Peu après l’audience avec le Chef de l’Etat, les deux ministres français Mme Cathérine Colonna et M. Sébastien Lecornu ont conjointement animé une conférence de presse avec leurs homologues du Niger, le ministre d’Etat en charge des Affaires Etrangères et le ministre de la Défense Nationale. C’était l’occasion pour les deux parties d’expliquer à l’opinion nationale et internationale les contours du nouveau partenariat privilégié entre la France et le Niger en matière de lutte contre le terrorisme et le soutien au développement. À travers cet accord, les partenaires du Niger vont continuer à soutenir le pays afin de lui permettre de monter progressivement en puissance. Le but, c’est de faire en sorte que le Niger puisse se passer de cette assistance.
Ce sont les ministres nigériens et français en charge des Affaires Etrangères qui ont introduit la conférence de presse. Ainsi, le ministre d’Etat, ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération du Niger, M. Hassoumi Massoudou s’est réjoui d’avoir à ses côtés cette délégation française de très haut niveau de format inédit. La ministre française de l’Europe et des Affaires Etrangères et son homologue des Armées en même temps au Niger pour leur première sortie hors d’Europe. Selon M. Hassoumi Massoudou cela illustre la qualité des relations qui unissent la France au Niger. « Cela témoigne d’une grande amitié, mieux d’une grande complicité dans tous les domaines entre nos deux pays », a ajouté le ministre Hassoumi Massoudou.
Soulignant la place particulière qu’occupe la France au Niger en matière de coopération, le ministre en charge des Affaires Etrangères a dit que « la France n’a pas cessé d’être le partenaire qui est toujours à nos côtés à chaque fois que nous avons eu besoin d’elle ». Aujourd’hui, « c’est le partenaire bilatéral le plus important que nous avons tant en volume du portefeuille de l’aide publique française que de son engagement au plan sécuritaire, dans notre lutte contre le terrorisme, son engagement militaire ; des fils de la France sont tombés dans notre Espace pour notre sécurité, pour la quiétude de notre population », a-t-il déclaré. Aussi il a salué la mémoire des soldats français tombés dans cette lutte contre le terrorisme.
Le ministre en charge des Affaires Etrangères du Niger a dit que les deux pays sont en discussions au niveau de leurs deux Ministères de Défense pour voir la ré-articulation des forces françaises et européennes qui se trouvaient au Mali. « Nous discutons aussi car ces dernières
années, nous avons eu pratiquement un bon dans l’engagement de l’AFD, son portefeuille comprend plus 20 Projets et s’élève à plus de 260 milliards de FCA, ce qui fait un engagement sans précédent. Nous avons donc passé en revue notre coopération en développement », a expliqué le ministre Massoudou.
Evoquant le lien entre sécurité et développement, le ministre d’Etat, ministre nigérien en charge de la Coopération a souligné l’engagement des deux pays d’œuvrer ensemble dans ces domaines inséparables. « Nous nous battons à la fois pour la sécurité des populations et le développement car si nous ne gagnons pas la guerre du développement, nous perdrons à terme la guerre contre le terrorisme », a affirmé M. Hassoumi Massoudou.
Au plan international, il a exprimé la solidarité et le soutien du Niger au peuple de l’Ukraine en condamnant l’agression Russe, tout en rappelant que des petits pays comme le nôtre n’existent que par le droit international qui est aujourd’hui menacé.
« Nous souhaitons développer un partenariat global », a déclaré Mme Cathérine Colonna
Situant de son côté le contexte de leur déplacement sur le Niger, la ministre
française de l’Europe et des Affaires Etrangères, Mme Cathérine Colonna a indiqué que cette visite intervient à un moment où les relations traditionnelles d’amitié et de coopération entre les deux pays sont dans une période charnière mais qu’il faut poursuivre et renforcer en ce moment important de l’évolution de la sous-région et du monde. « Nous souhaitons développer un partenariat global », a-t-elle déclaré.
Elle a par la suite présenté ses condoléances aux familles des victimes des attaques terroristes qui ont endeuillé la Nation Nigérienne ces dernières années. « Nous sommes à vos côtés mais je voulais aussi dire notre sympathie puis rendre un hommage particulier aux six jeunes humanitaires français et leurs accompagnateurs nigériens qui ont perdu la vie à Kouré, il y a deux ans », a-t-elle dit. « Nous sommes là à la demande du Président Macron pour exprimer l’engagement de la France aux cotés des autorités Nigériennes de façon à mieux répondre le mieux possible aux besoins que vous nous exprimez en matière d’aide au développement, sécurité, lutte contre le terrorisme mais aussi d’aider le Niger à lutter contre l’insécurité alimentaire », a-t-elle assuré.
Rappelant les propos du Président Bazoum, la ministre française en charge de la Coopération, a dit que l’aspiration première des populations était de vivre en sécurité, ce qui conditionne tous les restes. « La lutte contre le terrorisme est indispensable tout comme le développement pour offrir aux jeunes générations des perspectives qu’elles attendent légitimement en matière d’éducation, de santé et d’emploi », a ajouté Mme Cathérine Colonna.
Par ailleurs, la ministre française des Affaires Etrangères a salué la position du Niger relative au conflit en Europe. « Une position conforme à nos principes de la vie internationale qui fonde une communauté d’existence, conforme à la charte de l’ONU. Le Niger est aussi exposé aux conséquences de ce conflit auquel s’ajoutent les effets d’insécurité et du changement climatiques », a soutenu Mme Cathérine Colonna. « C’est l’une des raisons pour laquelle nous voulons que la France se tienne aux côtés du Niger pour répondre à l’urgence alimentaire », a-t-elle expliqué.
Selon la ministre française de l’Europe et des Affaires Etrangères, le Président Macron a pris la décision de porter une aide budgétaire pour Niger à un niveau plus élevé que ce qui avait été précédemment décidé à 20 millions d’euros cette année. « Une augmentation d’un tiers de notre enveloppe globale cette année, au sein de laquelle huit 8 millions d’euros seront particulièrement consacrés à la crise alimentaire de façon à vous permettre à reconstituer votre stock alimentaire », a-t-elle précisé.
« Nous avons également augmenté notre aide humanitaire dans le domaine alimentaire pour la porter à huit millions d’euros. Nous devons néanmoins continuer à soutenir le Niger dans la durée, c’est à dire au-delà de ces aides d’urgence en appuis aux stratégies du développement du gouvernement Nigérien », a confié Mme Catherine Colonna. « Nous avons signé deux conventions dont celle relative à la sécurité alimentaire et celle au renforcement du réseau électrique 50 millions d’Euros. Nous soutenons la politique ambitieuse d’électrification du pays », a-t-elle rappelé.
La ministre française des Affaires Etrangères a aussi évoqué le déplacement de leur délégation à Ouallam pour visiter un projet largement financé par la France dans le cadre de la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. « Ce qui offrira aussi des perspectives économiques à la population notamment aux jeunes et femmes », a-t-elle souligné.
S’agissant du Projet de la grande muraille verte, Mme Catherine Colonna a dit qu’il a eu un coup d’accélérateur avec des financements, tout en exhortant le Niger à saisir l’occasion en proposant des projets précis qui peuvent susciter l’intérêt de la grande muraille verte. « Nous avons parlé du sujet à Glasgow, c’est l’occasion d’en parler aussi à la Cop 27 à Charm el-Cheikh en Egypte », a-t-elle annoncé.
Pour sa part, le ministre nigérien de la Défense Nationale, M. Alkassoum Indattou a évoqué la dégradation de la situation sécuritaire au niveau de la sous-région. Ce qui amène à repenser la politique dans le but de prendre cette situation en charge. Selon lui, au-delà du Mali, du Burkina-Faso et le Bénin, il est à craindre que cette crise ne touche les pays du Golfe de Guinée. « Malgré les progrès enregistrés, nous avons estimé nécessaire de continuer cette coopération pour que la France puisse continuer à aider notre pays », a-t-il indiqué.
S’agissant du redéploiement de Barkhane vers le Niger, le ministre Alkassoum a dit que le Niger a accepté qu’une grande partie de cette force soit redéployée au Niger « pour nous permettre de faire face à cette situation tout en réfléchissant sur la situation au sud du Mali, donc le nord de Tillabéri et au niveau de notre frontière avec le Burkina Faso ». Il a ajouté que les différents états-majors vont échanger pour aller un peu plus loin pour que cette coopération soit fructueuse pour les deux parties.
Quant au ministre français des Armées, M. Sébastien Lecornu, il a dit qu’il y a une volonté politique, diplomatique et militaire de poursuivre un partenariat de haute qualité entre le Niger et la France. « Sur cet angle de sécurité, nous avons acté cette volonté de continuer conformément au mandat que le Président de la République nous a donnés. Nous devons réfléchir à un agenda rénové de sécurité entre nos deux pays et cela à travers des réflexions stratégiques importantes et surtout efficaces contre le terrorisme notamment le renseignement, le renforcement de capacité, des réflexions opérationnelles, des moyens aériens et de faire des propositions aux deux Présidents pour voir quelle stratégie donner à nos forces pour lutter contre le terrorisme », a-t-il expliqué.
Relativement à la désinformation, M. Sébastien Lecornu a souligné la nécessité de mener aussi la lutte contre ce phénomène, aux menaces qui sont tout aussi importantes, qui peuvent exposer les concitoyens à des dangers à court et moyen termes. « Ce sont des chantiers de coopération qui sont très importants pour nous. Quelque chose a été fait mais nous pouvons aller plus en avant », a-t-il ajouté
M. Sébastien Lecornu a aussi salué le progrès politico, diplomatique-militaire de Takouba. « Il nous appartient d’inventer quelque chose qui colle à ce nouveau risque. Il y a une volonté qui converge et dans le diagnostic, dans la manière de travailler et dans la manière de créer cet agenda diplomatique dans le respect de la souveraineté. Cet agenda n’a pas seulement un visage milliaire mais global de développement à travers l’accès à un certain nombre de services publics », a-t-il précisé.
Des éclaircissements sur quelques zones d’ombres
A l’issue de ces propos préliminaires, les journalistes ont posé des questions aux deux délégations pour savoir un peu plus sur cette nouvelle approche entre la France et le Niger. Il s’agissait entre autres de savoir un peu plus sur cette nouvelle stratégie de coopération qui lie les deux partenaires, du retrait du Mali du G5 Sahel et ses conséquences et du format que la force française va prendre.
Au sujet de cette nouvelle approche, le ministre français des Armées, M. Sébastien
Lecornu a répondu en ces termes : « Si l’on prend les lunettes d’hier pour regarder des menaces de demain inévitablement la réponse sera décevante et en deçà de ce qui est attendu », a-t-il prévenu. Selon lui, ce15 Juillet est le point de départ, d’un travail technique qui sera mené entre les deux armées, ce qui permettra aux deux Chefs d’Etat « d’avoir un agenda qui se décline à l’automne pour avoir d’ici la fin de l’année des perspectives claires », a-t-il expliqué.
S’agissant de l’inquiétude émise par un confrère à propos du devenir du G5 Sahel après le retrait du Mali, le ministre Hassoumi Massoudou a répondu en rappelant que le G5 Sahel est sur le plan théorique un cadre pertinent pour mener des actions communes aussi bien sur le plan de sécurité que le plan du développement. « Malheureusement dans son agenda sécuritaire, il était concentré sur le pays par lequel le terrorisme s’est développé et exporté », a-t-il indiqué. « Depuis sa création, ses organes n’ont pas fonctionné. Il n’y a pas eu d’opérations communes entre le Burkina et le Mali encore moins entre le Niger et le Mali car il n’y a pas de continuité territoriale entre les pays », a fait savoir le ministre Hassoumi Massoudou. « Contrairement à la vision de sa création, le G5 Sahel n’a jamais eu d’existence matérielle et le départ des forces françaises du Mali n’a pas changé cette réalité », a-t-il ajouté.
Toutefois, le ministre Hassoumi Massoudou a espéré qu’un jour, « lorsque le Mali aura des autorités démocratiquement élues qui normaliseront les relations de ce pays avec ses voisins, nous pourrions redonner vie à cette organisation, et la reconstruire sur des bases beaucoup plus assainies », a-t-il souhaité. Par ailleurs, le ministre Hassoumi Massoudou a souligné que ce cadre est aussi conçu pour mutualiser les efforts des partenaires en matière d’aide aux populations du Sahel. « Etant donné que ces populations existent et la réalité est commune dans cet espace, les partenaires qui soutiennent cette cause peuvent continuer à apporter leur soutien en déclinant cette aide par pays », a-t-il proposé.
S’agissant du format que la force française va prendre au Niger, le ministre français des Armées, M. Sébastien Lecornu, a indiqué que la France est aux côtés du Niger pour répondre, le mieux possible, aux besoins que le pays lui exprime. Citant le Président Bazoum, il a dit que la France n’est pas obligée de faire tout ce sacrifice, avant d’ajouter que son pays est heureux de le faire, car on ne saurait parler de fraternité entre nos pays s’il n’y a pas le règlement de ces situations de sécurité.
Appuyant les propos de son homologue français, le ministre nigérien de la défense nationale, M. Alkassou Indattou, a rappelé que l’appui de Barkhane à notre armée a permis à nos soldats de bloquer la progression des terroristes le long de notre frontière avec le Mali pour qu’ils ne puissent pas venir au Niger de manière continuelle. « Il y a eu aussi d’autres opérations qui ont été effectuées avec l’appui de Barkhane notamment en ce qui concerne la surveillance », a-t-il reconnu. M. Alkassoum Indattou a noté que la force Barkhane a neutralisé plus 300 chefs djihadistes entre le Mali et le Niger. « Si Barkhane se retire du Mali, c’est pour qu’elle puisse s’installer le long de notre frontière avec le Mali dans le cadre d’un partenariat opérationnel avec l’armée nigérienne pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale du Niger. L’objectif, c’est permettre à notre armée de s’équiper et de continuer à monter en puissance pour qu’à terme elle arrive à jouer pleinement son rôle, c’est-à-dire à atteindre un niveau qui lui permettra, un jour, de se passer de ce soutien », a-t-il expliqué.
Par ailleurs, le ministre de la défense nationale a rappelé les différents théâtres d’opérations que compte le Niger qui sont actuellement au nombre de cinq à savoir le nord Tillabéri, la frontière Burkina-Faso, le Bassin du lac Tchad, le Sud avec la frontière avec le Nigéria et le Nord avec la frontière avec la Libye. « Pour atteindre cet objectif, celui de la sécurisation de notre pays et de ses voies d’accès, 17% de notre budget est alloué à la défense », a-t-il conclu.
Mamane Abdoulaye(onep)