M. le Directeur, le Niger compte aujourd’hui beaucoup d’écoles de santé publique, quels mécanismes encadrent le fonctionnement de ces écoles ?
Effectivement depuis 2002 le foisonnement des écoles et instituts de formation en santé est devenu une réalité qui ne cesse de croitre au Niger. En réalité il faut distinguer deux (2) blocs : l’un qui regroupe les établissements publics et l’autre les établissements privés. En terme de fonctionnement chaque établissement dispose d’un mécanisme interne qui lui est propre et qui concoure à l’atteinte d’un objectif, sous le contrôle bien sûr de certains Ministères, notamment de la Santé Publique (MSP), de l’Enseignement Secondaire et des Enseignements Supérieurs ,de la Recherche et de l’Innovation afin de mener à bien leur mission de formation initiale et continue, de spécialisation et de recherche. Seuls les établissements du secteur public, gérés par un Président du Conseil d’Administration (PCA) et un Directeur Général (DG) nommés par Décret pris en conseil des ministres, ont pour unique tutelle le Ministère de la Santé Publique.
Chaque école doit disposer d’un curriculum adapté et spécifiquement conçu pour une formation qu’elle offre. Par exemple, pour le Centre d’excellence régional de l’Etat, l’Ecole Nationale de Santé Publique Damouré Zika de Niamey, la mise en œuvre des curricula est en parfaite cohérence avec la Politique Sanitaire Nationale, le Plan de Développement des Ressources Humaines du Ministère de la Santé Publique et les directives de l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS). Pour se financer, les écoles et instituts de santé utilisent leurs fonds propres générés par les frais de formation payés par les élèves et les étudiants. Ils se financent aussi grâce à l’appui de certains partenaires et, pour le secteur public, a la subvention de l’Etat.
Avant la libéralisation du secteur, la formation en santé se déroulait exclusivement dans les ENSP de Niamey et de Zinder jusqu’en 2002 et exclusivement à la Faculté des Sciences de la Santé de l’UAM dans une certaine mesure. Cette libéralisation a permis de mettre sur le marché une grande quantité de ressources humaines en santé. Comme vous le savez le secteur de la santé dans nos pays fait face à plusieurs défis dirigés essentiellement vers la lutte contre la maladie et la réduction de la mortalité maternelle et néo natale. En terme d’opportunités les écoles et instituts de santé restent à promouvoir afin qu’ils puissent doter notre système de santé d’un personnel motivé, disponible, compétent en nombre et en qualité en même capable de servir efficacement à tous les niveaux de la Pyramide sanitaire afin de relever les défis.
Une réévaluation des curricula enseignés dans les écoles de santé publique s’impose-t-elle au Niger ?
Plusieurs rencontres professionnelles font effectivement cas d’une révision des curricula au niveau des écoles et instituts de formation pour tenir compte de nos besoins réels en santé publique au Niger. Avec le recul, l’une des principales réformes initiées par le Ministère en charge de la santé publique remonte à 2008 avec le nouveau programme harmonisé portant sur la formation des Agents de Santé de Base, une création a l’époque, accessible à partir du BEPC, et pour le niveau supérieur, des Infirmiers Diplômés d’Etat (IDE), Sage Femmes Diplômées d’Etat (SFDE), Laborantins Diplômés d’Etat (LDE) et Techniciens de Développement Social Diplômé d’Etat (TDSDE), accessibles après l’obtention du baccalauréat. De mon point de vue, la réévaluation de ces curricula sous-entend l’implication à grande échelle de tous les acteurs de la formation en santé, tels que les décideurs, les communautés bénéficiaires, les diplômés, les parents d’élèves, les étudiants, les partenaires, les institutions de soins, les écoles et instituts de formation, la FSS, les collectivités, etc. Une telle consultation jettera les bases d’une nouvelle conception du secteur avec comme objectif, de favoriser une formation qualitative des ressources humaines en santé publique.
C’est dans cette perspective que l’OOAS a initié à partir de 2007 au sein de ces pays membres francophones, en ce qui concerne la formation initiale, un processus d’élaboration de curricula harmonisé dont la mise en œuvre est intervenue à partir de 2012 et qui porte sur la formation des IDE, SFDE et LBM selon le système LMD.
Il convient également de noter que, toujours dans la même logique, le ministère de la santé publique est à pied d’œuvre quant à l’accompagnement régulier des écoles et instituts de formation en santé car. il a une obligation d’un droit de regard. Cependant, il est temps de réévaluer la mise en œuvre des programmes par l’organisation d’un grand forum qui regrouperait l’ensemble des acteurs afin de redéfinir les grands axes de la formation en santé dans notre pays.
Le comportement peu orthodoxe de certains agents de santé en fonction, surtout en matière de relation contact avec les patients, est-il lié à l’appauvrissement des contenus enseignés dans les écoles, comme le pensent les plus anciens du métier ?
Ne perdez pas de vue que plusieurs facteurs, intrinsèques ou extrinsèques, rentrent en jeux dans ce cas précis. Notre prototype de modelage de comportement est basé sur l’assimilation des compétences. L’apprenant est suivi jusqu’à la maîtrise parfaite de compétences comme le savoir, le savoir-faire et le savoir être qui agissent sur les propres capacités de l’étudiant. La maitrise de ces compétences est une condition essentielle pour l’obtention d’un diplôme en santé.
Certes, les études comportementales ont révélé certaines anomalies dans la pratique. Ces errements professionnels, qui sont d’ailleurs moindres, ne sont nullement liés aux contenus enseignés mais peut être au suivi et la qualité de la mise en œuvre des curricula. Le contexte de précarité joue également un grand rôle dans cet état de fait, pour des apprenants qui financent eux-mêmes leurs formations dans le but de décrocher un boulot et non par vocation.
M. le Directeur, Malgré la ruée sans précédent des étudiants vers les écoles de santé publique, on constate que peu d’entre eux ont l’amour d’exercer dans ce domaine. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
Comme je l’ai dit plus haut, la vocation est l’une des premières qualités pour exercer la profession de santé, celle-ci est enseignée en déontologie dès la rentrée en première année. Souvent les parents imposent à leurs enfants une formation sans demander leur avis. En pareilles circonstances, les établissements de formation arrivent à convaincre certains parents d’élèves réceptifs, à accepter la réorientation de leurs enfants. Il s’agissait dans le temps, d’une orientation de l’Etat qui prend en compte la fiche de choix remplie et signée conjointement par l’étudiant et ses parents. Il va donc de soi que ceux d’entre eux à qui la famille a imposé un cursus, ne soient pas aussi puristes que ceux qui sont venus par choix personnel et par vocation.
La recherche de stages académiques de qualité devient de plus en plus difficile eu égard au nombre élevé d’étudiants. Quelles sont les pistes de solutions à prospecter selon vous ?
Très difficile de répondre à votre question. C’est une réalité évidente. Cependant je pense que le secteur privé doit s’impliquer aussi à accueillir ces apprenants parce que le devoir de formation et d’encadrement des apprenants leur incombent aussi. En plus de cela, il faut aller vers la création de plusieurs Centres Hospitaliers Universitaires (CHU).
Les différents ordres créés çà et là sont-ils capables d’insuffler une nouvelle dynamique au secteur de la santé publique ?
Absolument ! à présent on note plusieurs Ordres professionnels créés dans le secteur de la santé. Mais vous conviendrez avec moi que l’efficacité d’une instance dépend de la dynamique des acteurs sensés la faire fonctionner mais, cela aussi est tributaire des moyens dont ils disposent.
C’est une très bonne chose que de disposer de plusieurs Ordres professionnels qui constituent des acteurs clés de promotion du secteur de la santé publique. Ils ont essentiellement pour rôle de veiller au strict respect de l’éthique et de la déontologie, toute chose qui permet d’améliorer significativement la qualité de l’accueil, la prise en charge et la gouvernance au sein du secteur de la santé.
Propos recueillis par Souleymane Yahaya(onep)