
Les panneaux solaires, un investissement économique
Plus de soixante-trois (60) ans après son indépendance, et malgré la diversité des ressources énergétiques dont le Niger dispose, le pays n’arrive pas encore à produire la quantité d’électricité nécessaire aux besoins de sa population. Il dispose pourtant des ressources naturelles nécessaires pour devenir une véritable puissance énergétique dans la sous-région. Ainsi, suite aux sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA, la fourniture en électricité a été suspendue par le Nigéria, sachant que le Niger est dépendant à environ 70 % de son électricité qu’il achète à la société nigériane Main Stream. Le pays fait désormais face à un chantage énergétique depuis deux mois de la part d’un partenaire économique au mépris de toute règle. Cette crise a conduit les Nigériens à ne plus considérer l’électricité comme un simple produit de consommation, mais comme un vecteur prioritaire dans l’amélioration des conditions de vie et de travail. Malgré les efforts du gouvernement à travers la Société Nigérienne d’Electricité (NIGELEC) pour assurer la fourniture en électricité à travers un délestage programmé, les Nigériens en grande partie semblent s’en accommoder maintenant, car disent-ils, « la liberté a un coût ».
Riche en rayonnement solaire du fait de sa situation géographique et de son climat, la population nigérienne s’est tournée vers l’utilisation des énergies renouvelables dites énergies vertes, une source intarissable et dont personne ne peut nous en priver. Une source qui devient aujourd’hui une alternative d’apaisement de la population et de sortie de crise, mais aussi une véritable aubaine pour les sociétés qui évoluent dans le domaine du solaire.
L’utilisation de l’énergie solaire est en plein essor au Niger avec d’énormes avantages, si celle-ci est utilisée à grande échelle pour produire plus de Kilowatts et combler progressivement la dépendance en énergie importée. Dans le cadre de la bataille pour l’indépendance énergétique, ils sont nombreux ces jeunes promoteurs d’entreprises évoluant dans le solaire qui essayent, au mieux, d’apporter leur expertise pour aider leurs concitoyens à sortir de cette crise d’énergie injustement créée qui, du reste, n’est que passagère. Parmi ces nigériens, nous avons rencontré M. Ekawel Incazaman Mohamed, superviseur et installateur de panneaux solaires. Il est le promoteur d’Ekawel Energie Sarl, une entreprise qui évolue dans les BTP, les énergies renouvelables et les forages d’eau. Diplômé en communication, il dit aimer le bricolage depuis son bas âge. Ayant fait ses études en Chine, il a travaillé et s’est spécialisé dans les énergies renouvelables dans une entreprise chinoise au Niger. « Après deux ans de service dans cette entreprise au Niger, j’ai aimé déposer une plaque solaire, un régulateur, un convertisseur et avoir du 220. Au début, l’électricité était pour moi un jeu de bricolage et je me suis spécialisé dans le domaine », explique-t-il expliqué avec passion.
A la base le solaire était utilisé par trois catégories de personnes. Il s’agit des personnes qui veulent réduire leur coût d’électricité, des personnes qui ne veulent pas utiliser le groupe électrogène pour son bruit assourdissant et des personnes qui veulent s’autonomiser parce qu’elles estiment, qu’en temps normal la Nigelec avait ses petits problèmes. M. Ekawel a indiqué que la crise énergétique qui vient de surgir au Niger, a permis à certaines personnes qui étaient jusqu’à lors réticentes vis-à-vis de l’utilisation de l’énergie solaire de briser la glace. Ce qui amène M. EKAWEL à affirmer que l’énergie renouvelable est une solution à cette crise que traverse le Niger car, elle peut être rentabilisée et peut permettre de combler ce vide.
Le solaire : un investissement coûteux au début mais économique à long terme
En faisant le parallèle entre le solaire et les groupes électrogènes, cet expert estime que le solaire a certes un investissement initial plus conséquent, mais il est plus économique. « Le groupe électrogène consomme plus quand on fait le calcul, le solaire est plus économique », explique M. Ekawel. La valeur ajoutée par rapport à cette situation est que les gens ne se plaignent plus des coupures, tant que la personne a les moyens et connait la chronologie de ces coupures. Cela aide les personnes à garder le moral et à vaquer à leurs occupations.
Mais pour promouvoir les énergies renouvelables, notifie-t-il, les promoteurs ont besoin de certaines facilités par rapport à l’importation, à la contrefaçon et par rapport à certaines taxes locales et aux impôts jugés très lourds pour être supportés par les Petites et Moyennes Entreprises (PME). « En faisant cela, le coût d’achat serait réduit et va permettre à tous les ménages d’avoir un kit. Cela permettra aussi à l’Etat de subventionner de grandes centrales qui sont la solution pérenne » a fait savoir M. Ekawel.
Pour disposer d’un groupe électrogène pour un ménage ordinaire qui comporte 4 ventilateurs, un téléviseur, un frigo et un climatiseur, il faut un budget de 400.000 à 500.000 FCFA dans un premier temps. « C’est le premier investissement », a-t-il dit car, il faut parfois placer un inverseur qui coûte entre 100.000 et 150.000 FCFA, à cela s’ajoutent les frais de la main d’œuvre du technicien. « Le coût global est d’environ 700.000 francs pour un ménage simple, mais il ne faut pas oublier aussi le coût de l’entretien qui est infini. Il faut toujours mettre du gasoil et toujours faire la vidange et le groupe vieillit », détaille-t-il pour faire la nuance entre ces deux moyens d’avoir de l’électricité.

S’agissant du solaire, M. Ekawel estime le coût global dans un ménage simple à environ deux millions huit cent mille (2.800.000) francs. « Il va falloir faire un bon choix des batteries et un bon choix des panneaux puisque le secret du solaire c’est surtout les batteries. C’est elles qu’il faut bien choisir », conseille-t-il. En effet, ajoute M. Ekawel, indique, il y’a un type de batterie appelée batterie à lithium qui sont des batteries avec une durée de vie de plus de 15 ans, mais qui coûtent extrêmement cher. « C’est un investissement global en un seul temps, mais qui peut faire au moins 5 ans sans aucun problème », assure-t-il.
Pour vulgariser tout ce qui peut être énergie solaire et toucher le maximum de personne, M. Ekawel affirme que c’est une tâche du secteur privé et non du secteur public. Le public, dit-il, est obligé de collaborer avec le privé pour dispatcher tout ce qu’il y’a comme énergie solaire dans un territoire vaste comme le Niger. La piste de solution qu’il propose aux dirigeants nigériens, c’est de prendre en compte deux aspects qui sont les barrages hydro électriques et les énergies renouvelables qui sont intarissables car, pour lui, l’Etat doit vulgariser ces deux secteurs et faciliter l’accès aux matériels solaires de bonne qualité et de mettre sur pied un mécanisme de contrôle qualité.
Cependant, M. Ekawel souligne que les promoteurs privés des équipements solaires sont confrontés à des défis tels que l’accessibilité aux matériels, les problèmes liés au fisc notamment l’ARF et les déclarations qui sont un véritable casse-tête. « Entre autres défis, il y’a la cherté du matériel à cause des spéculations des commerçants. Un convertisseur de 5KVA en Chine, de l’achat jusqu’à la livraison au Niger coûte environ cent quatre-vingt-cinq mille (185 000) franc alors qu’actuellement, le même matériel est revendu sur le marché auprès de nos commerçants à six cent mille francs (600. 000)», déplore-t-il. C’est pourquoi, M. Ekawel préconise à l’Etat une règlementation rigoureuse dans ce secteur d’avenir.
M. Laminou Nassirou Nassir est quant à lui Directeur fondateur de Niger Électro-Services « NES ». Il est spécialiste des énergies renouvelables et promoteur de l’entreprise créée en 2012 qui intervient dans divers domaines, notamment celui du solaire comme la commercialisation des équipements solaires (électrification, éclairage, et irrigation solaire), dimensionnement, montage et confection des kits solaires.
A travers son entreprise, M. Laminou Nassirou apporte sa contribution pour améliorer l’accès à l’énergie solaire au Niger et par la même occasion créer des emplois aux jeunes. Ce passionné de l’énergie solaire estime que les équipements solaires photovoltaïques ou thermiques certifiés peuvent être la seule solution durable pour atteindre l’indépendance énergétique à laquelle aspire tant le Niger.
Pour lui également, le secteur privé peut et doit beaucoup aider la population à accéder facilement et à faire la promotion de l’énergie solaire au Niger, surtout dans les zones non couvertes par le réseau électrique national. « Le Niger est vaste et la NIGELEC ne peut pas satisfaire toutes les populations pour l’instant », estime-t-il. En dehors du secteur privé, le pays cherche à s’affranchir de cette dépendance en misant sur l’énergie solaire mais surtout en construisant son propre barrage de Kandadji sur le fleuve qui serait opérationnel en l’an 2025.
Aminatou Seydou Harouna (ONEP)