Dans la droite ligne des activités commémoratives des 25 ans d’existence, l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), la Commission en charge de la conduite de l’organisation communautaire multiplie les initiatives visant à faire le point sur les avancées réalisées sur le chemin du processus de l’intégration régionale, mais aussi à revisiter les contraintes qui plombent la bonne marche des choses en vue d’y apporter des solutions idoines. C’est à cet exercice que la Commission de l’UEMOA a invité les participants à un forum qui a ouvert ses travaux, hier, à Ouagadougou (Burkina Faso) autour du thème « UEMOA, 25 ans, ensemble relevons le défi de la libre circulation des personnes et des biens dans un espace communautaire sécurisé ».
Le thème, vous en convenez, est d’une très grande importance au regard des préoccupations qu’il suscite un peu partout dans l’espace communautaire où les voyageurs et les transporteurs vivent au quotidien d’énormes contraintes aux frontières et même à l’intérieur des Etats, et qui peuvent se résumer à la non-application des textes conçus pour faire de nos huit Etats membres un espace unifié où les populations peuvent aller et revenir sans la moindre tracasserie. Aussi, pour aborder le sujet placé au centre de ce forum, la Commission de l’UEMOA n’a pas voulu occulter le débat. C’est dans ce sens qu’elle a jugé utile de réunir dans une même salle d’anciens dirigeants, des décideurs politiques de la région, des praticiens de haut niveau, des universitaires, des membres de la société civile, des journalistes et des représentants des acteurs concernés par la question de la libre circulation des personnes et des biens.
En procédant à l’ouverture des travaux, le Président de la Commission de l’UEMOA, M. Abdallah Boureima, après avoir rappelé les efforts et les progrès réalisés dans le cadre de la mise en œuvre des différentes réformes entreprises dans le cadre de l’intégration sous-régionale, a admis qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour aboutir au stade de la grande satisfaction. Cela, a-t-il précisé, est surtout vrai quand il s’agit de la sempiternelle question de la libre circulation des personnes et de leurs biens au sein de l’espace communautaire, où beaucoup de défis attendent d’être relevés, tant les entraves sont multiples et multiformes, le tout dans un contexte sécuritaire qui ne va pas pour arranger les choses.
Il s’agit ainsi, a souligné M. Abdellah Boureima, de créer à travers ce forum un cadre de dialogue entre les principaux acteurs de l’intégration régionale et de les mobiliser autour des défis majeurs actuels. « Cette rencontre permettra également de recueillir les contributions sur la réalité de la libre circulation des personnes et des biens, en lien avec l’évolution du contexte sécuritaire et d’esquisser des pistes d’amélioration », a-t-il dit en substance.
Peu après la cérémonie d’ouverture du forum, les participants ont suivi avec un réel plaisir la communication de Pr. Alioune Sall, qui devait animer la conférence inaugurale de la rencontre. D’entrée de jeu, Pr. Sall a situé toute la difficulté qui entoure la notion même d’intégration régionale : « lorsqu’on parle de l’intégration régionale, on parle de tout sauf d’un long fleuve tranquille », a-t-il prévenu. Selon sa vision, la notion de l’intégration régionale renvoie plutôt à l’idée d’une course de longue haleine, d’où la nécessité de persévérer en allant progressivement et avec méthode. Le conférencier a ensuite rappelé les grandes étapes des réformes entreprises sur le plan de l’intégration africaine, dont la dernière en date a été la signature de la ZLECAf à Niamey. Il a ensuite relevé, entre autres contraintes qui plombent le processus de l’intégration africaine, les inégalités des progrès réalisés d’une région à une autre au sein du continent, tout en soulignant que la CEDEAO et la SADEC sont les organisations d’intégration régionale ayant obtenu les meilleurs résultats.
Mais pour le Professeur Alioune Sall, la question la plus épineuse qui se pose à l’heure actuelle est de savoir comment concilier les exigences d’ordre sécuritaire et celles relatives au respect des textes communautaires en matière notamment de libre circulation des personnes et de leurs marchandises au niveau de nos frontières. Abordant la question du développement de nos Etats, Pr. Sall a dit qu’il n’existe pas de modèle transposable d’un pays à un autre. Aussi, a-t-il invité tous ces chercheurs, économistes et intellectuels africains, qui ne jurent que par les modèles occidentaux, asiatiques et d’ailleurs, à repenser leur vision du développement de nos Etats. Car, a-t-il dit, «nous devons refuser que le passé des autres soit notre futur ».
Rebondissant sur cette boutade bien à propos lancée par le conférencier, un autre éminent chercheur, Pr N’Galadjo Lamber Samba, a indiqué qu’il faut surtout repenser la notion de l’économie politique pour l’Afrique et éviter que les économistes africains ne continuent d’être des ‘’intellectuels perroquets’’.
En conclusion, a dit le conférencier Alioune Sall, il nous revient en Afrique de changer le ‘’logos’’, c’est-à-dire le discours, nous résoudre à aller à la conquête de notre avenir, et inscrire tout ce qu’on entreprend dans la durée.
Assane Soumana, envoyé spécial(onep)