L’appel des Oulémas et des évêques du Niger a eu des résonances chez Bébé Walada dite Tantie Justine : elle vient de composer une chanson pour «la paix au Niger». Installée au Niger depuis 2007, cette Togolaise née le 27 avril 1978 à Akaba Anié s’était révélée avec deux précédents albums CD : «Lonlon» ou «Amour» pressé en 2015 à Accra au Ghana en 700 exemplaires et «Cameli» ou «le temps de Dieu» sorti par la même filière en 2018-2019.
Auteur, compositeur et interprète de ses œuvres chantées en Kabyé, Français et Mina, Bébé Walada est aussi, jusqu’ici, sa propre productrice. Et pour cause : «beaucoup de producteurs que j’avais approchés voulaient des rapports avec moi avant toute chose», regrette-elle. C’est pourquoi, en cette année de grâce 2021, elle sollicite l’appui du ministère en charge de la Culture du Niger pour son album «la paix au Niger» qu’elle va décliner en Zarma et Français ; la production pourrait être précédée ou accompagnée d’une tournée nationale en solo ou en compagnie d’artistes nigériens de renom.
Mais, qui est donc Bébé Walada ? Si on vous dit qu’elle chante sur des airs Gospel, on vous aura mis dans la bonne direction pour la situer. Bébé avoue tout de go : «J’ai trop souffert». En effet, la vie n’a pas été tendre avec elle. Tombée enceinte en classe de sixième au collège, elle perd son père, joueur de flûte et de tambour, en 1986 et sa mère, qui s’adonnait à l’élevage de cochons et de volaille, le suit dans la tombe en 2005.
Dès lors, Bébé va multiplier les expériences pour survivre. Après un mariage raté, Bébé Walada arrive au Niger et s’exerce dans divers domaines : elle s’occupe de machines à sous, devient aide menuisière à Niamey après avoir exercé dans son Togo natal comme laveuse de voitures, gardienne, vendeuse de bois dans le train allant de Blitta à Lomé.
Mais, deux atouts vont lui permettre de sortir de la misère crasse. D’abord, Bébé apprend à préparer les recettes culinaires … arabes. Et se spécialiser dans la préparation de la sauce «gombo» qu’elle décline en trois recettes surtout que, dit-elle, le gombo a des vertus insoupçonnées. Ainsi, elle se taille une bonne réputation dans divers restos où elle sert avant d’ouvrir le sien propre non loin du premier échangeur de Niamey. «Il me faut juste les commandes des entreprises et autres services de l’Etat pour transformer l’essai», implore Bébé Walada.
Ensuite, en tant qu’ancienne de la chorale de son collège au Togo, Bébé se souvient qu’elle a une belle voix : elle s’était mise alors à composer et interpréter des chants Gospel qui ont rencontré un succès d’estime dans certains «maquis» de Niamey. Aussi, avec ses économies, elle se rend en 2015 à Accra au Ghana pour y faire presser son premier album vendu au Ghana même mais aussi au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Niger et au Togo. Elle l’a produit sur fonds propres pour un montant de 1.150.000 FCFA environ. Rebelote en 2018-2019 donc avec un deuxième album financé grâce aux bénéfices rapportés par «Lonlon». Si «Cameli» ou «le temps de Dieu» a coûté 1.350.000 FCFA à Bébé mais n’a pas encore été lancé sur le marché, l’artiste veut que le troisième album en gestation («la paix au Niger») soit un DVD avec un clip tourné à Niamey même. En reconnaissance au pays qui lui a offert le couvert et le gîte, sans tambour ni trompette.
Quand on voit ce charmant bout de femme d’un noir de jais dépenser autant d’énergie pour se réaliser, on a envie de l’aider à s’accomplir et à lui donner une deuxième chance dans la vie.
Elhadj Sani Soulé Manzo(onep)