Le 10 Novembre 1987, le visage si familier du Colonel Ali Saibou, Chef d’Etat-major des Forces Armées Nationales (FAN), apparait bouleversé sur le petit écran pour annoncer à la Nation, le décès, aux environs de 15 heures, du Président du Conseil Militaire Suprême (CMS), Chef de l’État, le Général de Division Seyni Kountché, à l’hôpital Pitié-salle pétrière de Paris.
La triste nouvelle fut suivie du chant religieux de Mallama Inno, communément appelé « Mahamada » qui est, jusqu’à ce jour, diffusé et utilisé comme requiem lorsque la Nation est en deuil tant la charge émotionnelle de ce chant est intense.
Ainsi donc, l’incident du 31 décembre 1986, quand il s’est évanoui en pleine lecture du message des vœux de nouvel an aux membres du CMS et du gouvernement, était le début du compte à rebours pour celui qui a dirigé le Niger, depuis la nuit de Pâques d’Avril 1974 jusqu’à ce jour fatidique du 10 Novembre 1987, de main ferme avec un patriotisme inégalé frisant le nationalisme qui l’amènera d’ailleurs à demander le départ des troupes françaises stationnées à Niamey, moins de deux mois après son accession au pouvoir, la droiture et l’honnêteté qui le conduisirent à dénoncer les combines, les passe-droits et les trafics de tous genres.
« Il n’est pas un homme politique. C’est probablement sa force. Il inspire confiance par sa franchise et aussi parce qu’il croit en ce qu’il propose de réaliser. Militaire avec tout ce que cela suppose de rigueur et de discipline, le Lieutenant-colonel Seyni Kountché est un nationaliste, plutôt un idéaliste avec tout ce que cela comporte aussi de noblesse, de grandeur et d’inquiétude », écrit la Revue Internationale « Sentiers ».
« Homme d’action avant tout, le pragmatisme est sa devise. Son souci maitre, sa pensée économique majeure est d’extirper de son pays les grands fléaux que sont la faim, la soif, la maladie et l’ignorance », révèle la Revue « Europe-Outremer ».
Né en 1931 à Fandou, Kountché entre, après ses études primaires à Filingué, à treize (13) ans à l’Ecole des Enfants de Troupe de Kati au Mali, puis celle de Saint-Louis du Sénégal, fut admis à l’Ecole de Formation des Officiers de Frejus en France et à l’Ecole d’Etat –Major de Paris.
Après avoir servi dans l’armée coloniale et participé aux campagnes d’Indochine et d’Algérie, il rejoint le Niger en 1960 où il mena cinq (5) ans durant une vie de garnison à Zinder et à Agadez.
Second Officier en grade de l’armée nigérienne créée en 1961, il en devient le Chef d’Etat-major en Juillet 1973.
Dans la nuit de Pâques 1974, à la tête d’un groupe de treize (13) officiers, il renversa le régime essoufflé de la 1ère République englué dans des querelles byzantines alors qu’une sécheresse sans précédent endeuille le pays.
Pour connaitre l’homme dont la voix a résonné sur les ondes de Radio-Niger le 15 Avril 1974 en déclarant que « l’armée a décidé de prendre ses responsabilités en mettant fin au régime que vous connaissez », et qu’après « 15 ans de règne jalonné d’injustice, de corruption, d’égoïsme et d’indifférence à l’endroit du peuple auquel il prétendait assurer le bonheur, nous ne pouvons plus tolérer la permanence de cette oligarchie », l’auteur et écrivain Amadou Ousmane, qui n’est plus de ce monde, son Attaché de Presse de 1974 à 1979, a publié un ouvrage intitulé « KOUNTCHE PAR SES PROCHES », un véritable bouquet de témoignages, d’anecdotes et de révélations sur la vie et l’œuvre de ce patriote dont nous vous livrons quelques extraits.
Idé Oumarou, ancien Directeur de Cabinet de Kountché : « Dommage simplement qu’une certaine partie de l’élite qu’il avait lui-même formée n’ait pas toujours correctement compris que gouverner est un art même si pour accomplir ses merveilles cet art là impose très souvent à l’artiste des attitudes de monstre. Car Seyni Kountché était tout sauf le monstre que certains croient. La monstruosité réside dans le cœur or dans le cœur de Seyni Kountché il n’y a véritablement de place que pour le Niger ».
Jean Poisson, ancien Directeur de Cabinet de Kountché : « Qu’on l’aime ou qu’on le haïsse, le Président Kountché a été un grand homme d’État. Il en avait l’étoffe ».
Général Ali Saibou, membre du CMS, ancien Chef d’Etat major des FAN : « C’est pour vous dire, contrairement à certains qui pensent que Kountché est un méchant homme qui ne rit jamais et qu’il ne sait que réprimer, que Kountché est un homme très humain qui sait toujours présenter la face qu’il faut selon la situation du moment ».
Général Ibrahim Baré Mainassara, ancien aide de camp de Kountché : « Je voudrais dire une dernière fois et je le dis sur mon honneur qu’à ma connaissance Seyni Kountché n’avait pas de comptes en Suisse ni ailleurs. S’il avait eu le moindre gramme d’or ou la moindre poignée de dollars de trop, il les aurait investis sur le sol nigérien ».
Colonel Idrissa Harouna, membre du CMS : « Seyni Kouncthé a grandement contribué à faire connaitre le Niger à l’étranger par une diplomatie active et efficace ».
Mahaman Sani Bako, ancien Directeur de Cabinet de Kountché : « De l’homme, je retiens qu’il avait à la fois un amour ombrageux de son pays, une conscience aigüe de ses responsabilités et une parfaite connaissance de ses compatriotes et de leurs aspirations ».
Dr Annou Mahaman, ancien Ministre d’Etat : « En fait, il est difficile de faire le bilan de l’action du Président Kountché en très peu de temps. Ce qu’il faut retenir c’est que Kountché a inculqué aux Nigériens le goût du travail, surtout le gout du travail bien fait ».
Colonel Moumouni A Djermakoye, membre du CMS : « Kountché était très intransigeant, très susceptible, et d’une simplicité maladive ».
Daouda Diallo, ancien Ministre : « Seyni Kountché était d’une rapidité bouleversante dans ses prises de décisions. Et, pourtant, il n’improvisait presque jamais. Chez lui tout était programmé. Il était un metteur en scène habile et vigilant ».
Lieutenant-colonel Mallam Oubandawaki, ancien Aide de camp de Kountché : « Le Président Kountché était attaché aux principes militaires, c’est à dire la discipline, la ponctualité, l’ordre et la rigueur dans le travail ».
Hama Amadou, ancien Directeur de Cabinet de Kountché : « Il avait deux personnalités : une, publique qu’il affiche volontiers pour susciter la crainte et l’autre, ouverte, gentille. Il s’imposait à vous naturellement sans vraiment forcer. Il force naturellement le respect ».
Diado Amadou, ancien Attaché de Presse de Kountché : « Pour moi, le Président Kountché était avant tout un homme d’action, un vrai nationaliste, un homme qui nourrissait de grandes ambitions pour le Niger ».
Mme Diallo Fatoumata, Président de l’Association des Femmes du Niger(AFN) : « Seyni Kountché aimait peut-être trop son pays, il en était jaloux et pour cela il avait engagé une lutte sans merci contre la fraude, la paresse, la corruption, le détournement des deniers publics, l’affairisme des agents de l’Etat ».
Mme Adji Fati Kountché, Nièce du Général Kountché : « Toute son action était basée sur l’unité nationale car il connaissait les Nigériens et il savait que de ce point de vue son pays est fragile ».
Alou Moustapha (ONEP)