Située dans la ville de Say à quelques mètres de la préfecture, la laiterie Haw Rindé Biradam (HRB) est une PME créée à l’initiative d‘un regroupement des jeunes ressortissants de Say réunis au sein d’une structure dénommée «Association des producteurs laitiers de Say» (APLS).
Ils étaient une centaine de jeunes à se lancer dans la filière du lait en créant en 2009 la laiterie baptisée «Haw Rindé Biradam» en langue fulfuldé qui veut dire «Association lait frais». C’était avec le soutien technique et financier de l’ONG Africa 70. Les 117 adhérents de l’APLS, promoteurs de cette PME agroindustrielle, entendaient ainsi apporter leur contribution à une meilleure mise en valeur du potentiel en lait dont dispose la ville de Say et ses environs avec pour objectif de permettre aux éleveurs de tirer meilleur profit de leurs activités tout en créant des emplois. Say est une zone d’élevage disposant d’un cheptel important, notamment les bovins qui se comptent en centaines de milliers.
Les promoteurs de la laiterie HRB étaient motivés par le fait que les producteurs ruraux du lait de cette zone pourtant proche de Niamey la capitale et principal débouché, sont souvent confrontés à des problèmes d’écoulement du lait, à la mévente ou à une dévalorisation de leur produit, explique M Hassane Sanda, le gérant de la laiterie. Avec cinq employés dont deux permanents, le travail de la laiterie consiste donc à collecter, traiter puis à transformer le lait en divers sous-produits et à les commercialiser sur le marché national, avec notamment Niamey comme principal débouché. Entres autres dérivés laitiers, la laiterie Haw Rindé Biradam produit et met à la disposition des consommateurs du yaourt, du fromage, du lait caillé, du lait pasteurisé et du lait cru.
Pour mener leurs activités, les promoteurs disposent d’une unité de production dotée d’un équipement adéquat : une chambre froide pour la conservation du lait et des produits dérivés, une cuve et divers matériels de traitement et un système solaire assurant l’alimentation en énergie électrique de leur unité. Pour assurer son ravitaillement en matière première, la laiterie a mis en place un réseau constitué de cinq à sept collecteurs locaux qui fournissent régulièrement le lait tous les jours de la semaine à l’exception du dimanche. S’agissant de la capacité de production, Hassane le gérant explique qu’elle dépend et fluctue en fonction de la saison.
Depuis son implantation, la laiterie a régulièrement travaillé et fourni de produits de qualité qu’apprécie bien la clientèle. Le plus important à retenir est qu’elle n’a jamais cessé de fonctionner même pendant les périodes difficiles. Selon M Hassane la laiterie a participé à des rencontres et salons d’exposition des producteurs ruraux au niveau national comme à l’international. Et elle a remporté le 1er prix «Qualité» à l’occasion de la foire de Dakar grâce à ses deux produits: le yaourt et le fromage NIGERELLA qui ont convaincu le jury dakarois.
Mais au-delà des prouesses, dix ans après la création de cette laiterie, M Hassane reconnait que la laiterie de Say n’est hélas pas au meilleur de ses jours. Sa capacité productive a baissé, son équipement a subi l’effet de l’usure du temps et est devenu vétuste. Hassane Sanda, souligne quelques soucis qui entravent sérieusement sa capacité de production aujourd’hui dont le principal problème réside dans la fourniture d’énergie électrique. A la suite de la panne de la station solaire, arrêtée à cause de batterie défectueuse sur les 24 que compte le système, la laiterie s’est trouvée dans l’obligation d’utiliser le réseau électrique de la NIGELEC pour son besoin en énergie. Toute chose dont la laiterie n’est pas en capacité financière de supporter pour longtemps, selon le gérant. Toutes les tentatives de réparation par l’APLS n’ont pas abouti à remettre en marche leur mini-centrale solaire. L’association ne dispose pas de moyens pour acheter de batterie de rechange dont la marque n’existe pas sur le marché local. En attendant des lendemains meilleurs et ce malgré les difficultés, la laiterie continue tant bien que mal ses activités pour donner satisfaction à sa clientèle qui, elle, ne faiblit pas.
A la laiterie Haw Rindé Biradam (HRB) vers 10h en ce matin du mercredi 4 décembre, un homme d’une quarantaine d’années du nom d’Oumarou Amadou arrive à bord d’une moto, amenant avec lui un jerricane en plastique de 25 litres qu’il décharge aussitôt. Il va à la rencontre de Djoumassi, un employé de la laiterie, pour les salutations de courtoisie en usage dans notre société et pour lui dire qu’il vient d’amener sa première cargaison de lait du jour. Oumarou Amadou prend son jerricane et s’engouffre dans un des bungalows situés à quelques mètres de la préfecture de Say qui fait office d’usine de traitement de lait. Aussitôt entré, Djoumassi prélève un échantillon de lait et part pour en vérifier la qualité. Il revient sur ses pas et informe Oumarou Amadou que le lait qu’il vient d’apporter est de bonne qualité.
Rassuré, Oumarou Amadou affiche un large sourire. Il s’installe sur un banc pour souffler un peu après une randonnée certainement épuisante à la recherche de lait auprès des éleveurs dans les villages et hameaux environnants de la ville de Say. Oumarou est en effet l’un des collecteurs agréés sur lesquels s’appuie la laiterie depuis plus de dix (10) ans pour se ravitailler en lait. Depuis 2009, il fait de la collecte du lait une sorte de rituel quotidien, faisant le tour des campements et autres lieux à la recherche du précieux liquide blanc. Son travail depuis dix ans, c’est de livrer du lait à la laiterie (HRB) pour gagner sa vie et prendre en charge l’essentiel des besoins de sa famille de six membres. Cette activité est devenue une véritable panacée, une vraie alternative à l’exode qui était jadis pour lui le plan B pour joindre les deux bouts de l’année. Avant d’être collecteur, Oumarou Amadou était un éleveur comme beaucoup de jeunes de sa contrée. Mais avec le temps, il faut bien laisser la place à la jeune génération. Mais à avant cette date-là, le seul choix qui s’offrait à lui était l’exode saisonnier vers le Togo, après chaque saison des pluies. Mais aujourd’hui, ce n’est qu’un souvenir pour ce jeune père de famille à la silhouette longiligne et au visage émacié mais souriant et serein. Serein, il l’est effectivement. Car, depuis plus de dix ans, il réside chez lui dans son village natal, partage ses joies et peines avec la famille, dans sa communauté, se réjouit-il.
Chaque jour, Oumarou Amadou livre une quantité de lait de l’ordre de 50 à 70 litres et parfois beaucoup plus, étant donné comme on l’a dit ci-hautt que la production varie en fonction de la saison. Sa collecte atteint parfois plus de 100 litres par jour pendant la saison des pluies et surtout à la fin des récoltes. Il a commencé son métier de collecteur à vélo avant de s’offrir une moto toute neuve comme moyen de transport. Grâce à ce business, Oumarou a aujourd’hui de quoi prendre en charge la main d’œuvre pour les travaux champêtres mais aussi pour acheter du fourrage pour alimenter ses animaux qu’il a également acquis par la sueur de son front. Oumarou Amadou, le collecteur de lait est aujourd’hui un père relativement heureux, menant une vie tranquille. Pour éviter toute éventualité d’incompréhension ou de conflits entre les collecteurs, un système de zonage a été institué permettant à chaque collecteur d’opérer sur un périmètre bien déterminé.
Zabeirou Moussa,Envoyé spécial à Say