Les magistrats nouvellement intégrés et affectés dans le ressort de la Cour d’Appel de Niamey, ont prêté serment, hier matin, à la Cour d’Appel de Niamey. Cet exercice est une obligation légale prévue par les articles 7 et 8 de la Loi 2018 portant Statut de la Magistrature. C’est le président de la Cour d’Appel de Niamey, M. Gayakoye Sabi Abdourahamane qui a présidé cette cérémonie en présence du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, M. Marou Amadou
Peu avant la prestation de serment, le procureur général près de la Cour d’Appel de Niamey, M. Maïga Alzouma Sahibou a rappelé aux nouveaux magistrats la portée de cette prestation de serment qui, est d’abord une promesse qu’ils font à eux-mêmes et à l’humanité de ne jamais céder aux maux qui risquent de miner leur carrière à savoir la paresse, la médiocrité et surtout la compromission avec les justiciables ou d’autres membres de la famille judiciaire. Au cours de leur carrière, poursuit le procureur général, ils seront associés au traitement de plusieurs dossiers couverts par le sceau du secret notamment dans le cabinet d’instruction et le Parquet, ils seront aussi associés aux délibérations des tribunaux, c’est dire qu’ils sont dépositaires de certains secrets qu’ils ne peuvent et doivent en aucun cas divulguer.
Le contexte actuel de communication tous azimuts et de partage sur les réseaux sociaux ne doit pas leur faire oublier la teneur de l’engagement auquel ils seront soumis, sous peine de sanction disciplinaire et pénale, étant donné que ce serment a un caractère absolu, ils ne peuvent en aucun cas en être relevés. «La notion de dignité renvoie au sens de l’éthique judiciaire et au respect que l’on doit à la fonction de magistrat, elle exprime plutôt le comportement personnel qui les place sous le regard des autres. L’éthique exprime le savoir-faire et le savoir-être du magistrat, il est lié à la noble mission qui lui est dévolue dans la société. D’abord son comportement à l’égard des justiciables au cours des audiences, écoute, respect, fermeté si nécessaire, écart, distance entre toutes les parties car trop de familiarité tue le professionnalisme», souligne-t-il. Il s’agit aussi de ne jamais oublier qu’ils seront jugés d’abord sur leur façon d’être, de parler et d’agir. «Certains d’entre nous veulent donner une image destructrice de la Justice par leur propos déplacés, leurs attitudes désinvoltes face à des personnes dans les désarrois, toujours stressés, placés en situation d’infériorité devant le juge ou le tribunal», a souligné M. Maïga Alzouma Sahibou, précisant par contre que d’autres font honneur à la Justice et aux devoirs de dignité par le tact qu’ils manifestent, par leur souci des personnes et de leur fragilité.
Concernant le comportement à adopter à l’égard de leurs collègues, collaborateurs et agents de service judiciaire, le procureur général près la Cour d’appel de Niamey, a demandé aux récipiendaires de veiller en permanence à respecter leur entourage professionnel, par leur ponctualité, la qualité de leur travail comme de leur comportement, à respecter aussi les justiciables à chaque circonstance en s’efforçant de conserver toujours une humeur égale, ouverte et compréhensive. «Faire attendre volontairement ses collègues pour monter à l’audience collégialement est un manque de respect pour soi-même; se précipiter pour prononcer un divorce dans le dessein inavoué de contracter un mariage avec l’une des parties est un signe manifeste de mépris pour soi-même. On ne peut prétendre au respect si notre attitude n’inspire pas au respect, c’est l’essentiel de l’exigence de dignité», a-t-il indiqué.
La loyauté quant à elle, évoque davantage le rapport personnel du magistrat souvent intime avec l’institution elle-même. Elle fait référence à la loi, à l’honneur et à la probité. A cet égard, dans le devoir de loyauté s’insère en premier lieu, le principe de l’égalité, c’est par rapport à la loi seule que le juge doit se déterminer en toute indépendance, à l’abri de toute forme d’influence, qu’elle procède de la pression des personnes ou des idées, des appartenances ou des systèmes de penser. «Cependant, gardez-vous de réduire le débat sur l’indépendance du magistrat à sa relation avec les autres pouvoirs, en l’occurrence le pouvoir exécutif. L’ultime bataille que vous livrerez pour votre propre indépendance est d’abord interne, contre vos propres penchants, vos faiblesses, car, le succès de la lutte externe passe par celui que vous emporterez sur vous-mêmes. De quelle fierté pouvez-vous vous prévaloir si à la veille de chaque réunion du Conseil Supérieur de la Magistrature vous vous précipitez dans les cabinets ministériels ou les salons d’hommes politiques pour quémander genoux fléchis tel ou tel poste ?», estime le procureur général.
Cette bataille interne contre soi-même conduit le magistrat dans un difficile combat où il doit dominer ses émotions et avoir d’autres références que ses propres valeurs, celles qui sont souvent le fruit de son éducation, pour se déterminer par rapport à la loi, faut-il encore connaitre cette loi, et en faire une seule application. «En effet, la fiabilité de notre institution judiciaire dépend surtout des hommes et des femmes qui l’administrent au quotidien, les garanties d’une bonne justice sont entre autres l’intégrité et la connaissance des règles. D’une part, l’intégrité est un gage d’objectivité et d’impartialité. A tort ou à raison, des récriminations sont faites contre les magistrats soupçonnés d’avoir des pratiques favorisantes pour l’une des parties au détriment d’une autre. On en est arrivé à croire que celui qui gagne un procès à forcement fait peser dans la balance des atouts, autres que ceux issus de la loi. Pourtant, les travers ainsi décriés sont bien souvent justifiés», a reconnu M. Maïga Alzouma Sahibou.
Le procureur général près la Cour d’appel de Niamey, a déploré le fait que juge, qui constitutionnellement ne devrait être soumis qu’à l’autorité de la loi, fléchit les genoux devant bien d’autres forces, notamment le pouvoir de l’argent. Toutefois, force est de souligner aussi que l’intégrité du magistrat ne dépend pas seulement de lui, mais bien plus de ce qui est fait pour améliorer ses conditions de vie et de travail pour le mettre à l’abri de la corruption. D’autre part, la qualité de décision de Justice est tributaire de la connaissance de la règle de droit, cette dernière étant elle-même dépendante de la formation initiale qui permet d’acquérir des connaissances basiques. «La formation continue doit en être l’indispensable relai, la décision doit être la même pour les situations juridiques identiques, elle ne doit pas varier en fonction des personnes, ni des juges, ni de celles des parties, car, l’arbitrage libre des juges est confiné dans l’application de texte en vigueur», a-t-il suggéré.
Après ces conseils soutenus du procureur général et la lecture de la formule consacrée, les dix nouveaux magistrats ont chacun à son tour levé la main droite et juré. Le président de la Cour d’Appel, M. Gayakoye Sabi Abdourahamane a donné acte au procureur général de ses réquisitions, à M. le bâtonnier de ses observations et donné acte aux récipiendaires de leur serment avant de les renvoyer dans l’exercice de leurs fonctions. Le président de la Cour d’Appel de Niamey a tenu aussi à prodiguer des conseils d’usage aux nouveaux collègues en insistant sur l’honnêteté et la probité. Parlant de la corruption des magistrats au plus haut sommet, le Président de la Cour d’Appel a martelé que le grief fait aux magistrats est bien fondé. «Tout le monde le sait, on essaie de combattre ce fléau (la corruption qui, peut-être qu’elle n’atteint pas le degré dans certaines professions de notre pays). Mais, ce sont des choses qui ont été scientifiquement démontrées, les états généraux l’ont dit, 65%¨de la population du Niger à l‘époque pensent que les juges sont corrompus. Quand une Justice est en bonne santé, c’est aux citoyens de le dire» a souligné M Gayakoye.
Le Représentant du Barreau Me Samna Aliou a pour sa part, souligné deux aspects particuliers de la Magistrature. «C’est d’abord, un métier qui par bonheur trace la carrière. Les juges n’ont pas à être pressés, ils ont un plan de carrière tout tracé qui les sécurise en tant que magistrats et sécurise les justiciables. Ensuite, ils sont dans le domaine de savoir, car, le travail de magistrat, d’avocat, de la Justice est essentiellement un travail intellectuel. Pour l’accomplir il est important d’aller auprès de ses collègues qui sont dans les juridictions supérieures pour approfondir ses connaissances des règles de droit, car, chercher la vérité des faits, la vérité judiciaire est une chose difficile. La défense est là pour leur permettre de mieux jauger et de mieux juger», a expliqué Me Samna Aliou.
Aïchatou Hamma Wakasso(onep)