En cette année 2020 marquée par la pandémie de covid 19, la France a choisi de célébrer sa fête nationale du 14 juillet dans la sobriété. A Niamey, comme dans la plupart de nos ambassades, le respect nécessaire des mesures sanitaires et de distanciation sociale ne permettra pas d’organiser de manifestation publique ni de recevoir nos invités français et nigériens. Je tenais néanmoins, par cette tribune dans le quotidien Le Sahel, à témoigner de l’importance et de la qualité de la relation entre la France et le Niger.
Je commencerai par le sujet qui préoccupe le monde entier depuis six mois, à savoir cette terrible pandémie de covid 19 qui, après son apparition en Chine fin 2019, a frappé des dizaines de millions de personnes sur la planète et causé la mort de près de 550.000 personnes. Le Niger a pour sa part réagi très énergiquement et suffisamment tôt, par une série de mesures sanitaires et d’ordre public, pour contenir la propagation de ce virus. Ces mesures ont eu un impact déterminant dans la faible progression de la maladie et dans les excellents résultats obtenus jusqu’à présent dans ce combat. La communauté française du Niger a pour sa part scrupuleusement respecté les consignes gouvernementales et n’a heureusement pas eu à ce stade de décès ni même de cas grave à déplorer. La résilience du Niger dans cette épreuve mérite d’être saluée.
Mais malheureusement, même si son expansion reste relativement contenue en Afrique, le covid 19 a néanmoins considérablement affecté le continent : importante pression sur les systèmes de santé, dont les ressources restent fortement mobilisées par cette lutte ; choc économique et humanitaire engendré par la crise économique mondiale majeure qui s’annonce. C’est la raison pour laquelle le Président de la République française, M. Emmanuel Macron, a souhaité que l’Union européenne puis le G20 se mobilisent aux côtés de l’Afrique pour faire face à ce défi sans précédent. Dans les réunions du G20 de mars et avril derniers, la France a été à la pointe du combat en faveur d’un moratoire sur le service de la dette des pays à bas revenus. Dans toutes les enceintes internationales, la France a plaidé –et continue de le faire- pour qu’un paquet massif de mesures de soutien économique soit déployé afin de donner aux pays africains des marges de manœuvre pour financer la lutte contre la pandémie et, plus encore, ses effets indirects économiques et sociaux.
Au Niger, la France –notamment par l’intermédiaire de l’Agence française de développement (AFD)- s’est fortement mobilisée pour soutenir les efforts du gouvernement dans la lutte contre le covid 19. Près de 9 Milliards de FCFA (13,7 M€) ont ainsi été alloués au Niger pour répondre à cette crise, essentiellement via le «Fonds commun Santé» et pour appuyer le CERMES, membre du réseau international des Instituts Pasteur, qui joue un rôle essentiel dans les tests de dépistage de la maladie. Ces financements s’ajoutent aux appuis très importants de l’Union européenne et de ses Etats membres au plan de riposte du Niger. L’Europe reste plus que jamais, et de très loin, le principal partenaire du Niger dans le domaine de la santé.
Sur le plan humanitaire, dans un contexte difficile aggravé par l’épidémie, le soutien français au Niger s’est élevé à plus de 4 Milliards de FCFA (6,2 M€) depuis le début de l’année alloués aux agences onusiennes, au CICR et à des ONG internationales pour offrir une assistance d’urgence aux populations affectées par les crises et renforcer les moyens de subsistance des populations vulnérables.
Au-delà de la crise du covid 19, qui continue de mobiliser beaucoup de moyens et d’énergies et dont nous souhaitons tous définitivement venir à bout le plus rapidement possible, je souhaiterais souligner combien la coopération entre la France et le Niger reste importante, et même exceptionnelle, dans beaucoup de domaines.
En 2019, l’Agence française de développement a ainsi financé près de 67 Milliards de FCFA (102M€) de nouveaux projets, portant à plus de 393 Milliards de FCFA (600 M€) ses soutiens cumulés sur 10 ans en faveur du développement au Niger. En 2020, l’AFD va octroyer près de 92 Milliards de FCFA (140 M€) supplémentaires au Niger. C’est un effort considérable, qui témoigne d’un engagement constant de la France aux côtés du Niger et du peuple nigérien.
Parmi les réalisations les plus remarquables obtenues récemment grâce aux financements de l’AFD, en partenariat avec l’Union européenne, on peut citer par exemple le projet d’extension et de renforcement des réseaux de distribution électrique de la NIGELEC, qui permet l’accès à l’électricité à 315.000 personnes supplémentaires à Niamey et 114.000 personnes dans les localités de Gouré, Ouallam et Tchintabaraden.
On peut aussi mettre en exergue le projet d’extension et de densification du système de distribution d’eau de la SPEN à Niamey, en coopération avec la Belgique, les Pays-Bas et l’Union européenne, qui a permis la réalisation de 15.700 branchements individuels et de 170 bornes fontaines à travers la ville.
Je tenais à citer ces quelques exemples d’actions de coopération, parmi tant d’autres, pour souligner leur impact direct sur la qualité de vie de la population nigérienne.
Dans le domaine de la coopération culturelle, universitaire et scientifique, la France demeure le premier partenaire du Niger, au bénéfice, avant tout, de la jeunesse du pays.
En matière d’appui au secteur de l’éducation, l’AFD vient d’obtenir 50 Milliards de FCFA (75 M€) du Partenariat mondial pour l’éducation qui viennent abonder le Fonds commun de l’éducation du Niger auquel contribuent également le Luxembourg, la Suisse, la Norvège et l’UNICEF. Dans le domaine de l’enseignement supérieur, la France reste la première destination internationale des étudiants nigériens. Les mobilités étudiantes vers la France progressent continuellement depuis 2012 (plus de 1000 étudiants nigériens suivent des cursus en France, avec un flux de 400 nouveaux étudiants chaque année). Nos appuis à la mobilité encouragent autant que possible les candidatures féminines, en collaboration étroite avec l’ensemble des universités du Niger et les instituts de recherche.
Notre réseau culturel au Niger, qu’il s’agisse des Centres culturels franco-nigériens de Niamey et Zinder ou des Alliances françaises d’Agadez et de Maradi, a su élargir ses missions, avec une diffusion culturelle qui vise l’émergence des nouveaux talents mais aussi, par exemple, un soutien à la pratique sportive dans les établissements scolaires (projet des «Olympiades de la jeunesse du Niger» qui a mobilisé cette année plus de 40.000 écoliers nigériens, garçons et filles à parité, autour de compétitions sportives) ou à la réinsertion des mineurs en détention.
Le soutien de la France se porte également sur les organisations de la société civile, dans des domaines aussi variés que la promotion et la défense des Droits de l’Homme, l’autonomisation économique des femmes, l’environnement et l’adaptation au changement climatique, la jeunesse et le sport.
Ce partenariat d’exception entre la France et le Niger se manifeste donc dans beaucoup de domaines. C’est naturellement le cas, et je terminerai par ce sujet essentiel pour nos deux pays, dans le domaine de la sécurité et de la défense.
J’ai souligné dans les colonnes du Sahel il y a quelques semaines combien les derniers mois et les dernières semaines avaient marqué un renversement du rapport de forces sur le terrain dans la lutte contre les groupes terroristes.
On se souvient tous des terribles épreuves subies par le Niger fin 2019 et début 2020 à Inatès et Chinagodar. Je souhaiterais à cet égard, comme l’avait fait le Président de la République française en se rendant à Niamey le 22 décembre 2019 aux côtés du Président Issoufou, rendre une nouvelle fois hommage aux valeureux soldats nigériens, nos frères d’arme, tombés au champ d’honneur.
A la suite du sommet de Pau du 13 janvier 2020, qui a permis de recentrer les objectifs et les moyens sur la zone des «trois frontières» entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso et s’est traduit par un renforcement des engagements des partenaires internationaux, une dynamique très positive s’est enclenchée.
Sur le plan diplomatique, le lancement de la Coalition pour le Sahel, que les Etats du G5 Sahel appelaient de leurs vœux depuis longtemps, est un développement historique majeur. C’est un signal très fort de solidarité internationale à l’égard des Etats de la région, comme en a témoigné le succès de la visio-conférence ministérielle de lancement organisée le 12 juin dernier par M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, qui a réuni pas moins de 60 Etats et organisations internationales, dont 45 représentés à un niveau ministériel. Autre exemple de cette dynamique internationale, et particulièrement européenne, au profit du Sahel, la participation du Président de la République française et des chefs de gouvernements de l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie, ainsi que du Président du Conseil de l’Union européenne au sommet du G5 de Nouakchott le 30 juin, mérite d’être soulignée.
La Coalition pour le Sahel est donc déjà bien en place. L’Europe, ses institutions comme ses Etats membres, mais aussi nos partenaires américains et les pays voisins sont tous au rendez-vous. Ce succès est un gage de la pérennité de l’engagement international au Sahel.
Sur le terrain militaire, dès le début de l’année 2020, de nombreux succès ont été enregistrés par les forces armées nigériennes (FAN), avec un soutien renforcé de la force Barkhane, dont les effectifs ont été accrus. Ces opérations conjointes entre les FAN, Barkhane et la force conjointe du G5 Sahel, qui est elle-même fortement montée en puissance, ont donné d’excellents résultats. La mise en place à Niamey d’un poste de commandement conjoint «FCG5 – Barkhane» et d’une cellule d’échange de renseignements a pleinement contribué à l’efficacité de notre combat.
Cette dynamique, comme l’a dit le Président Emmanuel Macron le 30 juin à Nouakchott, nous allons la consolider et l’amplifier. Dans les semaines prochaines, de nouveaux partenaires européens vont s’engager sur le terrain, à travers l’initiative «Takuba» des forces spéciales. De nouveaux équipements, financés notamment par l’Union européenne et les Etats-Unis, vont être livrés. La France, pour sa part, va poursuivre et amplifier sa coopération militaire structurelle, déjà très forte, au profit des FAN , formation et équipement complet d’un bataillon spécial d’intervention (BSI) ; montée en puissance de la capacité « hélicoptères de combat» avec la cession attendue de deux nouvelles «Gazelles canon»; soutien accru à l’Ecole des personnels paramédicaux des armées de Niamey (EPPAN), appui aux capacités de commandement des FAN et à la formation des officiers de l’EFFOFAN, pour ne citer que quelques projets emblématiques. Cet effort conséquent se prolonge naturellement en matière de soutien aux forces de sécurité intérieure nigériennes : police, gendarmerie, garde nationale, tant dans les domaines de la formation que de la fourniture de matériels et d’équipements.
Au-delà de l’effort militaire, l’un des principes de base de la Coalition, qui est bâtie sur plusieurs « piliers », est que la victoire n’est possible que si parallèlement l’Etat maintient dans toutes les zones en crise ses administrations et ses services publics, des préfets, des policiers, des juges, notamment, au service des populations. C’est dans ces mêmes zones frappées par l’insécurité que l’effort d’aide au développement des partenaires du Niger doit se renforcer, sous l’égide de l’Alliance Sahel. La France y prend toute sa part, notamment dans la région de Tillabéri au profit de laquelle l’AFD a mobilisé un important portefeuille de projets de développement de 17 Milliards de FCFA (26M€), auquel s’ajoute un soutien direct de 1 Milliard de FCFA (1,65 M€) aux actions de cohésion sociale, de déploiement de l’administration, de mobilité des forces de sécurité intérieure et de renforcement de la chaîne pénale. Notre coopération se fait notamment avec la Haute autorité à la consolidation de la paix (HACP), dont la qualité du travail et l’importance cruciale méritent d’être soulignées.
Si la France est aux côtés du Niger et de ses partenaires du G5, c’est parce qu’elle est convaincue que la victoire sur les groupes terroristes est possible au Sahel et que la région n’est pas condamnée au terrorisme. Les efforts des six derniers mois nous ont montré le chemin. Nous allons les poursuivre et les amplifier dans le cadre de la Coalition pour le Sahel.
Vive la France !
Vive le Niger !
Vive l’amitié entre la France et le Niger!
Alexandre Garcia
Ambassadeur de France au Niger