
Séance de formation au centre des jeunes Djibo Koubou de Yantala
Au Niger, les jeunes en particulier les filles font face à plusieurs difficultés pour accéder à l’éducation ou achever leur scolarité. Ces obstacles ont pour noms les pesanteurs sociales, certaines réalités comme le mariage précoce ou la grossesse à un âge précoce, les tâches ménagères. Une situation favorise la déscolarisation des filles et les plonge souvent dans une situation pas du tout enviable. Selon l’article «Être un enfant au Niger» (https://www.unicef.org/niger/fr/etre-un-enfant-au-niger » publié par l’UNICEF, 76% des filles sont mariées avant 18 ans, 36% des filles âgées de 15-19 ans ont déjà accouché ou sont enceintes et 26,9% sont seulement alphabétisées. Les disparités et irrégularités au sein de la société rendent difficile le parcours scolaire des filles qui se retrouvent souvent déscolarisées et sans emploi. Ce qui augmente le taux de chômage déjà élevé dans le pays et ralentit le développement socio-économique.
Les prévisions publiées par ‘’Open Edition Journals’’ en 2021 indiquent que le Niger a un taux d’analphabétisme de plus de 70 % de la population âgée de 15 ans à plus, avec 50 % des adultes de cette tranche qui seront analphabètes en 2024. Aussi, plus de 50 % des enfants de 7-12 ans sont déscolarisés, avec 60 % pour les jeunes de 13-16 ans, ce qui donne un total de 2.634.271 enfants et adolescents déscolarisés. Parmi ces jeunes ayant abandonné l’école pour plusieurs raisons, beaucoup se retrouvent à pratiquer la mendicité et deviennent des cas sociaux s’exposant à plusieurs dangers.
Des centres de formation pour aider à une insertion sociale et professionnelle
En vue de donner une meilleure vie à ces jeunes, garantir leur épanouissement et leur insertion socioprofessionnelle, le gouvernement a mis en place des Centres de Promotion des Jeunes (CPJ). Ces centres qui accueillent et forment les jeunes dans plusieurs domaines d’activités leur permettent d’apprendre un métier afin de mieux gagner leur vie et subvenir à leurs besoins tout en participant au développement de la société. C’est le cas du Centre des jeunes Djibo Koubou situé au quartier Yantala de Niamey, créé par arrêté N° 0029/MJ/IPJ du 1er Décembre 2004 du Ministère de la Jeunesse et de l’insertion socio-professionnelle des jeunes.
Selon la directrice de ce centre, Mme Moumouni Marthe Touré, l’établissement dispose d’un foyer féminin et offre des cours aux élèves du post CM2. Les matières enseignées sont regroupées en deux catégories dont des cours théoriques et des cours pratiques. « Nous enseignons également l’économie familiale, la couture, la restauration, les tricotages de crochet, la broderie, le tissage, et bien d’autres activités », a-t-elle précisé. Cette année (2024), le nombre d’apprenantes inscrites au centre est de 140 élèves tout niveau confondu pour une formation de trois (3) ans et des frais de scolarité de 17.500 FCFA par an. « Parmi ces élèves, nous avons des cas sociaux ou des orphelins pour qui, la formation est gratuite. Le centre accueille des jeunes filles, des femmes scolarisées, déscolarisées ou n’ayant jamais été inscrites à l’école, des femmes mariées qui n’ont pas pu terminer leurs études et des femmes divorcées à la recherche d’activités pour subvenir aux besoins de leurs enfants », a expliqué Mme Moumouni Marthe Touré.

Le centre a également dans son programme d’autres activités afin de mieux promouvoir l’insertion sociale de ces jeunes formés. « Nous avons initié des Activités Génératrices de Revenus (AGR) pour permettre à ces jeunes d’entamer des petits commerces en dehors de leur apprentissage dans le foyer. C’est le cas de la transformation agro-alimentaire à travers laquelle elles apprennent à faire du ‘’Bassi’’, du ‘’dégué’’, des bonbons, la préparation des encens, de parfums, de savons liquides, de savons durs, des produits cosmétiques, des articles décoratifs, etc. », a-t-elle ajouté.
Cependant, a notifié la directrice, ce centre fait face à quelques difficultés dont l’insuffisance d’agents qualifiés et de moyens financiers pour appuyer les activités menées, le manque de connexion internet, l’insuffisance et la vétusté des machines à coudre, l’absence de statut pour le centre, l’inexistence d’acte de cession, l’insuffisance des ustensiles de cuisine. Il y a aussi le manque d’animateur en alphabétisation, le besoin en formation des formateurs, d’informaticiens malgré la présence d’une salle informatique, l’insuffisance des chaises.

« Souvent, pour certaines formations, il faut chercher un informaticien ailleurs et certains élèves sont assis sur des nattes car, les chaises sont insuffisantes. Nous sommes confrontés à des conflits avec des ‘’ayants droit’’ car, ces centres sont des anciennes maisons de ‘’Samarya’’ et des personnes en revendiquent la propriété, soutenant que c’est un héritage de leur famille. C’est ainsi que nous avons perdu certains centres », a-t-elle déploré. Face à ces difficultés, la directrice lance un appel au gouvernement afin qu’il apporte un appui financier, régulier et adéquat et du matériel pour permettre au centre d’accomplir sa mission. « Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire pour ces jeunes. L’État doit accompagner ces jeunes formés en leur octroyant des certificats, en organisant des examens et en leur offrant les kits nécessaires pour débuter leur carrière. Aussi, les actes de cession doivent être attribués afin de mettre fin aux conflits entre les directeurs de ces centres et certaines personnes », a-t-elle souhaité.
Le constat fait dans le centre des jeunes Djibo Koubou est similaire dans d’autres centres de Niamey. Au vu de cette situation, le ministère de tutelle a envisagé plusieurs initiatives afin d’atténuer et pallier les difficultés observées.
Initiatives du gouvernement pour accompagner les centres
Plusieurs initiatives sont prévues pour ces centre afin d’atteindre les objectifs qui leur sont assignés selon le Directeur Général de la Jeunesse au Ministère de la Jeunesse, de la Culture, des Arts et des Sports, M. Malam Issa Malam Souley. Dans ce sens, le ministère est toujours à la recherche de stratégies idoines pour que les jeunes filles, à l’issue de leur formation puissent être accompagnées à travers un kit de démarrage d’une entreprise ou une subvention. « Notre objectif ce n’est pas seulement de garder ces jeunes filles pendant le cycle scolaire et à la fin de leur remettre un certificat ou de les laisser à leur sort parce qu’on s’est rendu compte que si on forme les jeunes par une formation professionnelle et qu’à la fin ils ne sont pas dotés de kits et de subvention qui puissent leur permettre de s’installer dans une activité économique, ça ne sert à rien », a-t-il indiqué.

Aussi, le Directeur général de la Jeunesse a relevé que l’État prévoit d’adopter une politique permettant le financement de ces centres afin d’octroyer les outils nécessaires à chaque fille. « Il y a des partenaires également qui nous accompagnent. En 2022, le PNUD nous a remis des kits complets de couture et chacune des filles qui ont reçu ces kits ont pu s’installer à leurs comptes créant ainsi des entreprises. Ce qui permet l’insertion de ces filles dans la société », a déclaré M. Malam Issa Malam Souley.
L’État a également prévu des allocations pour ces élèves afin de garantir l’accès, la qualité de l’apprentissage et leur permettre de continuer leur formation. « Cela n’existait pas avant, mais maintenant il y a des ressources qui sont prévues pour donner des allocations à ces enfants parce qu’on a constaté que ceux qui abandonnent c’est ceux qui sont éloignés de la ville dans laquelle se trouve le centre. Ils n’ont pas de tuteurs ou ces derniers ont des difficultés financières », a-t-il ajouté.
En outre, le Directeur Général de la Jeunesse au Ministère de la Jeunesse, de la Culture, des Arts et des Sports a expliqué que des examens de fin de cycle ont été prévus mais le ministère a remarqué un manque d’harmonisation dans les matières enseignées. « En 2022 on s’est rendu compte que les programmes de formation qui sont dispensés dans les CPJ manquent d’harmonisation. La plupart des centres ont enseigné en fonction de la disponibilité des enseignants. Donc, sans une formation harmonisée, un module harmonisé de formation, il est impossible d’organiser des examens », M. Malam Issa Malam Souley.
Il existe 30 Centres de Promotion des Jeunes(CPJ) sur l’ensemble du territoire national dont 10 à Niamey, 7 à Maradi et 2 à 3 dans les autres régions du pays, a rappelé le Directeur général de la Jeunesse. « Dans tous ces centres, les élèves n’ont pas eu la même formation et donc, on ne peut pas les évaluer au même niveau. Mais cette année 2024, quelques 1.555 candidats passeront l’examen de fin de cycle et, les ressources sont prévues pour organiser un test à la fin de la formation ; chaque candidat recevra un certificat d’aptitude professionnelle qui va lui permettre de faire valoir sa formation et de pouvoir se faire embaucher », a-t-il notifié.
En ce qui concerne l’insuffisance des formateurs, le problème est lié à la suspension du recrutement d’enseignants dans le secteur. « Il nous manque l’autorisation pour recruter et actuellement on est dans la démarche pour que l’État nous autorise à recruter des enseignants contractuels qui vont être placés dans les CPJ. Nous avons aussi contacté l’Agence Nationale pour le Volontariat du Développement (ANVD) afin de recevoir des volontaires qui vont intervenir dans ces centres », a fait savoir le Directeur général de la jeunesse.

Aussi, ces centres sont en train d’être renforcés depuis 2022 avec la construction des classes, de blocs administratifs, des latrines ou des terrains de sport. « Beaucoup a été fait avec l’appui de la CAMOS et le fonds sectoriel pour l’éducation. Nous agissons dans les zones en fonction de la situation du CPJ et nous continuons de construire des classes, des ateliers. L’État prévoit aussi des ressources pour les fournitures et le fonctionnement des CPJ à hauteur de plus de 12 millions pour certains centres », a ajouté M. Malam Issa Malam Souley.
En définitive, le directeur a réitéré l’engagement du ministère à assurer une formation de qualité à ces jeunes et à déployer tous les moyens nécessaires pour faciliter leur apprentissage. « Ces élèves méritent au même titre que ceux des établissements publics, primaires ou secondaires de recevoir la meilleure éducation qui soit. Donc le cri de cœur, c’est de demander aux autorités d’avoir un regard sur ces centres parce qu’ils ont des avantages non seulement de former des jeunes sur des questions basiques pour leur autonomisation dans des métiers qui vont leur permettre de s’insérer dans la vie sociale. L’État doit nous permettre de recruter des enseignants qui puissent être déployés dans ces centres afin d’assurer les enseignements et les apprentissages dans les CPJ », a déclaré en guise de plaidoyer, M. Malam Issa Malam Souley.
Massaouda Abdou Ibrahim (ONEP)