Les grossesses précoces touchent massivement les adolescentes nigériennes de treize à seize ans. Entre risques sanitaires majeurs, exclusion sociale et déscolarisation, ce phénomène compromet l’avenir de milliers de jeunes filles chaque année.
Au Niger, les statistiques interpellent. Selon les données de l’UNICEF et du Programme de démographie et de santé pour le Niger, 36% des adolescentes ont déjà été mères ou étaient enceintes en 2020-2021, avec un taux de fécondité précoce atteignant 50% chez les jeunes filles non instruites contre 15% chez celles ayant un niveau d’étude secondaire ou supérieur. Selon l’OMS, le taux de natalité chez les adolescentes atteignait 97 pour 1 000 en 2023 dans la région africaine, soit près de 10% des jeunes filles. Une réalité qui place l’Afrique subsaharienne parmi les zones les plus touchées au monde. Il y a des risques de complication générale à toutes les grossesses, mais il n’en demeure pas moins que ces risques sont beaucoup plus élevés chez les adolescentes.
En effet, l’immaturité physique des adolescentes démultiplie les dangers. Mariama Sina Tahirou, sage-femme, alerte : « Ces jeunes filles développent davantage de complications : fistule obstétricale, anémie sévère, éclampsie. Sans compter les avortements clandestins qui mettent leurs vies en péril ». Les risques d’accouchement prématuré, d’infections graves et de mortalité maternelle explosent dans cette tranche d’âge. Des complications d’autant plus dramatiques qu’elles touchent des corps encore en développement.
Ces adolescentes évitent les centres de santé par honte, compromettant ainsi leur santé. L’abandon familial et la fuite de responsabilité paternelle aggravent aussi leur détresse. C’est le cas de Fati, une jeune mère célibataire âgée de seulement quinze ans, totalement abandonnée par sa famille biologique. Les conséquences de ces grossesses dépassent largement le cadre médical pour devenir un frein au développement personnel et socio-économique.
Mainassara Mouniratou, sociologue, distingue les facteurs de risque en milieu rural et urbain. « En milieu rural, le tabou autour de la sexualité domine. Les parents n’abordent jamais le sujet, laissant les filles vulnérables face aux prédateurs ». Le milieu urbain présente d’autres défis : « Immaturité, influence des pairs, pressions sociales liées à l’apparence. Certaines filles cèdent aux avances masculines pour obtenir des biens matériels », dit-elle. Mainassara Mouniratou privilégie « la sensibilisation sur l’abstinence sexuelle plutôt que sur la contraception, qui risque d’encourager la promiscuité ».
Cette posture est contestée par de nombreux experts de santé publique qui prônent plutôt une éducation sexuelle complète incluant l’accès aux contraceptifs et la responsabilisation masculine. Hamidou Seydou, imam prédicateur, pointe « le manque d’éducation religieuse et la démission parentale » comme causes principales du phénomène.
Au-delà du drame individuel, la maternité précoce freine le développement du pays. Chaque grossesse d’adolescente représente une scolarité interrompue, des compétences perdues, un cycle de pauvreté perpétué. Lutter contre ce fléau exige une mobilisation collective. Familles, écoles, services de santé, leaders religieux et décideurs politiques doivent conjuguer leurs efforts. L’avenir du Niger en dépend autant que celui de ces adolescentes.
Saliou Zeinam, (Stagiaire)
