La botanique est une étude scientifique des végétaux. Elle comprend la science visant à la description, au classement et à l’identification d’espèces végétales, mais aussi la partie relative à l’anatomie et à la physiologie végétale. Elle a une grande importance dans la climatologie, avec l’étude des impacts sur l’environnement, sur le choix d’exploitation des cultures et de la forêt. Cette étude peut dans le futur être une clef pour résoudre le problème de production de nourriture en quantité et en qualité suffisante pour les habitants.
Dans de nombreux pays, il existe des jardins botaniques mais pas au Niger. Manque d’intérêt ou méconnaissance de son importance ? « Au Niger, nous n’avons pas de jardin botanique ni d’herbier national », dit avec désolation et amertume M. Arzika Tanimoune, technicien au laboratoire de biologie et encadreur en matière d’espèces végétales à la Faculté des Sciences et Techniques (FAST) de l’Université Abdou Moumouni (UAM) de Niamey.
Avec plus de vingt (20) ans d’expérience dans la botanique, Arzika Tanimoune est passionné de cette science et très investi dans le domaine, avec un amour exceptionnel pour les plantes. « La botanique c’est une passion pour moi, être en contact avec la nature, partager mon savoir avec les jeunes apprenants, c’est ma vocation », a-t-il fait savoir.
Arzika Tanimoune a installé en 1986 à la faculté des sciences techniques de l’UAM, un jardin botanique où il a planté plusieurs espèces dont notamment celles en voie de disparition. « Le jardin que vous avez visité date de 1986. C’est en cette année que j’ai commencé à planter dedans. C’était des espèces en voie de disparition qu’on cherchait. Ainsi on avait planté des espèces comme le Parkia Biglobosa connu sous le nom du néré (loutou en zarma et dorowa en haoussa), le prosopis africana (zantouri en zarma), le detarium microcarpum (fantou en zarma), caccia seberiana (sin-san en zarma), acacia sieberiana (souna en zarma) », a-t-il précisé. On apprend de lui qu’en 1987, d’autres plantes ont été ajoutées et les années qui ont suivi jusqu’à ce que ses efforts soient anéantis. M. Arzika a partagé avec nous une douloureuse expérience qui a complètement bouleversée sa vie et sa vision des choses. En effet il y a quelques années de cela, ils ont pris l’initiative de créer un jardin botanique non loin de la faculté des sciences techniques. Après s’être investi corps et âme pour planter une diversité d’espèces végétales en voie de disparition, un matin, tout a été détruit. « Ils ont tout détruit », répète-t-il à volonté. « Si on m’avait laissé l’espace là, aujourd’hui si on vous dit d’aller visiter, vous en serez fiers. Malheureusement ils ont tout démoli. Même le terrain situé sur la route de Torodi qu’on avait confié à la faculté aujourd’hui, est loti totalement », a-t-il dit avec amertume. « Tu produis, on détruit ! est ce que cela va t’encourager, te motiver ? », a-t-il lancé avec désolation.
« Avec ce qui s’est passé et le départ des collègues, je me sens isolé. C’est pour cela que je n’ai plus le courage de parler de botanique. Cette salle que vous voyez (parlant du laboratoire botanique de la FAST dans lequel nous l’avons trouvé), c’est cela notre herbier ici à la faculté des sciences. C’est un grand défaut pour nous par rapport à nos voisins », a-t-il martelé. Pour ce passionné en Botanique, ce n’est pas un herbier, c’est juste une salle destinée à la préservation de quelques échantillons car un herbier vaut au moins trois fois cette salle.
En effet, un herbier a-t-il expliqué, est constitué d’armoire où il y a différents échantillons d’espèces. Et on peut facilement se référer. Il constitue selon lui, un catalogue de la diversité des plantes sur terre. Il sert à leur identification et à la conservation de leur mémoire. C’est une collection d’échantillons de plantes séchées présentées sous forme de planche. « C’est une sorte de bibliothèque qui permet de différencier les plantes dans les moindres détails et de les comparer entre elles. Il représente donc une source importante d’informations sur la diversité végétale », a-t-il argumenté.
Se remémorant le passé, Arzika parle de ce qui se faisait avant dans l’apprentissage en botanique à l’Université Abdou Moumouni. « Avant, il était organisé chaque année, une sortie en brousse pour ne pas oublier certaines plantes, savoir où elles se trouvent. Ce qui permettait aux étudiants de mieux connaître les régions et les espèces s’y trouvant. On prenait des échantillons parce qu’un herbier, c’est un musée d’espèces herbacées et ligneuses. Il y a maintenant des espèces qui ont disparu mais avec ces échantillons, on peut facilement se référer », a-t-il souligné.
D’après ce spécialiste en botanique, les sorties organisées par le passé permettent de récolter beaucoup d’espèces. Pour la conservation, les échantillons trouvés sont placés entre des feuilles de papier absorbant, sous presse. On positionne les différentes parties de manière à faire ressortir les caractéristiques de la plante (les feuilles avec une face inférieure et supérieure visible par exemple). Mais, a-t-il nuancé, ces échantillons sont au préalable mis au séchage dans une étuve afin de les déshydrater et d’éliminer les insectes. Les plantes sont alors disposées et collées sur un papier bristol pour leur présentation définitive avec toutes les informations (le nom de la plante, l’année de récolte, le nom de l’agent qui l’a récoltée) et seront intégrées dans l’herbier. Les échantillons sont ainsi conservés très longtemps à l’abri de l’humidité et de la lumière. « Il y a même des échantillons d’espèces qui ont mon âge », a-t-il assuré !
Aujourd’hui a déploré M. Arzika, il n’y a pas de sortie sur le terrain et sans sortie, il n’y a pas de botanique. « Il y a beaucoup d’étudiants qui ne connaissent pas certaines espèces, ils entendent juste leurs noms. Et moi-même aujourd’hui, si on me demande où se trouve certaines espèces, je ne saurai répondre car il n’y a plus de sortie », s’est-il lamenté.
Les plantes sont de plus en plus menacées par les activités humaines. Beaucoup de forêts disparaissent sous les flammes ou par la destruction de l’homme. Or, les plantes jouent un rôle majeur pour le sol. Sans les plantes, il n’y aura pas de vie sur terre ; elles sont d’une grande importance dans la préservation de la nature. Il est plus qu’indispensable de disposer d’un jardin botanique national afin de préserver les espèces en voie de disparition et préserver ainsi la biodiversité végétale qui forme le maillage de vie dont nous dépendons pour tant de choses : nourriture, eau, médicaments, climat stable, croissance économique etc.
Rahila Tagou (ONEP)