« Monsieur Mohamed Ould El – Ghazouani, Président de la République Islamique de Mauritanie, Président en exercice du G5 Sahel,
Monsieur le Président du groupe de la Banque mondiale,
Madame la Directrice Générale du FMI,
Distingués invités,
Mesdames et messieurs,
Permettez-moi de féliciter le Président du groupe de la Banque mondiale et la Directrice Générale du FMI pour cette initiative d’organiser cette réunion de haut niveau sur « les défis économiques issus de la crise sécuritaire dans la région du Sahel ». Cette initiative témoigne à n’en point douter de l’intérêt particulier que portent les institutions de Breton Woods aux questions de paix et de développement au Sahel, actuellement confronté à plusieurs défis : sécuritaire, démographique, climatique, migratoire, pauvreté auxquels s’ajoute la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19.
Nous savons désormais qu’il existe une liaison étroite entre sécurité et développement. Non seulement à cause des effets d’éviction des dépenses de sécurité, mais aussi parce que les actions de développement sont impossibles dans un contexte de sécurité dégradée. Le cas du Niger le prouve.
Au Niger cette situation sécuritaire a entraîné le déplacement des populations le long des frontières, l’afflux des réfugiés et la prolifération de trafics illicites. Cela a amené le pays à engager d’importants moyens militaires pour face aux groupes armés transfrontaliers et sécuriser les frontières. Cet engagement militaire exerce depuis plusieurs années des pressions importantes sur le budget de l’Etat, au détriment des priorités sociales et celles du développement, à travers notamment une hausse des dépenses de sécurité et des manques à gagner importants en ressources intérieures.
Dans un tel contexte, la présente rencontre, quoiqu’en partie virtuelle, organisée en marge des assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale, nous offre l’occasion d’échanger, en associant le plus grand nombre d’acteurs et de parties prenantes, au plus haut niveau, sur les réponses à ces défis auxquels fait face le Sahel. Je voudrais en particulier évoquer trois points :
(i) l’évaluation des besoins de dépenses pour la sécurité et les capacités institutionnelles connexes;
(II) la création d’espace budgétaire et l’amélioration de la qualité des dépenses pour préserver la stabilité macroéconomique ainsi que l’espace pour les dépenses essentielles de développement; et
(iii) la manière dont les pays du Sahel, les institutions financières internationales et les donateurs peuvent renforcer la coopération sur les aspects fiscaux et institutionnels du secteur de la sécurité.
Mesdames Messieurs,
Les besoins de dépenses pour la sécurité et les capacités institutionnelles connexes découlent de l’ampleur des menaces sécuritaires qui pèsent sur les pays du sahel en général et en particulier ceux membres du G5 Sahel. Depuis plusieurs années des pressions importantes s’exercent sur le budget de l’Etat, au détriment des priorités du développement économique et social.
A titre indicatif, au Niger, les allocations budgétaires du secteur de la sécurité ont représenté en moyenne 16% des allocations budgétaires totales entre 2011 et 2020 pour une cible de 10%. En moyenne, sur les six dernières années (2014-2019), les dépenses de sécurité ont constitué 4,3% du PIB par an. Sur la période 2011-2019, le déficit budgétaire global, dons compris, est passé de 2,1% du PIB en 2011 à 5,8% du PIB en 2020, pour une norme communautaire de 3%. Les tendances sont probablement de même nature au Mali, au Burkina Faso et au Tchad.
Mesdames Messieurs,
Malgré ce contexte difficile, les pays du sahel n’ont pas perdu de vue la nécessité de la création d’espace budgétaire et de l’amélioration de la qualité des dépenses pour préserver la stabilité macroéconomique et assurer les dépenses essentielles de développement.
L’importance des ressources engagées pour la sécurité a amené le gouvernement Nigérien à engager un audit des dépenses effectuées dans ce secteur en vue de renforcer leur contrôle à priori et à postériori. Ces réformes concernent également d’autres secteurs avec l’accompagnement de plusieurs partenaires techniques et financiers. C’est le lieu, ici, de rappeler l’appel lancé à Bruxelles par les Chefs d’Etats aux Institutions financières internationales à l’occasion de la conférence sur le financement du G5 Sahel tenue le 23 février 2018. Conformément à cet appel nous souhaitons que les dépenses sécuritaires soient exclues du calcul du déficit budgétaire, ce qui permettra aux Etats membres du G5 Sahel de disposer d’un espace budgétaire suffisant.
Mesdames Messieurs,
La coopération entre les pays du Sahel, les institutions financières internationales et les donateurs doit s’inscrire dans le cadre de la mutualisation des moyens pour mettre en œuvre la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel (SINUS) et la stratégie pour le Développement pour le Sahel (SDS). En effet, la sécurité au Sahel est un bien public mondial pour lequel la communauté financière internationale devra s’investir.
La Vision des pays du G5 Sahel à travers la SDS, est de faire de cette zone un espace économiquement intégré, socialement prospère, culturellement riche, où la sécurité et la paix règnent durablement, en se fondant sur l’Etat de droit, la bonne gouvernance et la démocratie. Dans l’immédiat la préoccupation centrale des Etats du sahel est de trouver les voies et moyens pour accélérer le processus de mobilisation des ressources nécessaires au financement du Programme d’Investissements Prioritaires (PIP) 2019-2021 d’un montant de 1,9 milliard d’euros pour 40 projets prioritaires.
Ces projets concernent les domaines de la défense et sécurité, de la gouvernance, des infrastructures, du développement humain et de la résilience qui sont les axes stratégiques de la SDS. Il est donc impératif de renforcer la mobilisation des ressources de l’IDA 19 afin de boucler la 3eme année du cycle IDA et de disposer des ressources indispensables au financement du développement durable.
Cela est d’autant plus impératif que le choc de la situation sanitaire de la Covid-19 vient s’ajouter au choc sécuritaire ainsi qu’aux autres chocs. Le choc nous a amené à baisser nos prévisions de croissance en 2020 de 6,7% à 1,7%. Le choc de la pandémie a amené beaucoup de communautés économiques comme l’UE, la CEDEAO, l’UEMOA à suspendre leur pacte de convergence. Cette grave crise doit amener le FMI et la Banque Mondiale à réfléchir sur un nouveau consensus, sur un nouveau paradigme.
Le consensus actuel, celui de Washington est né au lendemain des chocs pétroliers en 1973 et 1979. Il a remplacé celui issu des deux guerres mondiales et de la crise de 1929. Il est aujourd’hui épuisé. Le nouveau paradigme doit nous permettre de lutter plus efficacement contre la pauvreté et les inégalités en renforçant la solidarité, la justice, égalité et l’équité dans le contexte d’un monde de plus en plus globalisé.
Nous voulons un monde sans pauvreté. C’est d’ailleurs la devise de la Banque Mondiale. Cela permettra d’accompagner davantage les efforts déployés par les Etats sahéliens pour la prise en charge des dépenses de sécurité au moyen d’une assistance conséquente, à la fois financière et technique.
Je vous remercie de votre aimable attention. ».
ONEP