Depuis le 1er septembre 2024, le décret du 22 août 2024 qui consacre une réduction de 50 % des tarifs des prestations dans les formations sanitaires publiques est entré en vigueur sur toute l’étendue du territoire national. Dans cet entretien, le Secrétaire Général du Ministère de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales revient sur les objectifs de cette décision hautement sociale prise par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), les modalités de sa mise en application ainsi que les dispositions prises par l’Etat pour assurer l’effectivité de cette mesure. D’après Dr Mallam Ekoye Seydou, cette réduction de 50 % des tarifs des prestations sanitaires vaut environ 25 milliards de FCFA rapporté au pouvoir d’achat des populations.
Monsieur le Secrétaire Général, le jeudi 22 août 2024, le gouvernement a adopté un décret qui consacre une réduction de 50 % des frais des prestations dans les formations publiques de santé. Quelle était la situation qui prévaut, en termes des tarifs, avant cette décision de l’Etat ?
Avant l’adoption de ce décret, les tarifs pratiqués dans les structures de santé ont été fixés au niveau des hôpitaux sur la base d’un arrêté N°62/MTS du 26 Mai 1962 fixant le tarif de remboursement de la journée d’hospitalisation dans les hôpitaux au Niger. Et au niveau des districts sanitaires sont fixés par des Arrêtés conjoints Ministère de la Santé- Ministère de l’Economie et des Finances (N°025, 26 et 27/MSP/MF du 4/02/1999 portant la fixation minimum et maximum des prestations dans les Centre Santé intégré et Hôpitaux de District). Ainsi, ces tarifs des prestations se caractérisaient par quatre éléments essentiels. Premièrement par leur variabilité à l’intérieur d’une même région, ensuite d’une région à une autre et d’un hôpital à un autre. Deuxièmement, ils se caractérisaient par leur niveau élevé, constituant une entrave majeure pour l’accessibilité financière aux soins à la majorité de la population. Troisièmement, ils se caractérisaient aussi par l’opacité générale dans le processus d’élaboration tarifaire au niveau des structures sanitaires et enfin quatrièmement par l’absence de régulation de la tarification sur une base objective avec des distorsions volontaires de certains tarifs opérés dans certains centres de santé le tout au détriment des usagers des soins.
Une réduction de 50 % ça vaut quoi et quelles sont les prestations concernées par cette réduction ?
Sur une année ça vaut environ 25 milliards de FCFA rapporté au pouvoir d’achat des populations. Cela constitue un avantage majeur dans la vie des ménages qui, faut-il le rappeler, supportent 41 % des dépenses de santé actuellement au Niger. Ce sont des dépenses que nous jugeons catastrophiques puisqu’elles grèvent sensiblement le budget du ménage contribuant ainsi à sa paupérisation.
Ces réductions bénéficient aux personnes de plus de cinq (5) ans dans toutes les formations sanitaires publiques. Cette réduction de 50 % concerne les consultations curatives ; les mises en observation des malades ; les hospitalisations ; les examens de laboratoire et d’imagerie ; les actes médico-chirurgicaux. Par contre, les accouchements sont désormais gratuits alors que par le passé les tarifs étaient de 1 000 FCFA dans les CSI, 3 000 FCFA dans les Hôpitaux de district (HD), 4 500 FCFA dans les Centre de la santé la mère et de l’enfant (CSME). La parturiente ne va rien payer. En outre, le forfait à vie pour la dialyse (c’est-à-dire les 150 000 FCFA que paie le patient au début avant d’entrer dans le processus de dialyse, comme c’est le cas actuellement) ne sera plus versé. Le patient en est exempté.
Il faut dire que ces mesures sont venues s’ajouter à la gratuité des prestations pour les enfants de 0-5ans, les femmes enceintes, les femmes qui désirent pratiquer la contraception et celles soufrant de cancers gynécologiques ainsi que la césarienne.
Quels sont les objectifs visés par le gouvernement à travers ces facilités ?
Les principaux objectifs visés sont de soulager les souffrances des malades et de leurs familles en leur évitant les dépenses qui vont faire basculer les familles dans la pauvreté. Il s’agit aussi d’augmenter l’accès équitable aux soins de qualité aux populations vulnérables ; de faire en sorte que le plus grand nombre de Nigériens puissent avoir accès aux plateaux techniques de qualité ; d’augmenter l’utilisation des services y compris de prévention et de promotion de la santé ; d’éliminer les écarts de tarifs non justifiés par les coûts des différentes prestations ou par des décisions correspondant à des objectifs de santé publique. Ce décret vise aussi à réguler les dépenses liées aux soins de santé, à accélérer le progrès vers la Couverture Sanitaire Universelle dont l’objectif est l’accès aux soins de qualité à tous sans difficultés financières et surtout à sauver davantage des vies.
Quelles sont les dispositions prises pour la mise en œuvre de la gratuité et la baisse des prix des prestations pour éviter les difficultés qui peuvent-compromettre la jouissance effective de ces bénéfices par les populations ?
Conscient de l’impact de cette mesure sur le fonctionnement des structures de santé, l’Etat prévoit un renforcement du système de santé à travers le rehaussement des subventions jusque-là octroyées aux structures de santé ; le renforcement des structures de santé en médicaments et autres intrants de prise en charge ; le renforcement du plateau technique ainsi que les mesures visant à renforcer la qualité des soins de manière générale.
Cette baisse n’aura-t-elle pas des conséquences sur la qualité de la prestation de service et une ouverture à des prescriptions des ordonnances à outrance ?
Il ne doit pas y avoir de conséquences sur la qualité des soins du moment où les formations sanitaires bénéficieront de la subvention de l’Etat, qui permettra notamment d’assurer l’approvisionnement en médicaments et consommables, d’acquérir de nouveaux équipements. D’autre part, l’Etat poursuit la mise en œuvre des actions d’amélioration de la qualité des soins ainsi que les mesures de gestion à tous les niveaux de la pyramide des soins.
On constate une diffusion à outrance sur les réseaux sociaux des différents tarifs depuis l’annonce de la réduction de 50 %, quelle est la grille officielle utilisée dans nos formations sanitaires publiques à tous les niveaux ?
La grille utilisée est celle qui a été mise à la disposition des formations sanitaires. Elle sera affichée partout dans les formations sanitaires. En outre, la copie de l’imprimé comporte un code QR et annexée à la lettre N°003721/MSP/P/AS/SG/DGSP du 27 Août 2024 signée par le Ministre de la Santé Publique.
Cette initiative du gouvernement n’a-t-elle pas des conséquences sur les prestations dans le privé ?
C’est possible qu’il ait une baisse de l’utilisation des services du privé. Mais tout dépend du niveau de qualité des prestations offertes au niveau des services publics et ceux du privé. En outre de toutes les façons ceux qui ont des capacités à payer continueront à aller dans les services privés s’ils estiment que les soins sont de plus haute qualité là-bas.
Quel sera votre message à l’endroit des agents de santé pour l’utilisation harmonieuse de cette grille tarifaire et aussi aux patients ?
Les agents de santé doivent tout simplement respecter les normes éthiques et de déontologie et maintenir la confiance avec les usagers du service public de santé. Ils doivent appliquer rigoureusement les dispositions du décret consacrant la grille tarifaire ; apporter plus de la clarté aux usagers relativement aux nouveaux tarifs. Quant aux usagers, ils doivent être vigilants et rapporter tout comportement déviant en lien avec les tarifs en vigueur.
Propos recueillis par Siradji Sanda (ONEP)