel Chef du village de Ouallam quitta son village qui s’appelle Kokorou dans le département de Téra pour aller se promener dans le Zarmaganda. Il resta d’abord à Sargane puis continua sa promenade jusqu’à Tinga.
La découverte de la mare d’une grande étendue avait tout naturellement attiré l’attention de Gatti pendant une époque où les populations ont besoin des cours d’eau permanents pour s’approvisionner en eau et conduire les troupeaux à s’abreuver. Il fallait de ce fait repérer l’endroit avant d’aller annoncer la bonne nouvelle à Sargane. C’est ainsi que Gatti coupa sur son chemin de retour des branches d’arbres en guise de repère. Après avoir répercuté l’information au village de Sargane, on adjoignit à Gatti une dizaine de personnes pour aller vérifier cette information. Ils arrivèrent à la mare dont l’étendue est extraordinaire. Un des membres de la mission était stupéfait face à l’étendue de cette mare entourée d’une forêt de tous les défis. Cette forêt était à la fois dense et dangereuse parce qu’elle regorgeait des bêtes comme les lions ; les hyènes ; les panthères ; les serpents etc.
Selon le chef du village de Ouallam M. Moumouni Baouna, son grand-père consulta les génies qui lui ont recommandé le sacrifice d’un coq blanc au bord de la Tinga pour que l’eau ne soit davantage invisible aux populations. Le lendemain, Gatti retourna à Tinga pour voir si l’eau est toujours disponible et visible. A sa grande surprise, il retrouva le coq de sacrifice aspergé de sel. Le célèbre Gatti découvrit aussi que la mare de Tinga renferme aussi du sel. L’eau était salée et les populations en consomment. En collaboration avec les génies, Gatti exécuta tous les sacrifices pour que les bêtes sauvages quittèrent la mare afin que les populations puissent accéder à la marre sans incident. Quelques mois après les sacrifices et conformément au souhait de Gatti et des populations, les bêtes sauvages qui attaquaient les gens et les animaux en pâturage abandonnèrent la Tinga. Il ne reste plus que les oiseaux et certains animaux sauvages inoffensifs.
L’autre particularité de la mare de Tinga, c’est qu’il y avait à manger. Le visiteur de Tinga ne manquait jamais à manger parce qu’il y avait un peu partout des fruits sauvages sans compter ce qu’on peut trouver dans l’eau. Le sel de la Tinga était extrait par la population pour la consommation et la vente. Ce sont surtout les éleveurs transhumants qui achetaient le sel pour la consommation de leurs animaux. La Tinga était gardée et chaque éleveur qui vint abreuver ses animaux donnait en contre partie un mouton. Lorsqu’un éleveur violait le principe pour aller clandestinement abreuver ses animaux, ceux-ci périrent sous les symptômes de la diarrhée.
La dimension culturelle de la mare de Tinga réside dans le fait qu’elle était aussi un espace où plusieurs ballets de la célèbre cantatrice Aichatou Tahirou dit Dalweyzé ont été joués. On se rappelle du titre du célèbre ballet « Meniyatou» qui a inspiré d’ailleurs le nom que porte l’équipe nationale de football de notre pays (Le Mena).
Ce que la mare de Tinga est devenue
Aujourd’hui, la mare de Tinga ne porte que le nom. La forêt qui rendait à l’époque la mare invisible a complètement disparu sous les effets du changement climatique et des actions anthropiques avec pour conséquence la déforestation tout autour de la mare. En plus, la Tinga est menacée par l’ensablement. Le lit de cette mare qui s’étendait du coté nord de Ouallam jusqu’au village de Tolkobeye situé à 12 km du chef lieu du département s’est visiblement réduit. La longueur de la Tinga est estimée selon le directeur départemental de l’Environnement M. Hamadou Adamou, à une vingtaine de kilomètres. La mare traverse trois (3) communes à savoir Tondikiwindi, Ouallam et Simiri. La teneur en sel de la mare a considérablement diminué même si au bord de celle-ci les vannes de sel sont toujours perceptibles. L’eau de la mare est impropre à la consommation en raison de la saleté qui s’y déverse.
Aujourd’hui, la mythique mare de Tinga réduite à sa simple expression est tout de même empoissonnée. Ceux qui ont appris à pêcher n’hésitent à s’y rendre. Les espèces de poissons qu’on peut trouver sont entre autres : la carpe; le silure etc. Il y a aussi quelques espèces aquatiques. Par ailleurs, les populations pratiquent au bord de la mare de Tinga les cultures de contre saison. Des jardins sont érigés le long de cette vallée. On y cultive de la salade ; de la tomate ; du poivron ; du chou ; de la carotte ; de l’aubergine ; du gombo ; du manioc ; de la pastèque ; de la pomme de terre etc. «Nous souhaitons que l’Etat et ses partenaires nous fournissent des plants pour que nous puissions sauvegarder cette ressource en eau extrêmement importante pour les populations de Ouallam en raison de ses multiples usages », a plaidé le Chef du village de Ouallam.
Hassane Daouda, Envoyé Spécial(onep)