
Le morcellement, à Niamey...
La question de la sécurisation des droits fonciers est au centre des préoccupations. En effet, dans un contexte marqué par la course aux terres, on assiste de plus en plus à une recrudescence des litiges fonciers dans les tribunaux. Au quotidien, des conflits dont la nature témoigne de la complexité, éclatent, trainent, et entrainent souvent des regrettables pertes vis-à-vis de l’une ou l’autre partie. D’une part, l’on peut déplorer un laisser-aller des pouvoirs publics, face aux pratiques de morcellement des terrains, de faux et usage de faux, falsifiant certains actes fonciers, face à la corruption, à l’escroquerie et aux lotissements non conformes. Les causes de l’insécurité foncière sont multiples, selon le directeur de la fiscalité foncière et cadastrale (DFFC), M. Maliki Idrissa Alzouma, et avec des effets néfastes sur la vie socioéconomique des citadins. Pourtant, la sécurisation des droits fonciers est un enjeu important pour la réduction de la pauvreté et le partage de la prospérité.

L’insécurité foncière est une question abstraite pour beaucoup, des personnes lésées, dépourvues de leur droit foncier, c’est une réalité très concrète. Selon le directeur de la fiscalité foncière et cadastrale (DFFC), M. Maliki Idrissa Alzouma, les principales causes de l’insécurité foncière à Niamey sont, entre autres, la pluralité de gestion de certains espaces entre l’Etat, la ville, la commune, les organes du comité du code rural et les promoteurs immobiliers, impliquant ainsi une pluralité d’acteurs dans la délivrance des titres de propriété (multitude d’actes de propriété). A cela s’ajoutent les limites communales et des terroirs non fixées et non précises, le manque de planification urbaine (manque de schémas d’aménagement urbain et de plans d’occupation des sols), le manque d’encadrement de constructions non autorisées et la libéralisation du secteur foncier en autorisant les lotissements privés sans au préalable définir un cadre organisationnel bien qu’ils aient contribué à l’accès au logement.
Le morcellement irrégulier des réserves foncières, l’inactivité des services d’urbanisme communaux et nationaux, la viabilisation des zones d’occupations anarchiques par adduction d’eau potable et d’électricité et l’implantation de lotissements de la ville de Niamey et leurs extensions qui ne tiennent pas compte des limites des communes environnantes et vice-versa, contribuent également à créer une insécurité en milieu urbain.
A ces causes s’ajoutent la non-association des responsables coutumiers en matière d’aménagements fonciers, l’absence de contrôle et numérotation des ilots des lotissements par les services compétents du ministère des finances (direction de la fiscalité foncière et cadastrale) et le lotissement effectué par des personnes non qualifiées.
Le phénomène, a expliqué le premier responsable de la direction de la fiscalité foncière et cadastrale, engendre des effets néfastes sur la vie socioéconomique des citadins tels que la recrudescence des litiges fonciers tant dans les milieux coutumiers que dans les tribunaux, l’inflation galopante du prix des terrains avec ses corollaires de spéculation foncière, le bradage et l’occupation anarchique des espaces fonciers publics, l’expansion démesurée de la ville de Niamey. Une autre conséquence d’ailleurs très fréquente, c’est la vente des terres à des entreprises étrangères par les promoteurs immobiliers ou les détenteurs coutumiers, rendant du coup la spéculation abusive.
Aussi, on assiste de plus en plus à une disparition de la végétation, une réduction des espaces récréatifs et sportifs, des espaces réservés à l’agriculture et à l’élevage, notamment les couloirs de passage des animaux, les aires de repos et de pâturages, une production abondante de déchets mal gérés (les quartiers périphériques sont devenus d’immenses décharges non réglementées).
Des pratiques de sécurisation à mettre en œuvre pour protéger le capital foncier
La sécurisation des droits fonciers est un enjeu important pour la réduction de la pauvreté et le partage de la prospérité au niveau du pays mais aussi de la population. C’est pourquoi, a estimé le directeur de la fiscalité foncière et cadastrale, il serait important de mettre à jour le schéma d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Niamey et ses alentours, mettre en place un cadastre ou du moins un registre foncier urbain qui permettrait de diminuer les conflits fonciers et mettre en place une cartographie géo-spatiale. L’utilisation des technologies modernes de cartographie (SIG, Drones) pour la gestion efficace des espaces peut aussi contribuer à sécuriser le capital foncier. Au-delà, il faut procéder aux opérations de restructuration des villages urbains, arrêter les lotissements privés et procéder à leur audit et à une révision des critères et textes y relatifs.

Pour pallier l’insécurité foncière en milieu urbain, insiste M. Maliki Alzouma, il faut cesser l’émission des actes de cession d’immeubles non bâtis et des attestations de détention coutumière, assurer un suivi régulier des réserves foncières par les autorités en charge de leur gestion et vulgariser les textes en matière d’urbanisme et d’occupation des sols tout en menant des actions de sensibilisation et de communication ciblées pour informer les populations des règles relatives à l’occupation des terrains et des conséquences et sanctions encourues en cas d’occupation illégale.
« Il faut également créer des comités interministériels de suivi des espaces verts et des réserves foncières, laisser à la direction de la fiscalité foncière et cadastrale ses prérogatives d’antan de contrôle des lotissements et numérotation des ilots ayant en charge l’immatriculation des lotissements et de parcelles », a-t-il suggéré.
Par ailleurs, on doit aussi élaborer un schéma d’aménagement foncier de la région de Niamey, afin d’inventorier et sécuriser les espaces ruraux, rendre obligatoire l’immatriculation des terres et des propriétés par un processus beaucoup plus simplifié et sécurisant, informatiser les titres fonciers. En effet, face à l’urbanisation rapide de la ville de Niamey, l’impératif de développement durable exige que les biens fonciers soient gérés de façon à ce que la sécurité d’occupation puisse être garantie à une population urbaine en expansion aujourd’hui et demain. En outre, les registres fonciers et les informations sur les terrains doivent être utilisés de manière à favoriser le bon fonctionnement des systèmes qui contribuent au développement durable des villes, notamment dans les domaines de l’aménagement urbain des services, de l’infrastructure, de l’offre des logements, de la protection de l’environnement, de la gestion des déchets, des transports, des équipements collectifs et du cadre de gouvernance qui joue un rôle fondamental.
Rahila Tagou (ONEP)