
Lors de la visite du ministre Farmo dans la région de Zinder
D’aucuns ont à cor et à cri voulu que le Ministère soit. Le 17 avril de l’an 2025, il s’est éveillé à la vie. Après l’euphorie des premiers pas, il faut avancer, il faut progresser, il faut se développer.
« La valeur n’attend point le nombre des années ». Au Ministère, nous avons déjà une vision, nous nourrissons une ambition. Nous voulons que l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels soit au service de l’indépendance, de la souveraineté et de la prospérité du Niger. Telle est aussi la direction que nous avons prise pour atteindre les objectifs fixés par la lettre de mission que le Président de la République nous a adressée.
Mais, pour que cette vision ne soit pas une chimère, pour que ces propos ne soient un simple slogan, il est urgent de les transformer en actions.
L’objectif ultime sur le chemin de l’indépendance est d’avoir, dans tous les domaines d’activités : dans le bâtiment, dans l’agriculture, dans l’industrie, dans l’intelligence artificielle, des ingénieurs et des ouvriers qualifiés en nombre suffisant, qui conçoivent, qui fabriquent des machines, innovent et résolvent des questions techniques et se soucient de la qualité des produits, qui veillent au fonctionnement des machines-outils, à leur entretien, et qui concourent ainsi au bien-être collectif.
L’objectif n’est pas inatteignable, mais éloigné. Il faut donc se préparer à une marche de longue haleine.
En 2019, l’Afrique ne comptait que 55.000 ingénieurs pour un besoin estimé à 3,5 millions d’ingénieurs. Et pour combler le déficit, au moins 300.000 ingénieurs devaient être formés sur la période 2019-2026. Cet objectif est loin d’être atteint. Quelle était la part du Niger dans le contingent d’ingénieurs de 2019 ? En l’absence de statistique officielle, on peut supposer que la part était minime. Le nombre d’ingénieurs formés en Afrique reste en deçà des prévisions. A titre exemplatif, l’Ecole polytechnique de Ouagadougou a formé 29 ingénieurs en 2024. La Côte d’Ivoire en forme 350 par an, le Maroc 11.000 ; l’Algérie 20.000, l’Afrique du Sud 40.000.
Un enseignement et une formation techniques et professionnels actualisés
Si nous voulons l’indépendance, la souveraineté et la prospérité du pays, il est impératif que nous élaborions un programme de formation d’ingénieurs tenant compte de nos réalités économiques, sociales et culturelles qui tire le meilleur parti des technologies de l’information et de la communication. Cela exige que soient revisités nos programmes et nos curricula, que nos infrastructures et nos équipements soient de leur temps, et que soit abolie la discontinuité entre cycles de formation.
Un enseignement et une formation techniques et professionnels sans solution de continuité
L’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels publics ne vont guère au-delà du lycée. Or, le lycée ne forme point d’ingénieurs. Il nous faut un enseignement et une formation techniques et professionnels sans solution de continuité ayant un cycle supérieur comme partie intégrante.
Un enseignement et une formation techniques et professionnels remembrés
L’image que donne l’enseignement et la formation techniques et professionnels est celle d’un secteur dont les composantes sont dispersées aux quatre vents. Des écoles ici et là, des établissements par ci par là, des instituts de-ci deçà, et des institutions çà et là qui exhibent un écartèlement. Pour que l’EFTP se meuve aisément, il faut lui rendre ses membres.
Dans un pays où le développement repose en grande partie sur l’enseignement et la formation technique et professionnels qui sont aussi facteurs de cohésion sociale, de paix et de sécurité, l’Etat doit mettre fin à la discontinuité et à la dispersion qui handicapent le secteur, et assigner au Ministère chargé du secteur, la mission de produire des ingénieurs, de superviser et de contrôler leur formation.
On exagèrerait à peine en affirmant que ce domaine d’activités devrait être considéré comme la quatrième fonction régalienne de l’Etat après la sécurité extérieure (Défense et Diplomatie), la sécurité intérieure et la justice.
S’agissant des ouvriers qualifiés (maçons, plombiers, électriciens, carreleurs, etc.), nous en formons peu ou pas. Le Bénin, le Togo et le Nigéria sont les principaux pourvoyeurs de notre marché. L’indépendance commande de renverser la vapeur. Il ne s’agit ici, ni de restreindre ni d’interdire la main-d’œuvre étrangère, mais de faire en sorte que nos ouvriers aient des compétences égales ou supérieures à celles des travailleurs étrangers.
En attendant que des réajustements soient faits, que des corrections soient portées et que des décisions soient prises, la question la plus importante est celle de savoir ce que nous pouvons faire ici et maintenant en faveur de l’indépendance et de la souveraineté, avec les ressources humaines et matérielles dont nous disposons.
Sécuriser nos écoles
J’ai vu des écoles au milieu de nulle part, des écoles qui n’ont pas le moindre petit mur d’enceinte, mais se targuent d’enseigner et de pratiquer la maçonnerie, des écoles sans tables banc, mais qui se vantent d’avoir un savoir-faire en menuiserie bois et métallique, j’ai vu des écoles logées dans d’autres écoles, des écoles en paille, des écoles inflammables. Toutes ont en commun d’être exposées. Quel manque d’initiative dommageable empêche les élèves maçons, sous la supervision de leurs maîtres, de construire par eux-mêmes, pour eux-mêmes, un mur de protection, avec la matière d’œuvre gracieusement mise à leur disposition par l’Etat ?
Partout, j’ai entendu dire que l’école appartient à la communauté. Et partout la communauté envoie ses enfants dans des écoles sans murs, exposées à tous les dangers. Est-ce chose impossible que la communauté (autorités administratives, coutumières, religieuses, parents d’élèves, syndicats) réunisse les volontés, mutualise les compétences et les capacités en son sein pour que sur notre territoire, il n’y ait plus des écoles sans murs, des écoles sans abris fixes, des écoles inflammables ?
Être autonome et réduire les dépenses de l’Etat
Quelle attitude désinvolte pousse les chefs menuisiers à ne point fabriquer avec leurs apprentis, en travaux pratiques, des tables bancs, des règles d’écoliers en bois, en fer ou en plastique, des équerres, des compas, des gommes à effacer, des sacs, des trousses et autres fournitures scolaires ?
Continuerons-nous à importer de la craie alors que sous nos pieds gisent des réserves abondantes de calcaire et de gypse ? N’y-a-t-il pas dans nos écoles assez de génie, assez de savoir et de savoir-faire, pour fabriquer de petits moules, pour les remplir de la pâte craie et de la sécher pour obtenir un produit utilisable dans nos classes ?
Assurer la sécurité au travail
J’ai visité dans nos centres des ateliers d’électricité, de mécanique et de soudure, à Niamey, à Dosso, à Tahoua, à Zinder, à Tillabéry et à Maradi. En ces lieux, je n’ai vu que deux ou trois apprentis portant des gants de protection. Ici, les risques d’accidents du travail sont ahurissants.
J’ai aussitôt entrepris mes recherches de profane en électricité pour savoir comment et avec quels matériaux on fabrique des gants de protection. J’ai découvert que la peau de mouton est un des meilleurs isolant. Or, nous avons un des plus importants cheptels de la région. Je me suis ouvert au directeur général du Centre des Métiers du Cuir et d’Art du Niger (CMCAN), qui a soumis l’idée à son département Recherches et Développement. Le 17 septembre 2025 lors de l’exposition organisé par le Centre, des maquettes et prototypes de gants de protection ont été exhibés. On peut donc espérer satisfaire une partie de nos besoins en gants sans recourir à l’importation grâce à nos propres efforts, et, de proche en proche, répondre non seulement à la demande de nos établissements mais aussi à celle d’autres corps de la société, notamment nos Forces de Défense et de Sécurité, en ce qui concerne l’équipement en cuir (Bottes, ceinturons, gants, étuis, etc.).
En attendant d’aborder les grands chantiers, l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels peuvent par l’initiative, par l’audace et de petites actions utiles concourir à l’indépendance et à la souveraineté. Je termine mon propos au point où s’opère la jonction cartésienne entre philosophie-enseignement et formation techniques et professionnels : « Diviser les problèmes complexes en parties plus simples, partir des plus simples pour remonter aux plus complexes ».
Farmo M.