Regard évasif, plutôt timide et d’une voix à peine audible, Fadi Moussa a de la peine à raconter ce qui lui est arrivé, un 6 septembre 2020. Cette femme âgée de 54 ans a subi un acte de violence inouï que ni son mari, ni quelqu’un d’autre, ne lui a jusque là jamais infligé en plusieurs décennies de vie conjugale. Elle a deux enfants s’est retrouvée à l’hôpital avec les deux bras cassés. L’auteur, âgé de 33 ans, n’est autre que son beau frère.
Tout a commencé par une histoire banale de chamaillerie entre belles sœurs. L’épouse de l’agresseur avait dit à son mari que Fadi Moussa l’a accusée de sorcellerie. Surprise d’une telle accusation Fadi Moussa informa son mari (le grand frère de l’agresseur). En bon aîné, il a essayé de calmer la situation allant jusqu’à demander à sa femme d’aller présenter ses excuses à la femme de son petit frère et en même temps chercher à connaitre les sources de cette accusation qui du reste était archi fausse.
Ce que fît Fadi en bonne épouse, un 6 septembre 2020. Mais c’était sans compter avec l’esprit revanchard et la colère qui habitaient son beau frère et son épouse. «A mon arrivée, j’ai essayé de parler à sa femme qui n’a pas voulu m’écouter devant des témoins. C’est alors que son mari était sorti fou de rage. Il m’a empoignée et m’a congé contre le mur», confie Fadi Moussa. L’agression était si violente que la quinquagénaire a eu les deux bras cassés.
Une revanche ?
Cet acte ressemble plus à une revanche. En effet, les deux frères vivaient dans la même maison qui appartient au grand frère. Malheureusement, leurs épouses ne s’entendaient pas comme il le faut. Et à chaque fois qu’elles se chamaillent, le petit frère prenait partie pour son épouse. Sans réfléchir, il n’hésitait pas à manquer de respect à Fadi, l’épouse de son grand frère.
Devant la persistance de cette situation, le mari de Fadi finit par demander à son petit frère de chercher une maison et d’aller s’installer avec son épouse pour éviter cette situation de bagarre permanente. Ce que le petit frère a fait non sans garder une boule contre l’épouse de son grand frère qu’il estime être à la base de cette situation. La soit disant accusation de sorcellerie contre son épouse, était alors la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce jeune homme de 33 ans a trouvé l’occasion de déverser toute sa bile sur sa belle grande sœur. Et, il ne s’est visiblement pas retenu. Conséquence : deux bras cassés et une ITT (incapacité temporaire de travailler) de 2 mois selon le bulletin délivré par l’Hôpital National de Niamey le 7 septembre 2020.
Justice et pression familiale
Après l’incident, la victime Fadi Moussa a été l’objet de pressions familiales pour dit-on, trouver un traitement amiable à la situation et pour que l’affaire ne soit pas connue du grand public. Elle a dû partir chez son beau fils du nom de Garba Harouna qui, devant la gravité de la situation a porté plainte. Il a aussi dû prendre en charge les frais médicaux pour un peu plus de 76.000 FCFA. Pendant que Fadi se fait soigner, la pression familiale a continué pour la convaincre de retirer sa plainte. Ce qu’ont accepté Fadi et son beau fils, mais à condition que non seulement les frais médicaux soient remboursés et que Fadi soit dédommagée. Ainsi, jusqu’au 20 septembre, rien n’a été fait dans ce sens.
Finalement l’affaire a été portée en justice et le 21 septembre, les deux parties ont été reçues et entendues par le juge qui, leur a fixé la date du jugement le 2 octobre. Le jour du jugement, Fadi et son beau fils se sont rendus au tribunal, mais n’ont pas pu trouver la salle où se tenait le jugement. «Je ne suis pas un habitué du tribunal. Nous étions restés de 9 heures jusqu’à 17 heures à chercher la salle. Finalement c’est vers 17H que nous avons pu rencontrer une greffière qui nous a notifié que notre dossier a été traité en flagrant délit. Elle a feuilleté le registre et nous informa que l’auteur de l’agression a été condamné à 6 mois avec sursis et 150.000 FCFA d’amende», confie Garba Harouna. «La greffière nous a aussi expliqué que nous avons le droit de faire appel. Et c’est ce que nous avons fait parce que la victime estime que justice ne lui a pas été rendue», ajoute-t-il.
«Je veux que justice me soit rendue. Si je savais que c’est comme ça que l’affaire allait être traitée, je n’allais pas retirer ma plainte dès au départ. Je veux qu’on me mette dans mes droits», renchérit Fadi Moussa, ajoutant que c’est pour cette raison qu’elle est venue demander assistance auprès de l’ONG SOS Femme et Enfant Victime de Violences Familiales (SOS-FEVVF).
Une exigence de fermeté
Pour la présidente de l’Ong SOS-FEVVF, ce genre d’affaire doit être traité avec la plus grande fermeté pour décourager ceux qui sont tentés d’exercer une telle violence sur la femme, les filles et les enfants. «On ne peut pas comprendre un tel déchainement de violence sur une femme qui a pratiquement l’âge de la maman de l’auteur», a déclaré Mme Mariama Moussa, présidente de SOS-FEVVF au cours d’un point de presse le 19 octobre 2020. «Il faut que les gens soient sensibilisés sur les voies de recours pour éviter de tels aboutissements à des affaires aussi sérieuses que le cas de Fadi Moussa», ajoute-t-elle avant d’assurer que SOS-FEVVF va apporter l’appui juridique et psychologique nécessaire à la victime pour qu’elle soit mise dans ses droits.
D’après Moussa Tafa Abdoulkader, juriste à l’Ong SOS-FEVVF, ces genres d’acte de violence sont contraires aux traités, conventions régionales et internationales ratifiés par le Niger (comme la Déclaration Universelle des droits de l’Homme, la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme ; la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples). Ils sont aussi en contradiction avec la Constitution du 25 novembre 2010 en ses articles 11; 12 ; 13 et 22. Ils sont enfin punis par l’article 22 du Code pénal nigérien.
Siradji Sanda(onep)