Selon les spécialistes, l’environnement se définit comme étant un « ensemble des éléments physiques ou facteurs abiotiques (température, vent, pluviométrie, sols, eau), biologiques ou facteurs biotiques (flore et faune) et des facteurs sociaux ou anthropiques (pression démographique, activités socioéconomiques), et les relations dynamiques entretenues entre ces différentes composantes ». C’est donc un ensemble intégré de composantes naturelles et anthropiques, avec leurs dimensions sociales, économiques, culturelles et esthétiques qui nous entourent, qui interagissent entre elles et avec les individus, en exerçant une influence sur leurs activités, leurs relations et leur vie, et en conditionnant le bien-être humain. Malgré son caractère sahélo-saharien, le territoire du département de Bilma compte particulièrement des espèces fauniques et floristiques qui constituent une de ses merveilles.
En effet, l’isolement dans lequel se trouve le département, et la présence peu marquée de l’homme font que de nombreuses espèces sauvages éliminées dans d’autres régions du pays, survivent ici. Ainsi, on y trouve sans surprise, selon le Commandant Hassane Younoussou Hamadou, directeur départemental de l’Environnement, de la Lutte Contre la Désertification, une grande diversité d’habitats (dunes vives, dunes fixées, regs sableux, falaises, vallées, plateaux etc.) nécessaires à la conservation de la diversité biologique Saharo-sahélienne. Dans ces habitats naturels importants on y rencontre également des antilopes du désert du Sahara classées sur la liste rouge de l’Union Internationale pour Conservation de la Nature (UICN). Malheureusement, explique le Cdt Hassane Younoussou Hamadou, ces espèces font l’objet d’une grande menace. Il s’agit entre autres de la gazelle dorcas et du Mouflon à manchettes situés précisément dans la zone du Djado, vers les frontières Libyennes et Algériennes. On y trouve également le chacal dont la population s’est considérablement multipliée ces dernières années, selon les témoignages de la population. A tous ceux-là, s’ajoute une importante faune aviaire car, le Sahara est un carrefour pour les oiseaux migrateurs. Sans oublier des reptiles, des batraciens, des scorpions et des moustiques qui constituent un grand danger pour la population.
Si Bilma est situé au cœur du Sahara, il ne faut pas pour autant penser qu’il n’existe pas de végétation. En effet on remarque la présence d’une importante végétation avec des caractéristiques particulières. Selon le directeur départemental de l’Environnement et de la Lutte Contre la Désertification, les rares pluies que le département enregistre par an, favorisent le développement de quelques essences arborescentes, généralement xérophiles, qui sont suivies toujours d’une vigoureuse poussée d’herbes fraiches. Il s’agit, entre autres, des ligneux dominants qui sont les espèces d’Acacia ehrenbergiana, Acacia raddiana, Acacia seyal, Balanites aegyptiaca, Hyphaene thebaica, Tamarix senegalensis, Zizuphus mauritiana. Pour ce qui est des herbacées et des plantes subligneuses très basses au niveau des pieds des plateaux, on y rencontre du Citrilus colocynthis (kabourka en kanouri) à Bilma, Séguédine et Djado ; Cornulaca momecantha (Maaly) qui constitue un bon fourrage pour les animaux et que les enfants ramassent et vendent au village. On y trouve également des graminées. Et d’Aristida pungens (moyow), de Dalechampia scandes (kalimbo), très appréciés par les femmes durant la maternité.
Le directeur départemental confirme aussi la présence d’autres espèces, que l’on rencontre à Bilma, à Argui et à Achinounma où les conditions hydriques sont favorables, comme les hydrophytes tels que le Phragmatis australis (Kankélé) et le Cyprus laevigatus (Eyini). Et enfin, des espèces exotiques que l’on rencontre dans les villages. Il s’agit de celles introduites dans le cadre des reboisements : Alizzia lebbek, Azadirachta indica, Dalbergia sisso, Eucalyptus camaldulensis et Prosopis juliflora. C’est toutes ces ressources naturelles dont regorge le département de Bilma que la Direction Départementale de l’environnement et de la Lutte Contre la Désertification est chargée de gérer et protéger.
Dans ce département qui est le plus vaste de la région d’Agadez et le plus difficile d’accès, la Direction Départementale de l’Environnement et de la Lutte Contre la Désertification compte un seul agent, le Directeur. Il est chargé de superviser les quatre (4) communes qui composent le département, à savoir la commune urbaine de Bilma et les communes rurales de Fachi, Dirkou et Djado. Outre ce problème de personnel, la direction fait face à plusieurs difficultés dont l’insuffisance de moyens roulants (ne dispose que d’un véhicule en état passable ne pouvant même pas relier Bilma à Dirkou soit 45 km) et le logement du Directeur (dont l’actuel qui date du temps des colons est en état de dégradation avancée). C’est dans ces conditions que le Cdt Hassane Younoussou Hamadou, Directeur Départemental et seul agent dudit service s’attèle à honorer les attributions de son service, contribuant ainsi à la préservation des joyaux qu’offre cette zone Sahélo-saharienne.
Les difficultés environnementales auxquelles fait face le département de Bilma
Selon le directeur départemental, le diagnostic du secteur de l’environnement a permis de relever plusieurs problèmes qui traduisent, dans leur globalité, une forte dégradation des ressources naturelles. Cette dernière, selon lui, semble prendre des allures irréversibles au regard des facteurs de dégradation relevés. Il s’agit de l’ensablement des infrastructures socioéconomiques (oasis, routes, puits, habitations, aires de pâturage, palmerais, etc.) par les vents violents du désert et la formation progressive de dunes dans les vallées, provoquant la baisse de la nappe phréatique en profondeur, la perte de la végétation et des habitats de la faune sauvage. A cela s’ajoutent les braconniers qui viennent des pays voisins, faisant de fois des carnages et la coupe abusive du bois vert pour ravitailler le marché du site aurifère de Djado. « Il n’y a aucun respect des normes environnementales, on observe l’utilisation çà et là de produits chimiques sans contrôle pouvant contaminés la nappe phréatique et le non-respect de la remise en état du sol après exploitation comme consigné dans les permis délivrés par le Ministère des Mines qui impose à chaque détenteur de permis la remise en état du sol après exploitation », a-t-il fait remarquer.
Comme solutions déjà mises en œuvre et celles envisageables face à ces problèmes, le directeur départemental a souligné en priorité le renforcement de la sensibilisation sur les méfaits de la dégradation de l’environnement, la surveillance continue, malgré les moyens très limités, les activités de fixation de dunes, le faucardage et l’enlèvement des espèces aquatiques envahissantes qui prolifèrent au niveau des sources d’eau et la plantation d’arbres. De sa propre initiative et dans le seul intérêt de renforcer la lutte contre le braconnage, le directeur départemental de l’Environnement et de la Lutte Contre la Désertification a, depuis sa prise de fonction, mis en place des comités locaux de surveillance environnementale. Ces comités ont fait aujourd’hui leur preuve avec l’arrestation, en janvier 2024, de braconniers étrangers. Cette initiative mérite d’être renforcée en attendant l’affectation en nombre suffisant du personnel à ce service.
Aussi, le nettoyage des palmerais dattiers et la fixation des dunes avec les rachis des palmiers élagués donnera l’occasion de conduire des activités à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) sous forme de Cash for Work et de planter des rejets. « Il faudrait renforcer la présence physique de l’État sur le terrain par l’affectation d’agent afin de renforcer la surveillance. La gestion durable et la conservation de ces biens rares de cette zone du désert nécessitent l’appui financier et technique de l’État et des partenaires au développement en vue de la création d’une réserve nationale naturelle du Djado pour la conservation du mouflon à manchette qui est une espèce endémique de la zone », suggère le directeur départemental de l’Environnement et de la Lutte Contre la Désertification. Il est alors de l’intérêt national que des dispositions soient prises dans le but de conserver et protéger cet ensemble intégré des composantes naturelles et anthropiques, avec leurs dimensions sociales, économiques, culturelles et esthétiques.
Ali Maman ONEP/Agadez