Aichatou Tahirou dit Dalweyzé est la principale figure emblématique du Zarmaganda dans le domaine de la culture. La célèbre cantatrice de Ouallam a tiré sa révérence le 13 mai 2011, laissant derrière elle une production culturelle de grande facture et sa voix extraordinaire. Les prestations culturelles de Dalweyzé sont encore vivaces dans la mémoire collective des Nigériens qui l’ont connue. En effet, la dimension culturelle de la cantatrice Dalweyzé se mesure à la qualité de sa production d’une part et d’autre part à l’originalité dans la création.
Aucune dimension qui fonde la valeur d’un artiste culturel n’a échappé à Aichatou Tahirou. Cette dernière n’a jamais été à l’école. Selon Adamou Ali dit Lantcho, un des trois enfants de Dalweyzé que nous avons rencontré à Ouallam, la voix extraordinaire de la cantatrice est tout simplement un don de Dieu. « Toutes les chansons qu’elle réalise lui venait à l’esprit pendant les heures indues de la nuit (2 à 3 heures du matin). Dans son sommeil profond, je l’entendais murmurer une chanson. J’étais en ce moment petit et à chaque fois qu’elle chantait la nuit, je me réveillais pour aller lui demander si réellement elle se portait bien. Pendant des années, j’étais resté inquiet pour ma maman. Je me posais régulièrement beaucoup de questions à propos de ses murmures aux allures de chansons. Au fil des années, j’ai fini par comprendre qu’elle préparait les chansons la nuit. Mon pressentiment a été confirmé par la cantatrice un beau jour lorsqu’elle m’appela pour me dire qu’elle préparait une nouvelle chanson. L’inspiration d’une nouvelle chanson ne lui vint que la nuit. Etant enfant, j’assimilais facilement tout ce qu’elle chanta la nuit », rappelle-t-il.
La troupe de Dalweyzé était composée des hommes et des jeunes filles. « Dès que les éléments de la troupe de ma maman vinrent à la maison, ils me trouvèrent à la porte d’entrée. Certaines d’entre qu’elles me donnèrent de l’argent, soit 50 F ou 100 FCFA. Toutefois, lorsqu’elle Dalweyzé demanda aux jeunes filles de sa troupe si elles ont eu la fuite sur la chanson avec Tawaye que je suis, celles-ci répondirent non », a expliqué Adamou Ali dit Lantcho. Par ailleurs, il faut relever que dans le cadre de la production des ballets, la cantatrice voyagea dans les villages reculés de Ouallam pour la recherche des informations. « Ces dernières sont minutieusement traitées par ma maman (Dalweyzé) à son retour pour avoir une chanson complète. C’est ainsi qu’elle appela les éléments de sa troupe pour la répétition. Celle-ci peut prendre banalement 10 jours », se rappelle-t-il avant d’ajouter que Dalweyzé n’à jamais copier la chanson de quelqu’un. Une fois que les jeunes filles maitrisent la chanson, il appartenait aux hommes de la troupe de réfléchir sur la danse, le rythme et les instruments de musique qui convenaient. Le fonctionnement de la troupe Dalweyzé obéissait à une division sérieuse du travail.
Dans le cadre du festival de la jeunesse, la région de Tillabéry était considérée comme étant un reversoir de la culture. La diversité de la production culturelle était extraordinaire. C’est à cette époque que le public nigérien découvrit la voie féminine de Dalweyzé. La région de Tillabéry et celle de Dosso raflaient les premiers prix en ballet. La voix de la cantatrice Dalweyzé ressemblait à celle de Laktamtala de Gaya et vice versa. « Aujourd’hui, il n’y a pas de création dans le domaine de la culture. Les anciens de la culture sont partis. Ceux qui produisent actuellement ne font que du copier et coller. Or, il n’existe pas un pays en Afrique noire qui peut dépasser le Niger en matière de Culture », estime Adamou Ali dit Lantcho.
Evoquant la production culturelle de sa maman (Dalweyzé), M. Adamou Ali précise que les titres phares des chansons de la cantatrice sont entre autres : la célèbre chanson « Meniyatou » (la gazelle) qui a été réalisée au bord de la mare de Tinga ; «Bourya Tawaye hin Ka » réalisé à Guessé qui évoque l’histoire de deux jumeaux ; « Zongo Marie » qui relate les histoires de possessions (folley) réalisée à Simiri ; « Mariama Balley » à Tondikiwindi ; « Kambou Tchan-gnwo » réalisée dans la zone de Taroum et Tizegorou évoquant l’histoire d’un chasseur; «Zorgo et Kizamou » ; « Mali Bero » ; «Doumbo-barizé » etc. Toutes ces productions ont fait l’objet d’un travail de recherche et de fouille dans plusieurs villages du département de Ouallam.
« Nous constatons malheureusement qu’au Niger, la culture est délaissée totalement aussi bien par la jeunesse que par les pouvoirs publics. En outre, faire avancer la culture de son pays est un acte patriotique. Nous devons revenir sur nos traditions, mœurs, coutumes et us pour un véritable développement endogène. Il est illusoire de prétendre à un développement harmonieux sans revisiter nos valeurs socioculturelles », a souligné M. Adamou Ali, ajoutant qu’il est capable de prendre la relève de sa maman. Mais faute de moyens, Adamou Ali n’arrive pas à mettre en place une troupe. Il continue tout de même à chercher des appuis dans le cadre de son projet.
Hassane Daouda, Envoyé Spécial (onep)