Zinder est la plus grande région du Niger en termes de densité humaine avec une population estimée à plus de 5 millions d’habitant depuis le recensement de 2012. Malheureusement, cette région enregistre, jusqu’à un passé récent, un taux de couverture sanitaire très faible établi à 48 %. Or, la moyenne de la couverture nationale est de 54%. Ce taux sensiblement faible par rapport à la couverture sanitaire nationale est assuré grâce aux efforts d’un personnel dévoué et déterminé, répartis dans 11 Districts Sanitaires implantés dans les 10 départements et la Ville de Zinder. Aujourd’hui, grâce à une nouvelle dynamique insufflée par les autorités régionales de Zinder, particulièrement celles de la Direction Régionale en charge de la santé, les indicateurs de ce secteur vital connaissent de plus en plus une amélioration.
L’accès aux soins est véritablement un casse-tête pour certains Nigériens, en témoigne le taux de couverture nationale. Que dire de cette région où c’est seulement 48% de la population qui parcourt une distance d’au moins 5 km pour accéder à une formation sanitaire. Ceux qui sont à plus de 15 km d’une formation sanitaire représentent 30 % de la population. On peut imaginer le calvaire que vivent certaines femmes lorsqu’il faut faire 30 km pour aller accoucher, vu que les moyens de déplacement ne sont pas à la portée de beaucoup de ménages. Ou s’il faut aller à 100 km pour faire une vaccination, il faut se préparer conséquemment et connaitre l’importance de cet acte.
« Le véritable problème, c’est l’accouchement assisté. Certains ménages qui sont loin des formations sanitaires, nous posent problème car, on ne sait pas quand est ce que la femme enceinte peut commencer le travail pour qu’on puisse l’assister. En plus, nous avons malheureusement enregistré des cas d’épidémies au niveau de la région. Cela est sans doute lié à deux facteurs, notamment la faible couverture sanitaire qui joue sur la qualité des soins et la porosité de la frontière avec le grand voisin du sud (Nigéria). Malgré cela, nous arrivons à gérer ces défis », déclare Dr Farouk Manzo Directeur régional de la santé, de la Population et des Affaires sociales (DRSP/P/AS).
Depuis l’avènement du CNSP ayant favorisé l’éveil patriotique et le principe d’intégrité dans la gestion, le DRSP/P/AS a mis en place une dynamique afin d’améliorer les indicateurs et la couverture sanitaire dans la région de Zinder. « Nous avons commencé un travail qui consiste à faire de la sensibilisation à l’endroit de la communauté pour pouvoir apporter des solutions à tous les problèmes. Nous avons tenu beaucoup de dialogues communautaires dans certains villages qui enregistrent un fort taux d’accouchements à domicile. Et il y a des chefs de villages et des maires qui ont pris des engagements de nous aider en mettant à la disposition de ces villages des véhicules afin de mettre fin aux accouchements non-assistés », précise le Directeur régional de la santé publique de Zinder.
Au-delà des actions classiques de routines qui consistent à organiser des sorties foraines et mobiles, chaque mois, la direction en charge de la santé mobilise les équipes pour se rendre dans certains villages situés entre 5 et 15 km d’une formation sanitaire pour pouvoir vacciner tous les enfants, offrir des produits de contraception aux femmes qui le désirent, faire la consultation prénatale, la consultation nourrisson, etc. « Pour rapprocher la population de ce paquet d’offre de services au-delà de 15 km jusqu’à 150 voire 200 km au plus, nous envoyons régulièrement des véhicules pour assurer la couverture sanitaire », rassure le DRSP de Zinder.
La collaboration communautaire, un facteur essentiel de réussite
Pour Dr Manzo, la réussite du secteur ne dépend pas seulement des acteurs du domaine. Il faut une collaboration fonctionnelle entre les acteurs et la population. A travers cette collaboration, la population sera au centre de la gestion des structures sanitaires. « Nous sommes en train de créer une dynamique pour fédérer tout le monde en redynamisant les COGES, d’amener la population à comprendre que nous sommes là pour elle. Il y a des compétences qui sont en train d’être transférées aux COGES pour qu’ils prennent la responsabilité de suivre le développement des bonnes pratiques pour que même si l’agent de santé quitte, la dynamique ainsi créée au niveau du village se maintienne. Et tout celui qui va venir sera obligé de respecter et de suivre cette dynamique. Nous voulons que la population veille sur tout ! Par exemple pour l’achat des médicaments, c’est au COGES d’aller acheter les produits, de veiller à l’utilisation rationnelle de ces produits », a-t-il notifié.
Pour une bonne gestion des intrants, un système de gestion a été instauré. Dans ce sens, le DRSP, accompagné des autorités régionales notamment le gouverneur de la région, le Sultan de Damagaram, le président du Conseil Régional, etc., a fait le tour de tous les départements pour la mise en œuvre effective d’un programme dénommé « Engagement mutuel ». « Nous avons toujours rappelé que les magasins des intrants doivent avoir deux cadenas. Le chef CSI prend le jeu d’un cadenas et le président du COGES qui représente la communauté prend l’autre jeu de cadenas. Cela veut dire que personne ne peut ouvrir sans l’autre et c’est ça qui renforce cette cogestion mais aussi la transparence. Pour ce faire, il faut que la population arrive à designer des membres du COGES qui sont crédibles, intègres et qui peuvent valablement la représenter », précise-t-il.
A tout point de vue, la démarche de collaboration fonctionnelle de la DRSP apporte déjà ses fruits et donne des motifs de satisfaction. A travers cette démarche, chacun peut apporter sa contribution. De temps en temps, les responsables du secteur de la santé évaluent les performances et s’interrogent sur la responsabilité de tout un chacun notamment, les agents de santé, les maires, les préfets, les leaders religieux et coutumiers. « On fait la répartition des tâches et chacun doit apporter sa contribution. Déjà, nous avons commencé à sentir un changement car nous avons constaté une amélioration des indicateurs. Nous avons constaté une diminution des décès maternels. Par exemple en 2022, nous avons enregistré 285 décès maternels contre 245 en 2023. Il y a eu une diminution de 40 décès, mais beaucoup reste à faire. Nous voulons réduire ce taux jusqu’ à un niveau où on ne parlera plus de décès maternel. Par exemple, en 2022 on a enregistré 615 décès des nouveau-nés décès, après l’instauration de ce mécanisme de suivi, nous sommes à 400 décès, ça veut dire que nous avons pu sauver plus 200 nouveau-nés. Après la mise en place de ce mécanisme de suivi tous les indicateurs sont en train d’être améliorés. Mais ce n’est pas un travail des agents de santé uniquement. C’est un travail d’équipe, c’est toute une dynamique que nous sommes en train d’insuffler pour que les gens comprennent que, quand on travaille ensemble, on peut avoir des bons résultats sur le terrain », relève le responsable régional en charge de la santé.
Les principaux défis persistants
Malgré les efforts qui sont en train d’être déployés, les défis à relever restent énormes. Parmi ces défis, il y a la question des ressources humaines en qualité et en quantité, l’insuffisance de formation sanitaire, en atteste le cas du département de Doungass, l’un des départements les plus peuplés du Niger qui ne dispose pas d’un hôpital de district. « Nous sommes en train de faire le plaidoyer pour la construction d’un hôpital de District à Doungass. Nous sommes en train de faire ces mêmes plaidoyers pour que la Ville de Zinder soit dotée d’une structure sanitaire intermédiaire, ou réhabiliter le HD avec un bloc opératoire pouvant prendre en charge les petites chirurgies, etc. Aujourd’hui pour n’importe quelle maladie, les gens sont obligés d’aller à l’Hôpital national de Zinder qui est censé prendre en charge les soins du niveau tertiaire. Aujourd’hui, les agents sont envahis par la prise en charge des soins primaires, ce qui n’est pas intéressant et cela coûte cher aux patients », explique Dr Farouk Manzo.
Pour mieux dérouler le plan de développement sanitaire, un mécanisme de suivi des prestations avec tous les acteurs s’avère nécessaire. « Quand on nous finance pour des sorties foraines ou des sorties mobiles, il faudrait que tous ceux qui sont dans la dynamique nous accompagnent pour deux raisons : d’abord pour s’assurer de l’effectivité de l’activité et s’enquérir de la réalité du terrain afin de répertorier les besoins », dit-t-il.
Aujourd’hui, l’avènement du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie est une aubaine pour le secteur de la santé car, il a favorisé l’autonomie dans la prise de décision des responsables administratifs. « Nous avons réussi à faire des mouvements et des affectations en toute responsabilité. Cela a permis aux agents de comprendre que la seule chose qui peut les couvrir c’est le mérite et l’abnégation dans le travail. Aujourd’hui dans toutes les structures, les agents sont en train de s’aligner à leur devoir », conclu le directeur régional de la santé publique de la population et des affaires sociales.
Abdoul-Aziz Ibrahim (ONEP), Envoyé spécial