Le procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe (TGI/HC) de Niamey, M. Chaibou Moussa et le Secrétaire général du ministère de la Justice, M. Ibrahim Jean Etienne ont co-animé samedi 26 mars, à Niamey, un point de presse. Il s’agit dans un premier temps de faire une présentation générale des établissements pénitentiaires en lien avec la situation particulière de la Maison Centrale de Haute Sécurité de Koutoukalé, puis donner des informations sur l’évolution du dossier de personnes impliquées dans les manifestations post-électorales dont la procédure suit son cours normal.
A propos de la situation particulière des établissements pénitentiaires, le Secrétaire général du Ministère de la Justice a rappelé que depuis quelque temps son département ministériel est interpelé sur ce sujet, notamment celui de la prison de Koutoukalé où de possibles cas de maltraitance et de dénis des droits humains ont été rapportés. «Dans sa volonté d’avoir une idée claire, le ministère en charge de la Justice a choisi de mener sa propre enquête en dépêchant une mission de l’administration pénitentiaire sur la situation qui prévaut», a-t-il indiqué.
Selon M. Ibrahim Jean Etienne, sur la base de ses constats, des propositions visant à améliorer et à assouplir le régime carcéral ont été faites. C’est ainsi qu’il a cité l’autorisation des visites des familles, l’autorisation d’apport alimentaire et de produits de soin pour le détenu et d’amélioration des conditions de vie des détenus de cet établissement. «Ces mesures ont commencé à avoir un début de mise en œuvre. Nous allons veiller à ce que toutes ces mesures prises connaissent une exécution satisfaisante», a-t-il assuré. De façon plus générale, le ministère de la Justice dispose d’une politique sectorielle qui met en œuvre plusieurs composantes pénales et pénitentiaires de droit de l’Homme qui, elle-même, est sortie d’un plan décennal 2016-2025. «Et un plan annuel de travail est établi en plusieurs axes. Ce plan vient conforter les engagements que nous avons pris en terme d’humanisation de l’univers carcéral», a déclaré le secrétaire général du ministère de la Justice.
M. Ibrahim Jean Etienne a précisé que des ressources financières ont été démultipliées pour assurer une prise en charge adéquate des détenus. «Actuellement, selon les textes régissant le régime pénitentiaire au Niger, l’administration est tenue de fournir au moins trois repas par jour à chaque détenu. Nous essayons de mettre en œuvre cette disposition légale et nous essayons aussi d’améliorer les conditions de prise en charge sanitaire en garantissant les premiers soins aux détenus de tous les établissements pénitentiaires tout en renforçant le personnel et en rendant disponibles les médicaments au niveau des infirmeries des différentes prisons», a-t-il fait savoir.
Le Secrétaire général du ministère de la Justice a dit que le ministère a aussi engagé d’autres mesures dont celles relatives au désengorgement des établissements pénitentiaires. A ce sujet, il a reconnu le problème crucial de la surpopulation au niveau des centres de détention dont certains sont à plus de 400% de leurs capacités. C’est pourquoi, des actions sont entreprises par les autorités compétentes pour inverser cette tendance en s’inscrivant dans une logique de planification chiffrée des audiences de jugement à l’échelle du pays. Le but est de mettre en œuvre un plan de tenues des audiences régulières. Le ministère a aussi engagé des discussions avec les partenaires pour éponger un certain nombre de dossiers à court terme.
Une autre mesure annoncée par le Secrétaire général du ministère de la Justice, c’est celle de faciliter le suivi et le traitement des dossiers dans des conditions diligentes. «L’interconnexion et la mise en réseau des différents parquets avec les cabinets d’instruction et les établissements pénitentiaires va permettre de
suivre l’évolution des procédures qui sont pendantes car, autant le procureur pourra alerter le cabinet d’instruction autant il pourra recevoir l’alerte des responsables établissements pénitentiaires sur des dossiers qui connaissent une certaine souffrance dans leur traitement», a-t-il dit.
M. Ibrahim Jean Etienne a aussi évoqué le suivi post carcéral. Sur ce point, il a précisé que des stratégies sont en cours d’élaboration relativement à la réinsertion des détenus qui, une fois mises en œuvre, permettront d’aboutir à un reclassement social avec comme finalité de pouvoir agir sur la récidive et de créer des conditions d’autonomisation des personnes sorties de la prison. «Beaucoup d’efforts sont consentis par le gouvernement et la composante III du budget programme du ministère de la Justice, qui concerne l’humanisation du milieu carcéral, consacre
de ressources financières assez importantes pour la prise en charge des détenus, aussi bien sur le plan alimentaire que sur le plan des soins de santé», a-t-il rappelé.
Quant au procureur de la République, il a axé son invention sur le cas des personnes interpelées lors des troubles post-électoraux notamment le traitement judicaire des dossiers. C’est ainsi que M. Chaibou Moussa a rappelé que des centaines de personnes ont été interpelées et poursuivies avec entre autres chefs d’accusation, incendie volontaire des lieux servant d’habitations, dégradation volontaire des édifices publics, violences et voie de fait, coups et blessures volontaires etc. «Les juges d’instruction qui ont été saisis des dossiers à charge et à décharge ont réussi à faire libérer beaucoup de personnes. Pas plus que ce 25 mars, plusieurs personnes ont été libérées par le juge du cinquième cabinet d’instruction. A la date de ce point de presse, nous avons exactement trente (30) personnes qui sont en détention dans le cadre de ce dossier de manifestations post-électorales», a-t-il déclaré.
Par ailleurs, le procureur de la République a expliqué que dans cette procédure, il y a des poursuites pour des faits de nature délictuelle et de faits de nature criminelle. «Pour des faits de nature délictuelle, c’est des procédures qui ne sont pas très compliquées. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les juges ont réussi à faire avancer la procédure et que les dossiers ont commencé à être jugés. Ces deux dernières semaines, nous avons réussi à juger deux dossiers des personnes impliquées dans le cadre de ces manifestations», a-t-il ajouté.
Expliquant le retard relativement constaté avant de procéder à ces jugements, le procureur de la République a fait remarquer que d’un point de vue technique lié à la conduite des investigations, la justice est confrontée au problème du nombre important de victimes. «Vous vous rappelez que c’est des boutiques qui ont été saccagées, des biens privés ou biens publics. Nous avons enregistré beaucoup de plaignants. Il faut que le juge d’instruction puisse recueillir les dépositions de toutes ces personnes et leur éventuelle constitution en partie civile pour que le dossier soit en état pour passer en jugement», a précisé M. Chaibou Moussa.
S’agissant des dossiers de nature criminelle, le procureur de la République a précisé que de manière classique ces cas sont assez complexes impliquant des investigations lourdes et complexes qui font appel à des expertises et à des compétences souvent extra judiciaires. Ces actes sont lourds et requièrent l’appel à des compétences dont le juge attend le retour pour poursuivre le traitement judiciaire du dossier. Selon le procureur, plus de 400 personnes ont été déclarées victimes qui devraient obligatoirement être auditionnées pour que le dossier soit en état pour son jugement.
Par ailleurs le procureur de la République a réitéré la disponibilité du parquet (ministère Public) à discuter avec les médias sur le traitement des dossiers judiciaires sous réserve du secret de l’instruction du dossier, sous réserve également d’un certain nombre de dispositions à prendre pour protéger la dignité des personnes impliquées, qui doivent bénéficier du principe de la présomption d’innocence.
Mamane Abdoulaye(onep)