
Mme Gogé Maimouna Gazibo
Les violences basées sur le genre (VBG) désignent tout acte préjudiciable perpétré contre une personne ou un groupe en raison de leur genre ou de leur identité. Ces violences peuvent revêtir plusieurs formes : physique, sexuelle, psychologique (émotionnelle), verbale, socioéconomique ou culturelle. Les VBG sont condamnées dans tous les domaines et à tous les niveaux. Au Niger, la lutte contre les VBG est devenue une préoccupation majeure pour de nombreuses structures qui s’activent pour édifier les acteurs sur les voies de recours en cas de violence basée sur le genre afin de garantir une meilleure protection des victimes.
En effet, diverses structures associatives, ONG et organisations de la société civile (OSC), s’engagent aux côtés de l’État et de ses institutions, telles que la police et la gendarmerie. Ces acteurs proposent plusieurs voies de recours en cas de violation des droits humains, notamment dans les cas de violence basée sur le genre. Cependant, sur le plan juridique, les violences de ce type suivent les mêmes procédures que toute autre infraction, sans spécificité notable.
Selon Mme Gogé Maimouna, magistrate et présidente de l’ONG Chroniques Juridiques, il existe plusieurs voies de recours en matière de droit en cas de violence basée sur le genre. Elle distingue les voies de recours juridiques telles que les dépôts de plainte et les poursuites judiciaires, des voies non juridiques qui incluent l’accès à des structures de soutien et à des organisations de défense des droits.
Assurément, le recours judiciaire pour les victimes de Violences Basées sur le Genre (VBG) est un mécanisme formellement établi par la loi, mais dont l’accès et l’aboutissement sont entravés par des barrières sociales, culturelles et économiques.
Mme Gogé a démontré que même si le cadre légal existe pour réprimer les violences dans toutes ses formes, la réalité sur le terrain est toute autre, car rares sont les survivantes en quête de justice qui aillent jusqu’au bout. Elle affirme que le processus judiciaire débute généralement par le dépôt d’une plainte auprès des services compétents, notamment la police ou la gendarmerie. La victime peut également s’adresser directement au Procureur de la République. Elle explique que la plupart des cas font parfois l’objet d’un règlement à l’amiable, pour diverses raisons. Parmi ces raisons, il y a la peur de la stigmatisation, la méconnaissance des droits et le coût financier des procédures (certificat médical, transport) qui constituent des obstacles majeurs. Au cas où la victime décide d’aller jusqu’au bout, sa plainte sera enregistrée, une enquête est ouverte par la Police Judiciaire sous la direction du Procureur de la République. « Aujourd’hui, que ce soit pour des viols ou des coups et blessures volontaires, le cadre juridique devrait, en tenant compte de la vulnérabilité des femmes en tant que victimes, prévoir des circonstances aggravantes. Or, ce n’est pas le cas. Les dispositions qui s’appliquent aux violences envers les hommes sont les mêmes que celles appliquées aux femmes, ce qui est problématique », a-t-elle expliqué.
Mme Gogé a rappelé que le Niger, à l’instar des autres pays, a ratifié la convention sur l’élimination de toutes les formes de violences basées sur le genre, en particulier celles à l’égard des femmes et des enfants. Cependant, le Niger a émis des réserves. «Le Niger a ratifié la convention tout en y ajoutant des réserves, car il estime que certaines thématiques de la lutte féminine entrent en contradiction avec la religion ou la culture. Par conséquent, tout ce qui remet en question ces éléments n’est pas appliqué sur le territoire nigérien», a-t-elle précisé.
Dans un contexte où les femmes qui osent porter plainte peuvent être mal perçues, c’est souvent leur procès qui est médiatisé avant celui de l’agresseur. « La plupart des femmes préfèrent renoncer à leur droit constitutionnel de porter plainte contre un partenaire violent pour ne pas compromettre leur mariage, plutôt que de passer par un recours qui pourrait les mettre dans des situations difficiles », regrette Mme Gogé.
Pour M. Ibrahim Moukaila, président de l’Association Leadership Universitaire pour le Changement de Comportement en Santé Sexuelle et Reproductive (LUCC/SSRAJ), les pesanteurs socioculturelles et le faible niveau d’éducation sont des facteurs qui favorisent les violences basées sur le genre. « Ça fait longtemps que des acteurs se battent contre cette problématique au Niger. Aujourd’hui, dès que l’on évoque le sujet, la tendance est souvent de jeter la faute sur la femme. Pourtant, de nombreuses femmes continuent d’être battues à tort, simplement en raison de leur genre, ce qui est inacceptable. C’est pourquoi, nous sensibilisons la population sur l’importance de protéger l’être humain, en particulier les femmes et les enfants », affirme-t-il.
Au niveau de l’ONG Chroniques Juridiques et LUCC/SSRAJ, tout comme d’autres structures au Niger, les victimes de VBG bénéficient d’un accompagnement à différents niveaux, notamment médical, juridique et psychosocial. Les acteurs appellent à une synergie d’actions afin que toutes les voies de recours, qu’il s’agisse de la justice, de la police, de la gendarmerie, ou des brigades de protection des personnes vulnérables, soient réellement bénéfiques à la population, et en particulier aux victimes de VBG.
Abdoul-Aziz Ibrahim (ONEP)