
M. Abdoul Karim Abdou Madougou
La convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée en décembre 2006 par les Nations Unies, ratifié par le Niger en juin 2008, précise que les services d’éducation et les écoles doivent prendre en compte les personnes en situation de handicap. Au Niger, le droit à l’éducation des enfants handicapés a longtemps été assuré par le gouvernement à travers les écoles d’internats spécialisées pour offrir à ces enfants la chance d’étudier. Bien qu’ayant répondu à un besoin au moment de leur création, ces internats sont aujourd’hui dépassés avec la nouvelle approche des organismes des Nations Unies, notamment l’Unicef qui prône l’inclusion.
En effet, cette nouvelle approche inclusive vise à mettre les enfants en situation d’handicap avec ceux qui ne l’ont pas. L’esprit étant de créer des liens de compréhension mutuelle, mais aussi de développer chez l’enfant handicapé sa sociabilité, sa capacité à interagir avec d’autres enfants pour lui garantir une vie plus confortable. C’est pourquoi le Directeur des programmes de la Fédération Nigérienne des Personnes Handicapés, M. Abdoul Karim Abdou Madougou estime que les internats constitués uniquement d’enfants handicapés ne sont plus d’actualité.
La bonne méthode, dit-il, il faut que tous les enfants avec ou sans handicap soient mis ensemble dans les écoles. Lorsque vous mettez des enfants handicapés auditifs entre eux, c’est normal quand ils grandissent, qu’ils aient un niveau d’interaction faible avec les personnes qui entendent. C’est aussi normal qu’ils comprennent peu les autres et c’est normal que les autres les comprennent de façon assez faible. Ce qui conduit à l’avènement des préjugés. « On dit qu’une personne handicapée auditive est bagarreuse, pourquoi parce qu’on n’a jamais vécu avec elle, on a juste développé des préjugés de manière arbitraire et injuste », illustre-t-il.
Dans le système éducatif du Niger, les écoles essaient depuis quelques années d’intégrer ces enfants dans des écoles ouvertes à tous, non spécialisées. Une initiative boostée par les partenaires, qui d’ailleurs a déjà porté ses fruits. C’est le cas à Doutchi, raconte le directeur des programmes de la FNPH. « On est rentré dans une école dans laquelle les enfants qui entendent parlent la langue des signes, l’enseignante était en train de dispenser le cours en langue des signes, donc l’enfant qui n’a aucun handicap en grandissant, a appris la langue des signes avec son camarade. Est-ce que demain, il va discriminer la personne qui n’entend pas ? Est-ce qu’il aura des problèmes d’interaction avec la personne qui n’entend pas ? », s’interroge-t-il.
Dans 15 à 30 ans, si cet ambitieux programme est mis en application sur toute l’étendue du territoire national, peut-être, il serait possible d’espérer que les parents des enfants qui naissent avec des handicaps laisseraient l’exploitation de ces jeunes enfants par la mendicité. C’est en tout cas le vœu de M. Abdoul Karim Abdou Madougou. « On aura une nouvelle génération de personnes ayant étudié ensemble et qui n’auront pas les mêmes préjugés que nous aujourd’hui », ajoute-t-il.
Selon, M. Abdoul Karim, l’éducation inclusive est la solution qui permettra aux enfants de grandir ensemble et de se voir comme des camarades, des adversaires, des personnes. Voilà pourquoi les internats qui accueillent uniquement les enfants en situation de handicap, s’ils ont été très utiles et nécessaires, c’est grâce à eux qu’on a eu les toutes premières promotions d’enfants handicapés qui ont été à l’école ; surtout les handicapés visuels, auditifs et intellectuels. Ils sont nécessaires, mais plus adaptés au contexte. « Ce qui m’amène à parler des autres internats qui n’accueillent pas les enfants handicapés », a-t-il spécifié.
Le Directeur des programmes à la FNPH plaide pour que les filles handicapées soient également admises dans les internats des jeunes filles qui sont en train d’être mis en place. Pour ce faire, on doit penser à l’accessibilité des bâtiments au moment de la construction. Les internats pour personne handicapée doivent s’ouvrir aux autres enfants qui n’ont pas d’handicap, les internats pour tout le monde doivent pareillement accueillir des enfants handicapés de tous les types. « Les internats oui, mais des internats accessibles, inclusifs et surtout sécurisés », précise-t-il.
Toutefois, la question sécuritaire des enfants en situation d’handicap inquiète aussi le directeur des programmes, car dit-il, il y a beaucoup d’abus envers les filles handicapées qui encourent énormément de risque. Il évoque les cas d’abus sur des filles handicapées surtout celles avec un handicap intellectuel. « On a trouvé à Magaria une fille adolescete handicapée intellectuelle tombée enceinte suite à un viol et dans le village personne n’a osé dénoncer. Récemment aussi à Gaya, une autre jeune fille de 15 ans avec handicap physique a été abusée. Il y a tant de vulnérabilité dans les écoles, dans les internats », a-t-il confié.
Hamissou Yahaya (ONEP)