
PhD Mamoudou Djibo
M. le Président, du 7 au 10 août prochain, il y aura une rencontre culturelle internationale à Niamey ; quel est le but recherché à travers l’organisation de la rencontre ?
Je pense qu’avant de parler du but, il faut peut-être retracer l’évolution historique de la question. Depuis le début des années 2000, nos frères du Mali, notamment ceux de Gao et Tombouctou, avaient, dans le cadre d’une association, plaidé pour la réhabilitation et la promotion des langues et de la culture Zama-sonrhaï. Ils avaient entrepris d’organiser chaque année une édition d’un Festival international des arts et de la culture sonrhaï à Gao (le FIASC). Nous avons été invités à la deuxième édition dans le cadre d’une société savante pilotée par des universitaires. J’ai eu l’honneur d’avoir été désigné à cette édition. Pour les éditions suivantes 2006-2007, je me suis débrouillé pour amener avec moi des troupes participantes du Niger, notamment la troupe ‘’Bitti’’ de Ouallam, la troupe de Tibiri, les sonantchés de Karma. Mais avec ‘’l’invasion de Gao’’ par la rébellion en 2008, l’édition de 2008 n’a pas pu se tenir. Les gens du Nord Mali (Gao et Tombouctou) qui étaient installés à Bamako, chaque année, continuent d’organiser des petites rencontres jusqu’à ce qu’en février 2009, à l’issue d’une réunion de l’Académie africaine des langues, la langue sonrhaï ait été retenue comme langue transfrontalière de communication.
Ce qui fait du Niger un des pays à avoir trois langues sur 15 en 2019. Un appel avait été lancé aux responsables politiques des pays d’aider à la valorisation, à la promotion de cette langue à travers sa pratique courante, son enseignement, sa transcription. Sur les 13 régions que comptait à l’époque le Burkina Faso, les 13 comptent des populations sonrhaï. Il y a beaucoup de localités dont les noms sont d’origine sonrhaï, mais qui ont été aujourd’hui modernisés ; il y a beaucoup de songhaï d’origine qui ont perdu leur langue. Ils ont organisé une semaine culturelle de la langue Songhaï à Ouagadougou en mars 2009. Semaine à laquelle nous avons pris part. Nous avons été coopté comme vice-président du comité d’organisation. Le Niger est parti avec beaucoup d’éléments de culture, nous avons participé aussi bien au colloque scientifique. Après les burkinabè, les Nigériens ont été les meilleurs contributeurs, en tout cas les plus nombreux. Nous avons également participé aux soirées culturelles, à l’exposition avec beaucoup de produits du Niger.
Au cours de la cérémonie, il a été retenu d’organiser la prochaine édition en 2020 à Niamey, au Niger. Malheureusement, c’était l’année de la covid-19. Avec le confinement, on a interdit les gens d’aller à la mosquée. On ne pouvait organiser une manifestation internationale. A la fin 2020, c’était la fièvre électorale, les élections générales, je suis le directeur national de campagne d’un parti politique. En 2021, je suis allé au gouvernement.
En 2022, j’ai réuni le comité pour recadrer les termes de références, une rencontre que nous allons mettre sur les rails. Le comité a traîné, et finalement le coup d’Etat est intervenu. En 2024, plus précisément en août, les mêmes volontés se sont manifestées, et nous avons entrepris de reprendre. D’août à novembre, nous avons élaboré les termes de référence pour examiner le format et décliner les objectifs pour aviser éventuellement les participants que nous pourrons inviter. A partir de novembre, nous avons commencé des réunions.
A partir de février, entre le 19 et le 24 février, nous avons adressé des correspondances au Président de la République, Chef de l’Etat, Abdourahamane Tiani, au ministre de la Culture, au ministre en charge de l’Intérieur, au Président de l’Association des Chefs Traditionnels du Niger. Nous avons pris l’essentiel des contacts dans le but d’expliquer. L’objectif premier, c’est de réunir toutes les communautés de langues, de cultures, sonrhaï, zarma, dendi et apparentées. Bref, nous invitons toutes les populations, parce que nous ne connaissons pas toutes les parentés. Et, nous disons que cette découverte, cette mise en symbiose, peut aider à la cohésion nationale, ça peut aider à créer ce qu’on appelle l’obligation de ‘’Amana’’ entre les populations. Des gens qui se savent redevables par ‘’Amana’’ sont obligés de se respecter et de coopérer, et cela participe à l’unité nationale au Niger.
Et comme par hasard, la situation dramatique du terrorisme actuel affecte plus ces régions. Les communautés qui vivent au quotidien cette agression doivent être les mieux indiquées pour aider les pouvoirs publics dans la recherche des solutions. Nous allons d’abord interroger la science. Il faut que les intellectuels participent à la recherche des solutions.
Nous allons organiser un colloque international scientifique sur tous les aspects de la vie de ces régions. Parallèlement à ce colloque, nous allons organiser des foras, dont un forum pour regrouper des représentants des chefs des pays de l’AES. Cela crée un mécanisme assez fluide pour donner à l’autorité politique de l’information exacte en temps réel et de permettre au pouvoir central de prendre des dispositions pour contrer les éventuels attaques en préparation ou en cours. Les réflexions issues du colloque et des foras (il y a le forum pour les chefs traditionnels, le forum pour les femmes leaders, le forum pour les jeunes, et le forum pour les communicateurs), nous nous sommes dit que les quatre foras peuvent produire de la réflexion qui peut être présentée sous forme de recommandations à l’Etat, et remises à qui de droit.
Et, c’est à l’Etat de choisir ce qu’il peut prendre. Ça serait une de nos contributions. Nous allons faire une exposition pour que toutes les communautés de culture sonrhaï, zarma-dendi viennent présenter les spécificités de leurs terroirs en terme de patrimoine matériel pour que la jeune génération découvre des choses qu’elle n’a pas connues. Nous allons organiser des soirées culturelles pour permettre à chacun de venir présenter les spécificités culturelles. Les sonantchés vont venir sortir leurs chaines, les sorkos vont venir sortir les crocodiles, les forgerons vont jouer avec le feu, pour que nous découvrions la richesse.
Pour nous, les différences ne sont pas des oppositions. Les différences sont de la richesse qu’il faut savoir capitaliser. Cela va aussi permettre au Niger, notamment au Ministère du Tourisme, de disposer d’un héritage qu’il pourra exploiter dans le cadre de la création de circuit touristique, et des sites ou lieux de mémoire qu’il va falloir réhabiliter. Cette rencontre est aussi une vitrine pour l’Etat du Niger. Réunir une dizaine de pays, pour nous, c’est une vitrine pour l’Etat, c’est une vitrine pour le pays. Pendant trois jours, on va parler du Niger à l’International, c’est cela qu’on appelle la diplomatie culturelle. La rencontre ne peut être qu’une valeur ajoutée, elle ne peut qu’aider le pays à briller et surtout à ressouder les morceaux.
Quels sont les participants à cette rencontre ?
Nous avons prévu d’inviter les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), notamment le Burkina Faso, le Mali, le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Soudan, le sud d’Algérie (région de Tabelbela), la Guinée. Il y aura aussi des personnalités politiques, des scientifiques de renom, des artistes. Bref, tous ceux qui sont porteurs de valeurs positives. Pour ça, nous avons besoin de l’appui du Ministère de l’Intérieur pour saisir les collègues de ces pays, et le Ministère de la Défense pour aider à la sécurisation de leur déplacement.
Quelles sont les dispositions prises pour la réussite de cet événement ?
Il est difficile d’avoir tous les moyens. Même si l’Etat ne donne rien, nous connaissons la situation actuelle du Pays. En tout cas, nous sommes en train de chercher. Si l’Etat nous donne, c’est tant mieux. L’essentiel, qu’il ne s’oppose pas à notre activité.
Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de la population ?
C’est une fête pour tout le Niger, pour tous les Nigériens. Ce n’est pas parce qu’on a dit Sonrhaï, Zarma-Dendi et apparentés que les gens doivent s’exclure. Il y a les ‘’Gobirawas’’ qui sont nos ‘’waymayzés’’, il y a les peuhls qui sont les cousins à plaisanter des ‘’Songnay boro’’, il y a des gourmantchés.
Réalisé par Farida. A. Ibrahim (ONEP)