«Les caravanes partaient toujours groupées, réunissant entre 3.000 et 20.000 dromadaires afin d’affronter le désert et les pillards, mais surtout de faire face aux raids des Toubous venus du Tibesti. La Route du sel est donc extrêmement périlleuse à cause des deux éléments : le désert du Ténéré et les attaques et autres raids en tout genre», se souvient encore le maire Mahamat Boubacar Djaram. «Lors de la pénétration française, l’insécurité menaçait constamment le commerce transsaharien. Des compagnies Méharistes se sont alors créées pour escorter les caravanes. A cette époque les salines de Bilma enregistraient le passage de 7.000 à 30.000 dromadaires par an», souligne M. Ousmane Garba, professeur d’histoire à Agadez. Il a ajouté qu’en décembre 1916, la révolte des Sénousites dirigée par Kaocen à Agadez contre l’occupation française, avait mis fin provisoirement à ces caravanes.
«Elles n’avaient repris qu’en 1920 et leur importance n’a cessé d’augmenter. En 1988, 5.000 dromadaires parvenaient à Bilma», a-t-il rappelé. «Avec l’amélioration de la sécurité, les hommes osaient affronter le redoutable désert par petits groupes. Les caravanes remettaient leur sort entre les mains d’un seul homme le ‘‘Madougou’’ qui seul connaissait le chemin», ajoute l’historien. Cette route des caravanes passait obligatoirement par le fameux arbre du Ténéré à l’est d’Agadez, où les animaux s’abreuvaient une dernière fois avant la grande traversée. «Le cycle caravanier durait 9 mois. De juin-juillet à septembre, les hommes restaient en brousse laissant leurs troupeaux au pâturage. Dès la fin septembre, chargé de mil et de produits de l’Aïr, la caravane de sel les conduisait aux salines de Bilma. Traversant le Ténéré aller-retour en 35 jours environs, ils parcouraient 1.200 à 1.500km : c’est la «Tafordé» ou la route du sel ou «Tarlam» «la file de chameaux», précise le professeur.
Au retour, poursuit-il, la caravane se fractionnait et de petits groupes descendaient vers le sud du Niger avec le sel et les dattes, c’était ‘‘l’Airam’’ ou la caravane du mil. Après avoir vendu leur sel sur les marchés régionaux, ils achetaient le mil dès le début de la récolte. Ils séjournaient ensuite 3 mois en pays haoussa, le temps pour les chameaux de refaire la bosse en se gavant des résidus des récoltes dans les champs. En échange, ils laissaient le fumier dans les champs. Ils revenaient enfin chez eux en juin avec le mil et d’autres denrées. 3 mois après, la saison des pluies passée, ils repartaient avec le mil pour un nouveau cycle. Telle était le cycle des caravanes qui, jadis, sillonnaient les vastes étendues désertiques nigériennes.
Mahamadou Diallo(Onep)