
Depuis belle lurette, la jeunesse de Diffa attendait avec impatience une rare occasion pour se distraire. Voilà cinq longues années en effet qu’elle n’a plus droit à de véritables manifestations culturelles de grande portée à cause de la situation sécuritaire qui sévit dans la région. Cette crise sécuritaire imposée aux Nigériens par des terroristes a mis en veille, voire à l’agonie les activités culturelles et instauré une monotonie dans la vie des jeunes en les privant des moments de récréation et d’épanouissement pourtant si importants. La journée du samedi 14 mars 2020 a été une date mémorable pour ces milliers de jeunes de la capitale du Manga, puisqu’elle a rompu la monotonie qui engourdit cette jeunesse en mal d’évasion.
Et pour cause, c’est ce jour que le jeune artiste rappeur nigérien, bien aimé du public, Barakina a animé un concert à la maison des jeunes et de la culture (MJC) de Diffa. Ils étaient des centaines des jeunes filles et garçons, mélomanes de la ville de Diffa à prendre d’assaut cette enseigne pour assister au concert qu’organisait cet artiste de la musique moderne nigérienne dans le cadre de sa deuxième tournée nationale à l’occasion de la sortie de son second album de 18 titres. Les gradins de la MJC étaient bondés d’un public quasi hystérique occupant de temps en temps même le podium. Téléphones portables à la main pour des séquences de selfies avec leur star, ou pour des photos de groupe entre amis afin d’immortaliser ce moment de retrouvailles joyeuses plutôt rares dans cette ville. Une ville qui, depuis plusieurs années, n’accueille pratiquement plus des telles manifestations pour des raisons sécuritaires.
Avant de monter sur scène, certains artistes locaux se sont produits pour tenir en haleine le public qui remplissait progressivement l’estrade de la MJC en attendant la star du jour. C’est dans un style vestimentaire décontracté que Barakina monta sur scène avec un bonnet rouge bien posé à son dreadlocks, une paire de lunettes noir-miroir aux yeux, une écharpe verte au cou surmontant un pullover rayé et un pantalon noir. La tribune s’enflamme, des cris de joie accueillent l’artiste lorsqu’il surgit du couloir. A cet instant précis, un cordon humain a dû être formé pour maitriser la foule en liesse voulant envahir le podium, le tout sous l’œil vigilant de la police nationale veillant à la sécurité des lieux. Barakina est sur scène pour répéter quelques-uns des titres de son nouvel album, «Le Guide».
L’excitation monte crescendo, titre après titre, l’adrénaline monte d’un cran. L’ambiance atteint son paroxysme lorsque l’hôte de la jeunesse a décidé de produire de façon interactive avec son public. Il galvanise la foule en improvisant un karaoké et n’hésitant pas à s’engouffrer parmi les jeunes mélomanes pour esquisser quelques pas de danse avec eux. Il y passe plus d’une bonne heure d’horloge à se produire pour égayer le public, partager cette joie de vivre et lui apporter son soutien. En venant se produire à Diffa, l’artiste voulait apporter un double message, celui de la solidarité envers les jeunes de la région, dépourvus d’occasions d’épanouissement depuis plusieurs années mais aussi celui d’espoir car, la sécurité est en train d’être restaurée dans cette ville, estime-t-il. L’organisation réussie du concert est l’illustration de ce retour à la sérénité. L’engouement suscité et la mobilisation massive sont la preuve que, malgré l’insécurité, les jeunes diffalais n’ont pas renoncé à leur désir de vivre une vie épanouie à l’instar de ceux des autres régions du pays. Barakina leur apporte ainsi le réconfort et espère que désormais plus rien n’empêchera à cette jeunesse de Diffa de retrouver ce qu’elle a perdu durant ces dernières années : le droit à l’épanouissement.
Zabeirou Moussa Envoyé spécial Diffa