Issu de la communauté nomade, une communauté bien attachée à la culture, Ahmed Anard a créé, en novembre 2019, l’ONG Educaf Niger avec pour but principal de mettre en place des centres de culture qui vont servir de centres d’apprentissage des métiers artisanaux de toutes les ethnies du Niger. Aller vers les forgerons, les sculpteurs, tous les métiers artisanaux et utiliser les personnes ressources notamment les cultivateurs, les éleveurs, les forgerons, les tradipraticiens… en vue d’enseigner leurs talents à nos apprenants. Ces centres vont essayer de moderniser les pratiques ancestrales en pratiques modernes dans la forme et dans le fond. Aussi, ils vont œuvrer pour que les différents acteurs de la culture africaine s’organisent en association ou en structure pour mieux se faire connaitre et défendre les intérêts de la corporation.
La mission de l’ONG Education pour l’Afrique Educaf Niger est de promouvoir nos langues nationales et la culture africaine en général et celle du Niger en particulier. Notamment promouvoir l’éducation formelle et informelle en Afrique, créer des écoles et des centres culturels d’apprentissage, de valorisation, d’amélioration et de commercialisation de nos produits culturels locaux. Et aussi sans oublier la formation des troupes d’animation culturelles et artistiques.
«On ne peut pas s’épanouir en laissant une partie de soi-même ; nous sommes en train d’abandonner notre culture au profit de la culture des blancs. Un proverbe africain dit que ‘’un arbre a beau séjourné dans l’eau, il ne deviendra jamais crocodile’’. Nous sommes des africains et que l’Afrique doit évoluer en fonction de sa culture. Chaque peuple se réfère à sa culture mais nous les africains, notre référence, c’est la France, la francophonie, l’anglais ; non, tout cela doit cesser ; il faut qu’on reconnaisse le nigérien ou l’africain par ce qu’il est et non par les colons. Aucun pays ne peut se développer en délaissant ses langues nationales et en accordant plus de crédits aux langues étrangères», a fait savoir M. Ahaman Tarka. Pour lui, le développement du système éducatif d’un pays est intimement lié à celui de nos langues.
Toutes nos langues, notamment le Haoussa, le Djema, le Fulfulde, le Kanuri, le Tamasheq, l’Arabe… doivent être défendues et préservées. Et, le combat selon lui, commence dès au niveau familial ; il faut juste parler à son enfant sa langue, essayer de la valoriser. Chacun de nous est responsable de sa famille, et il faut donner plus de vie et de vitalité à nos langues locales», affirme- t-il en substance. Selon lui, sans y prêter attention, nous délaissons nos langues au profit des langues étrangères. De plus en plus, on constate que dans les centres urbains, ils sont nombreux ces enfants de fonctionnaires et autres qui ne peuvent s’exprimer dans leur langue maternelle.
Pourtant, chaque langue se suffit à elle- même et suffit pour la communication. Il est recommandé d’amener les enfants au village pour se ressourcer. Afin de permettre au village de garder ses valeurs linguistiques, il faut perpétuer la culture, les us et les coutumes tels que les narrations de certains évènements historiques qui se sont passés, des proverbes et des contes au clair de lune. C’est seulement à travers ces cadres là que la langue se nourrit, s’alimente et enrichit les locuteurs.
«Promouvoir nos langues nationales nous permettra de développer les savoirs locaux et autochtones »
Dans cette lutte pour la promotion de la culture nigérienne, cet homme de culture note que le rôle de l’Etat est fondamental. «La politique culturelle notamment linguistique est du ressort de l’Etat car il lui revient de faire un réaménagement permettant clairement de revaloriser nos produits locaux tels que l’artisanat, la culture, la mode vestimentaire… Et ce que nous faisons de nos langues nationales ». Chaque pan de cette culture, dira- t- il, a le droit de vivre, de prospérer et d’avoir des fans qui sont fiers de le porter et de parler de lui partout et en toute circonstance . Il est du rôle régalien de l’Etat de protéger et de promouvoir nos langues et nos identités culturelles.
La culture nigérienne doit être réorganisée pour plus de visibilité. Il ajoute : « regardez autour de la Mairie centrale, cela fait mal de voir des produits artisanaux exposés par des vendeurs et qui pourrissent dans leurs mains. Même constat au niveau du Musée, du CCFN ; il faut forcement qu’on apprenne à consommer local, regardez des millions d’élèves que nous avons au Niger qui ont des sacs en plastiques ou en chiffon qui leurs servent de contenant pour les cahiers, les stylos et les livres….IL nous faut une politique de vulgarisation de nos produits et pour cela, le gouvernement doit intervenir pour un peu de protectionnisme, il faut que les grands commis de l’Etat consomment nos produits locaux , mettre le textile nigérien en valeur, Téra Téra, sakala, chaussures et sacs artisanaux … »
Il y’a d’autres actions à privilégier aux yeux de notre interlocuteur, c’est la collaboration étroite entre les ministères des enseignements et celui de la culture. Il suggère aux journalistes des radios, des télévisions et de la presse écrite à avoir des plages et des colonnes en langues nationales. Les médias traditionnels comme les mass- médias constituent selon lui, la plateforme d’essor des langues dans le monde.
«Il n’y a pas de renaissance sans retour aux sources, la renaissance doit se pencher sur nos us et coutumes, notre tradition, notre culture. Ce sont nos spiritualités, nos guérisseurs, nos féticheurs, nos forgerons, notre médecine traditionnelle ; c’est cela qui fait réellement la beauté africaine. Voir les voies et moyens de les moderniser, qu’on le veuille ou pas, l’animisme, et certaines pratiques que les impérialistes arabes et européens ont qualifié de maléfiques, c’est cela qui nous définit et qui nous appartient et qu’on doit défendre pour grandir et montrer notre différence », conclut-il.
Par Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)