Le nombre de girafes est passé de 49, en 1996, à près de 1.000 têtes en 2023, dans le Dallol-Bosso. Ainsi, en marge du lancement des consultations publiques entrant dans le cadre du classement de « l’habitat » des girafes de Kouré, le jeudi 18 avril 2024, le ministre en charge de l’environnement, le Colonel Maizama Abdoulaye, qu’accompagnent les gouverneurs de la Région de Tillabéri et de Dosso, a effectué une excursion dans la zone où vit l’espèce à l’état naturel. Au cours de cette immersion dans la zone, la forte délégation a trouvé un groupe de 11 girafes en pâture au milieu d’une forêt clairsemée d’acacias, entre le village de Kannaré et Harkanassou, dans la partie région de Dosso du site.
Il n’est pas évident de tomber sur un groupe aussi important en nombre. Car, selon les agents des Eaux et Forêts, la girafe vit en petits groupes dominés par un mâle, mais curieusement, conduits par une femelle. Au cours des discussions, entre la délégation du ministre, lui-même fin connaisseur du sujet, étant un officier supérieur du corps, et les responsables du site, l’on retient que les mâles sont très légèrement plus grands que les femelles et avec une robe généralement plus sombre. A la naissance, elle (girafe) mesure environ 1,80 m mais pourra atteindre 5,50 m lorsqu’elle sera adulte. La girafe est bien l’animal le plus haut du Globe. Comme son cousin dromadaire, elle marche et trotte à l’amble (elle avance alternativement les deux pattes gauches, puis les deux droites) ; au galop elle atteint les 50 km/h. Les visiteurs du jour, en long cortège n’ont osé courir après le groupe des 11 girafes, pour observer de plus près, quand il s’est décidé de fuir à l’opposé de la piste.
C’est bien la toute dernière population d’une espèce jadis répandue sur toute l’Afrique de l’Ouest, qui se trouve entre les plateaux tabulaires de la bande sud du Sahel nigérien et les vallées plus ou moins boisées du Dallol Bosso, de meilleures conditions de vie, grâce aux efforts de protection et d’aménagement, malgré une dégradation continue du fait des défrichements et la coupe abusive du bois, le réchauffement et la variabilité climatiques. Mises en mouvement vers la boucle du Niger par l’aridité dans la bande nord-sahélienne, dans les années soixante-dix (70), les girafes d’Ayorou comme on les appelait à l’époque, ont fait l’objet d’agressions multiples qui les ont finalement rabattues plus au sud, pour adopter comme habitat la brousse tigrée et les dallols plus adaptés à leur mode de vie. Jusque dans les années 1990, l’espèce se comptait au bout des doigts. Au fil du temps, de quelques 49 têtes recensées en 1996, réparties dans les communes de Kouré, Harikanassou, Ngonga, Dantchandou et Fakara, le nombre de girafes atteint un millier de têtes aujour d’hui. Leurs habitats se répartissent sur une large étendue incluant 19 communes, de Niamey à Tahoua, en passant par certaines localités des régions de Dosso et de Tillabéri.
Sous la pression des défrichements et de la mise en culture des parcours
Selon les Eaux et Forêts, la disposition remarquable des bandes boisées, caractéristique des zones tabulaires cuirassées et planes que l’on observe dans le sud-ouest du Niger, en particulier aux environs de Niamey, ne se retrouve ailleurs qu’en de très rares endroits de la planète. L’on y trouve, en effet, plusieurs espèces d’arbres et d’arbustes propres à la région, notamment des acacias et plusieurs espèces de la famille des Combretaceaes tels que Guiera senegalensis, Combretum micranthum etc.… et bon nombre d’épineux sahéliens au rang desquels Ziziphus mauritiana (le jujubier), Balanites aegyptiaca, champion de la résistance à la sécheresse ou encore des câpriers Capparis qui dominent les peuplements. Et les girafes consomment tous ces ligneux avec avidité et se jouent de leurs épines, mais elles sont malheureusement de plus en plus intéressées par les champs cultivés : le haricot en particulier est l’objet de toutes leurs attentions, apprend-on.
Du reste, l’habitat des girafes de Kouré est menacé d’une part, par les effets asymétriques du changement climatique accentuant la déforestation et d’autre part, par l’extension des cultures. Les surfaces de pâturage se réduisent alors constamment. Le régime alimentaire de l’animal est presque exclusivement constitué de feuilles et de rameaux d’arbres et d’arbustes. La pression exercée par les hommes (défrichements, mise en culture des parcours) limite la ressource de jour en jour et les girafes prennent goût aux cultures vivrières qui sont la base de l’alimentation des communautés locales. C’est ainsi qu’elles vouent une passion sans borne au haricot, ce qui ne va pas sans poser de problèmes aux villageois qui les cultivent. Les girafes n’hésitent plus à venir flairer les paniers et greniers, pénétrant ainsi dans les villages et posant de plus en plus de problèmes de cohabitation avec les habitants, pourtant bien patients vis à vis de leurs voisins au long cou (les dromadaires). C’est là toute la nécessité de circonscrire et classer l’habitat des girafes afin de préserver l’espèce emblématique, l’une des grandes merveilles touristiques attractives de notre pays.
Ismaël Chékaré, (ONEP) Envoyé Spécial