Ces dernières années, malgré leurs maigres ressources, les parents se battent pour économiser une certaine somme d’argent en vue d’assurer à leurs enfants une éducation de qualité, en les inscrivant dans des écoles qu’ils jugent être les meilleures. Ce qui explique certainement cette prolifération des structures scolaires privées qui poussent comme des champignons dans presque tous les quartiers et coins de la capitale Niamey. Aussi, depuis que l’Etat a libéralisé les frais de scolarité dans les établissements privés, les fondateurs fixent les frais de scolarité à leur guise.
Selon M. Amadou Djibo Dandakoye, président de l’Union Nationale pour l’Enseignement Général Privé (UNEGP) et fondateur du complexe privé Famèye, le fonctionnement des écoles privées est régi par l’Ordonnance N° 96-035PCSN/MEN du 19 juin 1996 et son décret d’application N° 96-210 PCSN/MEN qui règlemente l’enseignement privé au Niger. Pour faire fonctionner une école privée, il faut d’abord obtenir une autorisation de création, et aussi constituer un dossier d’ouverture qui est composé d’un certain nombre de pièces, a-t-il ajouté.
Il y a également un décret qui détermine les normes environnementales notamment le respect de la superficie ; la construction des classes en matériaux définitifs qui respectent les normes. En plus des classes, il faut une bibliothèque et un laboratoire. Et nous sommes dans un système libéral où c’est la recherche du profit. Le Niger a aussi ratifié des conventions de droit de l’homme et des enfants ; ce qui donne aujourd’hui le plein droit aux parents d’élèves d’inscrire leurs enfants dans les établissements de leur choix, tout en tenant compte du droit de l’enfant, a indiqué le président de l’Union Nationale pour l’Enseignement Général Privé (UNEGP). Les parents sont libres d’inscrire leurs enfants non seulement là où ils veulent mais aussi là où ils peuvent, a-t-il précisé.
«Aujourd’hui , n’importe qui crée une école privée n’importe où et n’importe comment»
Aujourd’hui, la compétition des familles et des Etats, c’est l’éducation : chaque parent veut que son enfant aille dans la meilleure école pour devenir le meilleur citoyen responsable possible. Malheureusement, ce sont les textes de 1996 qui réglementent encore le secteur de l’Enseignement Privé. Il y a donc un anachronisme qui fait que le contexte actuel échappe juridiquement aux textes de 2019. Ce qui fait qu’aujourd’hui, n’importe qui crée une école privée, n’importe où et n’importe comment ; c’est une pagaille indescriptible, déplore M. Amadou Djibo Dandakoye. Quand les autorités en charge de l’Education ont constaté cette anarchie, elles ont pris la décision de fermer toutes les écoles dont les fondateurs ne respectent pas les normes environnementales. Une décision accueillie à bras ouverts par l’Association des Fondateurs des Ecoles Privées, parce-qu’ une villa n’est pas faite pour de classe des enfants, a-t-il expliqué. « Il y a certes des gens qui veulent faire de l’école un fonds de commerce ; l’école n’est pas un objet marchand, le secteur éducatif est un secteur que les gens doivent voir à la loupe parce que tant que ces enfants sont ratés, ils deviennent des délinquants car les vrais pédagogues disent ‘’qu’à l’école, il n’y a pas d’échec’’ ». Effectivement, il n’y a pas d’échec si toutes les conditions sont réunies pour l’apprentissage de l’enfant », reconnait le fondateur du complexe privé Famèye. « Mais, nous constatons aujourd’hui que les normes environnementales et la qualification des enseignants ne sont pas respectées, dans certains établissements privés alors que nous savons tous que le psychique de l’enfant a besoin d’un minimum de conditions pour que les enfants réussissent », déplore M. Amadou Djibo Dandakoye.
« Il faut reconnaitre que bon nombre de fondateurs font de leur mieux car ils s’investissent beaucoup en vue de se conformer aux textes qui régissent l’Enseignement Privé au Niger. Certains prennent des crédits bancaires afin de mettre les enfants dans des conditions. Comparer aux autres pays voisins, les écoles privées ne sont pas chères au Niger ; surtout que même parmi les écoles, il y a des écoles » affirme M. Amadou Djibo Dandakoye. D’après lui, « on ne s’enrichit pas dans l’école, les charges sont énormes : entretenir les écoles, les classes, les toilettes, recruter de bons enseignants, construire le laboratoire, la bibliothèque, prendre en charge eau et électricité, etc. A tout cela vient s’ajouter l’impôt dû à l’Etat nous impose, exprime avec désolation le président de l’UNEGP.
Suspension de la subvention
Dans un pays où les parents sont extrêmement pauvres et n’arrivent pas à assurer le quotidien, l’Etat suspend non seulement la subvention mais aussi impose aux fondateurs qui arrivent juste à se débrouiller avec les cotisations des parents d’élèves les frais exorbitants d’impôt, regrette M. Amadou Djibo Dandakoye. Dans certains pays voisins, explique-t-il, c’est des milliards qu’on vote pour subventionner les écoles privées. « Nous, nous sommes laissés à notre triste sort pour fonctionner seulement avec la cotisation des parents d’élèves, sans compter des cas sociaux qu’on gère tous les matins ; par exemple, certains enfants très intelligents des militaires qui sont dans des petites classes et qui perdent leurs pères sur le champ d’honneur et dont les veuves n’arrivent pas à honorer les engagements, nous sommes parfois obligés de privilégier le côté social en acceptant de les laisser poursuivre leurs études parfois gratuitement.
S’agissant de la cherté des frais de scolarité, le président de l’Union Nationale pour l’Enseignement Général Privé (UNEGP) estime que les gens leur font un faux procès tout en reconnaissant tout de même qu’il y a beaucoup de leurs collègues qui font de l’escroquerie en créant des écoles pour se faire de l’argent. Ces derniers temps, l’Etat n’accorde plus une subvention financière aux écoles privées ; souvent, il propose des enseignants en compensation ; mais certaines écoles déclinent l’offre parce qu’ils estiment que certains enseignants ne peuvent pas donner un produit de qualité. Or, la catastrophe qu’il y a aujourd’hui dans les écoles publiques, c’est le manque d’enseignants de qualité, on ne peut pas demander à quelqu’un qui ne sait pas conjuguer l’imparfait d’aller enseigner le subjonctif, a affirmé le fondateur du complexe privé Famèye.
Pour mettre de l’ordre au niveau de l’Enseignement Privé, l’Etat doit réviser les textes réglementant ce secteur afin de le professionnaliser et penser à subventionner l’enseignement privé. Les parents d’élève doivent comprendre les fondateurs, venir à leur rencontre, discuter pour comprendre que ces derniers fournissent énormément d’efforts pour la formation de leurs enfants, propose M. Amadou Djibo Dandakoye.
Aïchatou Hamma Wakasso(onep)