La pratique de l’élevage en milieux urbain et péri-urbain résiste au temps et aux nouveaux stéréotypes qui se développent dans les villes. Malgré une pression acharnée de l’immobilier qui empiète sur les terres de l’élevage traditionnel et repousse les bergers loin des centres urbains et leurs périphéries, on retrouve encore des animaux dans et autour des villes. Un intérêt des Nigériens pour les grands et petits ruminants que l’Etat, à travers la promotion de l’embouche en milieux urbain et son soutien à la création de fermes modernes, contribue largement à maintenir.
L’élevage traditionnel se raréfie certes dans les villes du Niger, mais reste présent. Il doit son salut surtout à la détermination des ménages peuhls résilients, des éleveurs par excellence, qui se débrouillent pour trouver refuge dans les nouvelles extensions. « Avec la mise en valeur de ces parcelles, ils sont obligés de s’éloigner encore pour de nouvelles zones périphériques », explique Dr Ayouba Harouna, Directeur de la promotion des filières animales au ministère de l’Agriculture et de l’élevage.
Ces peuhls pratiquent un système semi intensif d’élevage qui alterne conduite des animaux au pâturage dans la journée et retour au site de bercail vers 16h, suivi d’un complément de nourriture et enfin de lactation des laitières deux heures plus tard. Le lait donné par tête est proportionnel à la quantité et à la qualité de l’aliment consommé par l’animal.
A côté de ce système qui favorise surtout les bovins, les ménages nigériens conservent leurs habitudes d’éleveurs en gardant dans leurs maisons des ovins et des caprins, le plus souvent pour la consommation familiale. La multiplication des cérémonies de baptême et de mariage poussent beaucoup de citadins à préférer l’élevage des ovins aux autres types d’élevages. En plus de ces cérémonies traditionnelles, la demande en ovin est aussi grande pendant la fête religieuse de Tabaski.
L’Elevage en milieux urbains et péri-urbains au Niger, malgré l’engouement de la population, doit faire face à des contraintes liées en partie à la disponibilité et à l’accessibilité des aliments pour bétail. Le mode d’élevage doit être revu, confesse le Directeur de la promotion des filières animales au ministère de l’Agriculture et de l’élevage. « On a beaucoup d’animaux mais, c’est en nombre, dit-il. En termes de production, le résultat laisse à désirer ». Le grand enjeu pour l’élevage en général, souligne-t-il, est d’arriver à produire suffisamment de lait, en quantité et en qualité, et de satisfaire le consommateur Nigérien.
La forte demande des villes en lait est une grande aubaine pour le développement de l’élevage dans et autour des villes. La totalité des usines de transformation laitière ont des problèmes de ravitaillement en matière première. La plupart d’entre elles, révèle le technicien, ne tournent qu’autour de 1% de collecte de la quantité totale que l’usine est à mesure de transformer. La maitrise de la production laitière, ajoute-t-il, ainsi que la forte demande existante, permettront de rentabiliser tout investissement dans le secteur. « Rien que l’aliment bétail par exemple, on peut se spécialiser dans au moins deux sous-secteurs : une pour la production laitière et une pour la production de viande. Si les gens savent, ils vont aller chez vous pour payer. Vous pouvez ainsi ne vendre que l’aliment bétail et c’est rentable », indique Dr Ayouba Harouna. A ce jour, une usine moderne de fabrication d’aliments pour bétail est en construction à Niamey et devrait ouvrir ses portes dans un an. Sa promotrice pourra ainsi transformer jusqu’à 10 tonnes de matières sèches par heure.
L’embouche, porteur d’espoir pour l’autonomisation des femmes et des jeunes
La prolifération des marchés à bétails à travers la ville de Niamey est un signe du dynamisme de ce secteur à forte croissance. Une manne qui profite aussi à la promotion de l’embouche par l’Etat et ses partenaires. Selon Dr Ayouba Harouna, un élevage est toujours accompagné de l’embouche parce que les mâles seront embouchés pour la production de viande et les femelles serviront à la production laitière. L’embouche fait partie, affirme-t-il, de l’épargne des producteurs.
Dans le cadre de sa promotion, les programmes et projets d’embouche soutenus par le Niger et ses partenaires ciblent en priorité les femmes et les jeunes. Une manière assumée de soutenir l’épanouissement de ces couches dites « vulnérables ». Ils mettent à disposition des kits, traditionnellement des caprins en raison de leur capacité de prolifération. Avec 2 portées par an, l’éleveur s’assure d’avoir au moins 2 à 4 petits.
En milieu urbain, la promotion de l’embouche permet également d’accompagner les programmes d’activités génératrices de revenus (AGR) qu’accompagnent les partenaires techniques du Niger. « On place des kits ovins, c’est à dire on donne par exemple 2 moutons à un groupement ou à une femme qu’elle va élever, les vendre et elle reconstitue », détaille Dr Ayouba Harouna. A cause de sa prolifération et de son adaptation facile, dit-il, le caprin, au-delà de l’embouche, est adopté par le ministère en charge de l’élevage pour les cas de reconstitution du cheptel.
L’embouche bovine, quant à elle, est réputée difficile, d’où sa relégation au second plan dans le choix des races d’embouche pour soutenir les femmes et les jeunes. Aujourd’hui encore, elle reste généralement pratiquée par les hommes, contrairement à l’embouche ovine. En plus, les groupes cibles de cette dernière, selon les intervenants, donnent toujours des résultats satisfaisants.
Le Directeur de la promotion des filières animales au ministère de l’agriculture et de l’élevage explique que trois (3) critères sont à prendre en compte pour réussir un projet d’embouche, dont le choix des animaux à acheter. Ainsi, conseille-t-il, d’acquérir des sujets qui sont déjà grands, mais maigres, et qui ne sont pas porteurs de maladie au lieu de prendre des jeunes. « Tu n’auras ainsi que pour seul objectif de les faire grandir. Et en 3 mois, au plus grand tard 4 mois, tu auras fini. Si tu dépasses 4 mois, ce n’est plus rentable », précise-t-il.
Le second critère est relatif au régime de l’animal choisi avant son acquisition. Il faut savoir ce que mangeait le sujet acquis chez son précédent éleveur afin de mieux l’accompagner dans son nouveau régime. Enfin, le troisième critère concerne le régime alimentaire de l’animal pour son embouche. « L’essentiel, laisse entendre le Directeur, ce que l’alimentation soit équilibrée et c’est en fonction les phases de l’élevage». En phase de finition, ce qui est le cas de l’embouche, l’alimentation doit être riche pour favoriser l’engraissement de l’animal.
Les races recommandées au Niger
Pour la production du lait, explique Dr Ayouba Harouna, cinq (5) races bovines sont recommandées au Niger. Il s’agit de l’Azawak, du Djienli, du Bororo, du Kouri et du Goudabi. Ces races sont éparpillées à travers le pays et présentent toutes, des performances laitières. « Les études ont été plus concentrées sur l’Azawak. Ce qui a rendu populaire cette race aux yeux de la population. Mais, en réalité les autres aussi ont toutes des performances sur le lait », affirme-t-il. Grâce à cette attention particulière et aux travaux d’amélioration, le centre de Toukounousse est arrivé à 15 litres par jour et par femelle Azawak.
Pour l’élevage des ovins, il est recommandé de se procurer des races comme le Bali Bali, le Balami, le Ara Ara, le mouton Oudah, populaire grâce à sa robe bicolore, le mouton Koundoum qui est un mouton à laine, ainsi que deux (2) autres races de moutons arabes localisées à Diffa. « Dans nos marchés on retrouve le plus souvent des Bali Bali croisés à des Ara Ara qui sont des moutons targuis. Ce dernier mouton n’est pas élancé mais il est ouvert, volumineux. Ce croisement donne un mouton long et grand qu’ils appellent Dan Kassouwa et qui sont des moutons de marchés », précise Dr Ayouba Harouna, pour qui le choix des 4 premières races est fortement recommandé pour l’embouche.
Pour les Caprins, le Niger dispose de la chèvre rousse de Maradi et de la chèvre du Sahel. « La chèvre rousse est prisée pour sa peau et en même temps c’est une chèvre de viande à cause de sa prolifération. Par an, une seule chèvre peut te donner jusqu’à 10 petits. Par contre, la chèvre du Sahel est généralement élevée pour son lait. C’est une chèvre qui est grande », fait-il remarquer.
Pour se procurer les races, Dr Ayouba Harouna conseille aux éleveurs de se les procurer directement dans les ranchs et centres dédiés à chaque race. « On oriente les gens vers les centres mais, de plus en plus, on a eu des éleveurs qui se sont spécialisés et qui prennent des dispositions pour devenir des fermes partenaires ». Les éleveurs peuvent aussi se les procurer directement dans les terroirs reconnus comme berceau de ces races. La clé pour rendre profitable l’élevage, autant en milieu urbain que rural, réside ainsi dans son intensification.
Yacine Hassane et Souleymane Yahaya (ONEP)