Comme pendant les années antérieures, ce sont des milliers d’éleveurs, venus d’horizons divers, qui se retrouvent sur les terres salées de In’gall pour cette importante manifestation du monde rural.
La petite palmeraie de In’ Gall, lieu de rassemblement annuel de la Cure Salée ou Tinekert, est située à 160 km au sud-ouest d’Agadez. À mi-chemin entre Agadez et Tahoua, elle se trouve dans la dépression périphérique de la falaise de Tiguidit.
Dans cette zone, le temps a fait son œuvre et sous des climats pluvieux, des alluvions se sont déposés aujourd’hui pour devenir des argiles colorées qui font la beauté de plaines aux horizons infinis. Entre ces reliefs s’étend une immense plaine parsemée d’îlots, avancée des falaises de grès du Tégama, de Tiguidda et de la montagne d’Azuza qui se trouve au-delà de l’Irhazer. Dans l’îlot central, moins élevé, le grès apparait à nu, et les sources, profitant de ces cassures, émergent des creux des rochers de Tiguidda, Gélelé et Azelik. C’est aussi le début de l’ancienne vallée fossile de l’Azawak, qui serpente jusque dans le Dallol Bosso.
In ‘Gall est une terre de contrastes entre les koris, les lits de sable et les plaines où le vent arrache une fine poussière qui souvent tourbillonne en se déplaçant rapidement à la verticale vers le ciel jusqu’à 150 mètres de hauteur. Cette poussière et ce vent caractéristiques des milieux sahariens secouent les arbres avant de s’échouer sur les montagnes environnantes avec moins de violence d’une grande marée ou d’une tempête. À la croisée des grandes routes caravanières, In’ Gall, tel un mirage surgi des grands espaces désertiques, a été bâtie en contrebas de la colline Awalawal. Aujourd’hui, la perle de l’Irhazer wan-n- Agadez tente de donner un sens à son destin.
La ville des Inghallawas ne semble pas oublier un passé qu’on évoque assez souvent comme si le temps s’est arrêté à une époque récente de son apogée. Blottie entre une palmeraie et une ceinture verte, la cité d’In’ Gall se laisse découvrir dans toute sa splendeur et ses mystères. Grâce au florissant commerce caravanier, In’Gall fut une plaque tournante des activités socio-économiques de Tahoua, Agadez d’une part, et Assamaka, Tamanrasset et Arlit d’autre part. Le commerce des dattes, de sel et des produits pastoraux a été florissant à un moment donné de l’histoire.
La ville d’In’ Gall est animée et ses ruelles invitent les visiteurs à la découverte. Comme si le village s’est organisé dans une unité solidaire, pour se protéger des razzias d’une époque révolue, le vieux noyau urbain conserve ses concessions étroitement serrées, ses ruelles étroites qui forment un véritable labyrinthe difficilement accessible aux visiteurs dans les anciens quartiers de Agafaye, Akoubla, Agazirbéré, Tazaikoyo, Iguiwantalak, Bourgou, Langoussoun Bené, Ataram, Téguef Koyo, etc.
Les populations locales parlent le Tasawaq, très spécifique à base de Songhay, Arabe et Tamasheq (Nicolaï). Dans ces contrées où beaucoup de mouvements de population ont eu lieu, le Songhay, ou un proto-songhay, était sans doute une langue véhiculaire, mais peut-être pas seule, car l’Aïr occupé par des Gobirawa et le site de Maranda (falaises de Tiguidit) étaient plus vraisemblablement hausaphones. Des traditions orales Hausa les font même remonter jusqu’au massif de Teleginit, non loin d’Azelik.
Toujours est-il que l’Ighazer paraît être à la fois la limite orientale d’un véhiculaire songhay, et la limite septentrionale d’une influence Hausa, dans un espace-temps qui peut être compris entre le VIè et le XVIèsiècle. Ce pourrait donc être suite à la destruction de Azelik-Takedda que le Tasawaq serait né et devenu une langue vernaculaire pour des populations « réfugiées » à Agadez et Ingall, leur conférant ainsi une identité nouvelle dans une zone d’influence toujours mouvante, au milieu du XVIè siècle.(Michael J. Rueck &Niels Christiansen – 1998 in ‘’Les langues du Songhay septentrional au Mali et au Niger‘’).
Le marché local rassemble de nombreux éleveurs peulhs et touaregs autour de quelques commerçants arabes et haoussas et des populations résidentes. On y trouve de beaux harnachements de chameaux, des tissus indigo qu’affectionnent les Touaregs, des bijoux, des fanfreluches, de selles de méhari confectionnées avec art etc.
En effet, la localité d’In’ Gall est très riche en produits artisanaux notamment la croix d’Ingall ou Tanfuk tan’ Azref ( Azref en Tamasheq signifie argent » apparue, vers le milieu du XXè siècle et qui figure de nos jours au nombre des croix des régions touarègues du Niger comme celle d’Agadez ou Teneghelt qui depuis le début du siècle connait une grande notoriété.
Très particulière dans la tradition des Touaregs de l’Aïr et de l’Azawak du Niger la Teneghelt tan’ Agadez dénommée par les européens « croix d’Agadez ».est l’un des plus anciens bijoux parmi ceux connus actuellement et pendant de nombreuses années le seul, à être appelé ainsi et qui a gardé son nom jusqu’à aujourd’hui.
L’artisanat d’art utilitaire, riche et varié a acquit une notoriété pas des moindre au plan national et international et s’impose sur le site de la palmeraie de In’ Gall. Devant la tribune officielle construite en matériaux définitifs, le tendé résonne, frénétique, et les peulhs bororos ou waddabés animent le guéréwol, la grande fête de la beauté, qui donne l’occasion à des mariages bororos.
Pendant la curée salée, la fête ne s’arrête pas aux seuls portes de In’ Gall. Le tendé se fait entendre jusque dans les campements mélancoliques où des crêtes l’on
n’est toujours pas surpris de voir de belles silhouettes des méharées touaregs et peulhs surgir des plaines et des horizons sans fin qui frémissent en mirages où l’on voit se refléter le moindre arbuste ou le chameau de passage, dont les lignes verticales prennent des dimensions sans proportion avec la réalité.
La cure salée, est née de l’expansion des pasteurs touaregs vers le sud nigérien où ils avaient établis des relations multiséculaires et qui chaque année, perpétuent la remontée vers le sud pour revigorer leurs animaux avec la cure dans les pâturages salés de l’Irhazer. Ce grand mouvement de la transhumance pastorale en direction des zones salées est plutôt un mouvement progressif des pasteurs nomades qui s’opère dès les premières pluies et jusqu’à la fin de l’hivernage pour libérer les zones agricoles du sud et exploiter les pâturages du nord.
Le bétail y trouve l’amcheken, plante caractéristique de cette plaine et boit l’eau salée aux sources de Tiguidan Tessoum, de Gélélé, d’Azelik, d’In’abangarit et de Fagoshia.Le secteur de l’élevage constitue la principale activité économique et la source essentielle de revenus des populations de la commune d’In’ Gall, voire du département.
Autrefois, la cure salée était pour les nomades, l’occasion de préparer les transactions avec la Taghlam (caravane de sel), mais surtout de s’entretenir et de traiter avec d’autres caravaniers venus d’horizons nord africains.Des siècles durant le rassemblement des éleveurs avait servi de cadre non seulement de retrouvailles et d’échanges, mais surtout de règlement des conflits.
L’autre richesse de In’ Gall c’est la palmeraie établie sur les terrasses du lit d’un kori (oued) issu de la falaise de grès toute proche. La variété des dattes qui font la notoriété de In’ Gall dénommée El medina appréciées, consistantes et d’un goût sucré a été rapportée de Médine par les Isherifen, qui seraient fondateurs d’In Gall.
In’gall a été créée au milieu du XVIè siècle et la période coloniale à commencé avec l’installation d’un poste administratif par le Lieutenant Jean en septembre 1904. La construction du fort commença en 1917 et servit de fort militaire jusqu’en 1941 avant de devenir successivement école coloniale, école publique à l’indépendance en 1960 .Cette école fut abandonnée vers 1976 et aujourd’hui sert de Musée d’ossements de dinosaures , qui par manque de financement malgré les richesses archéologiques de la région, n’a aucune renommée.
Par Abdoulaye Harouna (onep)