La Direction Générale de la Protection des Végétaux (DGPV) chargée de prévenir la destruction des cultures par ses ennemis naturels a traité à la date du 9 septembre, pour la campagne agricole 2024-2025, 24. 477 ha sur 30. 402,5 ha déclarés infestés, soit un taux de 80,50%. En effet, pour lutter efficacement contre les destructeurs de cultures, cette direction utilise des guêpes appelées Habrobracon qui permettent de lutter contre la mineuse de l’épi de mil. Ainsi, lors d’un point de presse, le Directeur Général de la DGPV a déclaré qu’à la date du 6 septembre, 1639 boites de pétri ont été produites. Elles ont été réparties comme suit : 240 boites placées dans la région de Dosso ; 320 boites dans la région de Maradi ; 188 boites dans la région de Zinder ; 120 boites dans la région de Tillabéri en instance de partir.
La Direction Générale de la protection des végétaux a développé une nouvelle méthode de lutte contre les ennemis de culture. Parlez-nous-en, M. le directeur.
L’Habrobracon vecteur est une guêpe, ou plus précisément une micro-guêpe parasitoïde de chenilles de plusieurs lépidoptères, dont la mineuse de l’épi. Ce parasitoïde appartient à la famille des braconnières guêpes et est utilisé pour la lutte biologique contre la mineuse de l’épi dans les agrosystèmes au Niger.
L’élevage ou la multiplication en masse de cet insecte se fait en laboratoire, à l’aide d’une note de substitution appelée corsera. Une fois le corsera récolté sur le mil, il est mis en contact avec l’Habrobracon vecteur. L’insecte pique alors la chenille pour la paralyser et pond des œufs dessus. À l’éclosion, les jeunes larves d’Habrobracon consomment la chenille jusqu’à sa destruction complète. À ce moment-là, les jeunes guêpes sortent. Le cycle en laboratoire dure entre (huit) 8 et onze (11) jours, mais dans la nature, il est plus court, entre sept (7) et huit (8) jours car, les conditions sont plus favorables.
Monsieur le Directeur, quelle est la durée de vie de l’habrobracon vecteur et comment agit-elle sur les insectes qui nuisent à la culture ?
La durée de vie de l’Habrobracon vecteur n’excède pas deux semaines. Cependant, son cycle dans la nature dure environ une semaine. Huit (8) jours, peut-être dix (10) jours, et chaque période de 10 jours, l’insecte génère une nouvelle génération. Il se maintient dans les agrosystèmes à travers plusieurs moyens : dans les greniers dans lesquels l’on stocke le mil en épis, où il y a toujours des chenilles et des conditions de température favorables à sa survie, ou encore dans les arbres comme les acacias ou les balanites, qui abritent des chenilles. Enfin, les bas-fonds irrigués qui restent verts même en saison sèche constituent également un refuge pour cet insecte.
Une fois l’élevage de masse terminé, les Habrobracon vecteurs conditionnés dans des boîtes de pétri sont amenés sur les champs pour être mis à la disposition des producteurs ou directement libérés dans les champs par les équipes techniques. Le but est que les Habrobracon ciblent la mineuse de l’épi pour la contrôler efficacement.
Son rayon d’action se limite-t-il seulement aux ennemis de culture?
L’Habrobracon vecteur n’est pas spécifique à la mineuse de l’épi. Il peut pareillement être utilisé sur d’autres cultures pour contrôler les ravageurs qui s’attaquent à ces végétaux. Par exemple, il est efficace contre le ver du Moringa et le ver de la tomate qui causent de nombreux dégâts. Lorsqu’il est lâché au moment opportun, l’Habrobracon permet de contrôler efficacement ces ravageurs.
Au Niger, l’Habrobracon est naturellement présent dans les agrosystèmes. Il n’a pas été importé d’ailleurs. Il n’est pas uniquement présent au Niger, mais dans de nombreux pays à travers le monde. On le retrouve aux États-Unis, en Chine, en Asie, et même en Iran, où il est utilisé pour lutter contre la chenille qui infeste les dattes. En Iran, les producteurs élèvent l’Habrobracon vecteur et le laissent dans les entrepôts dans lesquels sont stockés les sacs de dattes. La guêpe pénètre alors à l’intérieur des sacs et contrôle les chenilles présentes. Bien que la production de dattes ne soit pas à grande échelle au Niger, elle commence à se développer et l’Habrobracon pourrait également être utile pour protéger ces cultures.
Lors de son dernier point de presse, le DGPV a mentionné l’utilisation de cette guêpe dans certaines régions. Les résultats sont-ils concluants ?
Il ne s’agit pas simplement de test. Depuis 1998, la DGPV utilise l’Habrobracon. Après plusieurs expérimentations réussies, nous sommes passés à l’étape de la mise en place de dispositifs décentralisés dans les régions et certains groupements de producteurs pour assurer la continuité de l’opération. Cette année, plusieurs boîtes contenant ce parasitoïde ont été produites en laboratoire et distribuées dans les régions de Tillabéri, Dosso, Maradi, Zinder, ainsi que dans la communauté urbaine de Niamey pour lutter contre la mineuse de l’épi.
Des résultats positifs ont été observés là où les lâchers ont été effectués au moment opportun. Le principal défi reste la synchronisation des lâchers avec l’apparition des chenilles. Si les lâchers sont trop tardifs, même si l’Habrobracon tue les chenilles, les dégâts peuvent déjà être importants. L’Habrobracon n’a aucun impact sur l’homme car, il ne se nourrit pas de sang et ne constitue aucune menace pour la santé humaine. Il n’affecte que certaines chenilles de lépidoptères.
Cette année, bien que de grandes superficies aient été couvertes, quelques dégâts ont été constatés lors de la visite des autorités pour évaluer la campagne agricole. Cela s’explique par des déclarations tardives des producteurs concernant l’apparition des ravageurs. Ce qui a retardé les lâchers. En termes d’évaluation de la campagne, les chiffres officiels ne sont pas encore disponibles, mais les bilans préliminaires montrent de bons résultats là où les lâchers ont été effectués au moment opportun.
En termes de perspectives, la DGPV travaille actuellement avec des partenaires pour organiser une rencontre qui réunira tous les acteurs impliqués dans la lutte contre la mineuse de l’épi. L’objectif est de définir une stratégie de collaboration technique, scientifique et communautaire et de mettre en place des bases solides pour une meilleure coordination. La DGPV envisage également de décentraliser l’élevage de l’Habrobracon en créant plusieurs pôles régionaux, notamment à Maradi, Zinder, Tahoua et Niamey. Cela permettra de mieux couvrir les zones non desservies et de renforcer l’efficacité de la lutte contre la mineuse de l’épi, avec pour objectif de réduire les dégâts à zéro dans les années à venir. Pour ce faire, il sera nécessaire de mettre en place les infrastructures adaptées et de recruter le personnel adéquat pour faire fonctionner ces structures.
Dans ces actions de lutte et de protection de la biodiversité, quel est le rôle des paysans?
Les paysans ou les associations de producteurs ont un grand rôle à jouer, bien que de nombreuses organisations de producteurs aient déjà été formées et dotées de matériel pour l’élevage et le lâcher de l’Habrobracon vecteur dans leur agrosystème. Mais, force est de constater que ces organisations n’ont pas toujours obtenu les résultats escomptés car, ce travail technique nécessite du matériel spécialisé, du personnel qualifié et un suivi rigoureux. Si l’un de ces éléments manque, le travail ne peut être efficace. Parfois, le manque de suivi ou la distraction des producteurs pendant la campagne agricole entraîne des échecs car, les parasitoïdes doivent être utilisés au bon moment pour être efficaces.
Actuellement, de quelles ressources avez-vous besoin pour intensifier ce procédé ?
Dans le laboratoire, l’équipe de travail est composée de 10 à 12 personnes. Chaque jour, le personnel trie environ 5 000 chenilles, les répartit dans des boîtes de pétri (25 ou 20 chenilles par boîte), puis sélectionne les Habrobracons en séparant les mâles et les femelles. Chaque couple est placé dans une boîte de pétri, qui est ensuite fermée et mise de côté. Une fois les guêpes émergées, elles sont envoyées sur le terrain pour être relâchées. En moyenne, 400 boîtes de pétri peuvent être préparées par jour. Si la demande est plus importante, le personnel est augmenté. Si elle est moins importante, il peut être réduit.
S’agissant du matériel nécessaire, il faut des loupes binoculaires, des boîtes de pétri, et un personnel capable de différencier les mâles des femelles de l’Habrobracon. Il faut aussi du temps pour trier les chenilles, les ranger dans des boîtes, attraper les Habrobracons sans les blesser, puis effectuer les lâchers au moment opportun.
Ce n’est pas un travail difficile, mais cela prend du temps. Si vous avez des enfants disponibles, vous pouvez leur demander de trier les chenilles en fonction de leur taille. Lors du tri, si des petites chenilles se glissent par erreur dans le lot, vous pouvez les retirer et les remettre dans le mil pour qu’elles grandissent pendant deux ou trois jours supplémentaires. Si vous suivez cette méthode, vous obtiendrez de bons résultats. Il faut de l’abnégation, de la patience et une vraie implication. Si vous avez d’autres tâches parallèles, un moment d’inattention peut entraîner la perte de tous vos insectes, et vous devrez recommencer. Cela explique parfois l’échec de certaines initiatives chez certains agriculteurs.
Un autre aspect important est que, si vous élevez vos parasitoïdes et vos chenilles dans le même espace, les parasitoïdes sortiront et entreront dans votre système d’élevage, tuant toutes les chenilles. C’est pourquoi, il est conseillé de maintenir une distance d’au moins 150 mètres entre l’élevage de corsera et celui des Habrobracons vecteurs. Cela limite les risques de contamination croisée. Si l’élevage de l’Habrobracon est réalisé correctement, avec un suivi rigoureux, les résultats s’amélioreront d’année en année et la lutte contre la mineuse de l’épi deviendra plus efficiente.
Hamissou Yahaya & Boureima Hassan (Stagiaire)