M.N’Dri Kouakou Marius, est ingénieur des ponts et chaussées. Il est spécialiste de mécanique de chaussées, de trafic routier et de géotechnique. C’est un Expert en règlementation routière, en transports terrestres et en guichet unique automobile. Ex directeur du Guichet Unique Automobile de Côte d’Ivoire, il a été coopté par l’homme d’affaires Nigérien M. Idrissa Yaou, promoteur de la SONILOGA, pour la mise en place du Guichet Unique Automobile du Niger (GUAN). Avec son équipe, M. N’Dri a fait la conception, les études et la réalisation du GUAN dont la mise en place est intervenue en juillet 2017. Chef du projet GUAN, il a fait aujourd’hui du Guichet Unique Automobile du Niger un outil moderne, un joyau architectural, doté des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) de dernière génération. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, il dresse un bilan des deux années de mise en œuvre du GUAN, avec les succès enregistrés et les défis à relever.
le directeur, l’augmentation des véhicules importés, les formalités de dédouanement, l’anarchie et les fraudes constatées dans le domaine ont conduit l’Etat à créer le Guichet Unique Automobile du Niger(GUAN). En deux années d’exploitation exercice quel bilan pouvez-vous tirer des activités menées par le GUAN ?
Oui je pense qu’il normal qu’après deux ans d’exploitation, qu’un bilan soit fait pour évaluer la performance de cet important outils de développement dont le Niger s’est doté dans le cadre du parténariat public privé.. Cependant, ce bilan sera élaboré en relation avec l’ensemble des partenaires opérant au sens du Guichet Unique et sera rendu public dans un autre cadre. Cette démarche nous permettra d’appuyer nos propos avec des chiffres précis. Mais avant même de faire le bilan, il me plait de rappeler les objectifs fondamentaux qui ont présidé à la création du Guichet unique. automobile, et rappeler un certain nombre d’éléments sur lesquels il est nécessaire de revenir..
Et justement l’un des objectifs du Guichet unique automobile, c’est d’optimiser la mobilisation des recettes douanières et fiscales et simplifier considérablement le délai des formalités de mise en circulation des véhicules au Niger.
A ce niveau, la première étape c’est de moderniser le domaine des formalités de dédouanement avec un accent particulier sur la sécurisation des immatriculations. J’entends par sécurisation, comment identifier un véhicule dans la circulation. L’une des préoccupations de nos Etats, c’est la sécurité. Et comme vous le voyez, les véhicules sont des instruments très mobiles qui peuvent être utilisés dans des trafics transfrontaliers et surtout contribuent à la création d’un environnement sécuritaire délétère dans nos Etats. Donc il faut chaque fois avoir un système d’identification fiable et efficace. Le Guichet unique automobile apporte non seulement la professionnalisation du secteur dans le cadre de ces formalités, mais aussi la sécurisation des véhicules.
Je vais vous expliquer de façon claire comment le Guichet unique automobile compte s’organiser pour atteindre ses différents objectifs. Premièrement, l’un des éléments essentiels c’est de regrouper l’ensemble des intervenants dans les différentes formalités de dédouanement et d’immatriculation des véhicules, sur un même site. Et c’est pour cela qu’on a besoin d’un privé qui aura les moyens nécessaires de pouvoir créer cette plateforme ; parce que cela nécessite de grands financements et parfois l’Etat a d’autres priorités, et il doit se faire aider par certains privés pour travailler sous le régime de BOT dans le cadre du Partenariat Public/Privé. Et justement M. Idrissa Yaou, un homme d’affaires nigérien, qui a investi dans ce contexte là en créant la société SONILOGA et a acquis un terrain de 10 hectares sur lequel nous avons construit toutes les infrastructures du Guichet unique automobile au niveau central à Niamey, et aussi au niveau des frontières de Gaya et Torodi.. Cela pour que l’ensemble des véhicules qui entrent sur le territoire national soit pris en compte dans le cadre de ce projet. Soniloga à travers le Guichet unique automobile va sécuriser l’entrée de tous ces véhicules. Voilà l’un des éléments d’organisation du Guichet unique automobile.
Pensez-vous que du début de vos activités à aujourd’hui tous les véhicules qui sont entrés au Niger ont été sécurisés ?
SONILOGA a débuté ses activités de prise en charge des véhicules aux frontières de GAYA et de MAKALONDI depuis le 1er novembre 2016. Depuis cette date, je pense que SONILOGA, à travers le Guichet unique automobile, a aujourd’hui une maîtrise de l’ensemble des véhicules qui rentrent au Niger. Car, tous ces véhicules sont enregistrés à travers un document appelé fiche de détermination des caractéristiques réelles des véhicules importés d’occasion ou des véhicules neufs, appelées communément Fiche DCRVIO ou DCRVIN. Ces fiches-là comportent aussi des photographies du véhicule enregistré. Ainsi, le seul numéro de châssis relevé sur le véhicule permet de l’identifier totalement et d’interpeller le propriétaire en cas d’infraction ! Aussi, tout véhicule enregistré est connu en même temps par les services des Douanes, de l’Interpol, des Transports et des Vignettes.
Nous avons aussi du point de vue des objectifs, la mobilisation des recettes de l’Etat. C’est très important. Vous savez qu’aujourd’hui, le nerf de la guerre c’est l’argent. L’automobile génère une très grande fiscalité. Est-ce que toutes ces recettes rentrent effectivement dans les caisses de l’Etat ?
SONILOGA, à travers le Guichet unique automobile veut rassurer l’Etat que tout ce qui passe par ses guichets rentre effectivement dans les caisses de l’Etat. Pour cela quel est le dispositif que nous avions mis en place ? C’est d’abord de travailler avec les professionnels. En ce qui concerne l’argent, c’est la Banque. Les différents services qui sont au Guichet unique ’automobile ne manipulent pas de l’argent. Donc tout ce qu’il y a à payer comme fiscalité, droits de douane, timbres fiscaux, vignette, Interpol, est payé directement à la Banque et sur le compte du destinataire final et réel. C’est le reçu le justifiant qui permet de traiter les dossiers. C’est donc une des innovations que nous avons apportée du point de vue de la modernisation des différents services relatifs aux formalités administratives de dédouanement et d’importation. En ce qui concerne les vignettes, aucun véhicule ne peut être immatriculé au Guichet unique automobile sans qu’il ne se soit acquitté de sa vignette, et à la valeur réelle. J’insiste sur ce fait là parce que quand nous avons mis en place le Guichet unique automobile, nous avons eu beaucoup de problèmes à cause de la détermination impartiale de la puissance du véhicule.
J’allais en arriver puisque vous avez essuyé beaucoup de critiques à l’époque. Est-ce que les citoyens ont aujourd’hui compris le bien fondé de votre démarche ?
Ce sont des critiques mal fondées ! Il faut dire la vérité. Ceux qui ne voulaient pas payer les vignettes au coût du véhicule qu’ils détiennent ceux-là vont se plaindre. Figurez-vous que vous aviez ici des « Haray Bane », c’est-à-dire des véhicules 4×4 de 16, 21 27, 28 chevaux qui vont déclarer 12 chevaux pour pouvoir payer moins cher la vignette et les droits de douane en évitant les droits d’assise.Ce n’est pas normal ! En effet, pour les véhicules de plus de 13 chevaux le taux de dédouanement est plus élevé ! Si vous avez l’argent pour payer de grosses cylindrées, il va de soi que vous payez en conséquence le prix des vignettes et le montant normal des droits de douane.
Les plaintes que nous avions venaient de ces personnes qui ne voulaient pas payer au juste prix à l’Etat, ce qui est dû à l’Etat. Et malheureusement, il y avait avant le Guichet unique automobile, une pratique où les gens pouvaient aller s’arranger avec ceux qui détenaient le calcul des puissances des véhicules, moyennant quelque chose et on leur mettait la puissance qu’ils voulaient. Ici, tout est modernisé, tout est automatisé. Et l’enregistrement du véhicule, à Gaya, à Makalondi, à Arlit ou à Agadez, pour entrer sur le territoire national, fige déjà les caractéristiques du véhicule à la frontière. Donc un mois, deux mois après, quand vous voulez faire l’immatriculation vous ne pouvez plus modifier quoi que ce soit. Voilà le problème que cela a posé. Mais ils ont compris qu’on ne pouvait pas faire autrement. La vignette est encaissée pour le compte de l’Etat. Elle va directement sur le compte que l’Etat a ouvert à la Banque ; ce n’est pas SONILOGA qui l’encaisse. C’est impersonnel, c’est technique ; il n’y a pas d’intervention humaine pour influencer le résultat.
Aujourd’hui, la recette liée aux vignettes a été multipliée par 5 ou 6. Avant les recettes des vignettes étaient dérisoires, mais aujourd’hui, les recettes des vignettes sont devenues des recettes principales. Nous pensons qu’au niveau aussi des recettes liées aux timbres fiscaux, nous avons boosté les recettes de l’Etat. Même s’il y a encore beaucoup de choses qui restent à faire que nous pensons pouvoir améliorer au fur et à mesure, il faut dire que cet objectif-là est atteint. En effet,SONILOGA se bat pour que les textes réglementaires pris par l’Etat soient appliqués par ses agents dans toute leur rigueur, et pour que l’Etat bénéficie des retombées réelles des textes qu’il prend.
Concernant les recettes douanières, quand nous avons commencé en 2016 à déterminer les valeurs les gens pensaient qu’on tripatouillait dans les valeurs des véhicules parce que ces valeurs ne les arrangeaient pas. En fait,c’est parce que l’usager ne pouvait plus négocier le montant des droits de douane avec le douanier comme auparavant. Et puis, les valeurs sont déterminées par l’éditeur international ARGUS France, des valeurs automobiles et personnalisées pour chaque véhicule. La relation entre SONILOGA et L’Argus se fait en ligne à travers leur serveur de base de données. Souvent on a eu un problème avec nos interlocuteurs directs que sont les transitaires et les importateurs qui ont l’habitude de travailler avec des documents papiers. Mais le monde a évolué ; et l’ARGUS des années 50 n’est pas l’ARGUS des années 2016, 2019 ou 2020 qui communique avec le monde entier à travers l’internet.
Maintenant on fait une évaluation personnalisée. Et ça permet de donner les valeurs réelles des véhicules. Ce n’est pas SONILOGA qui détermine la valeur en douane comme elle veut. Mais en application de la reglemention douanière, les valeurs taxables des véhicules sont déterminées par notre système à partir des valeurs fournies par le système électronique et impersonnel de ARGUS. On ne fait que transformer en langage informatique l’arrêté et la circulaire de la Douane afin de rendre son application automatique et donc moderne et efficace. Ce qui permet de générer le certificat de mise en circulation (CMC) électronique. En retour,la douane a fait même des abattements jusqu’à 50% de la valeur de l’éditeur international ARGUS pour permettre à chaque citoyen d’avoir accès à un véhicule. Donc l’Etat aussi fait des efforts mais dans la transparence et la traçabilité. Ce qui est important aujourd’hui, et qu’il faut comprendre, c’est que cela a instauré une équité dans le traitement des dossiers. Que vous soyez ministre, ou que vous soyez paysan, quand vous achetez un véhicule, vous allez le dédouaner au montant réel. Aujourd’hui, on ne peut pas dédouaner le même véhicule, avec les mêmes caractéristiques, et le même âge, à 1 million FCFA à Dosso, à 2 millions à Niamey, et à 3 millions à Agadez. Aujourd’hui, si le véhicule est à 1 million à Dosso, il sera à 1 million à Niamey et à 1 million à Agadez. C’est un grand investissement que SONILOGA a fait, de pouvoir irradier l’ensemble du territoire nigérien d’un système électronique avec une interconnexion des huit régions du Niger. Et cela coûte extrêmement cher. Ce sont des investissements fait par SONILOGA pour interconnecter toutes les régions douanières, toutes les directions régionales des transports, de telle sorte que lorsque vous prenez les papiers de n’importe quel véhicule, vous pouvez faire vos formalités à Niamey comme vous pouvez les faire ailleurs sans en modifier d’un iota les conditions.
Pour les véhicules qui sont déjà en circulation avant la mise en place du GUAN, un premier délai a été donné pour la ré-immatriculation, puis un deuxième qui cours jusqu’en mars prochain. Est-ce que vous pouvez nous garantir que le GUAN peut traiter tous ces dossiers avant la date butoir ?
Il faut dire que du point de vue capacité, c’est une organisation rationnelle que nous faisons. Mais est-ce que les usagers ont une attitude rationnelle pour nous envoyer régulièrement leurs véhicules ? C’est à ce niveau que se trouve le problème. A Niamey nous pouvons traiter plus de 500 véhicules par jour ; nous avons huit autres régions qui sont capables de traiter entre 50 et 100 véhicules jour. Mais face à ce dispositif que nous mettons en place et qui nous coûte de l’argent, il faut que les usagers présentent leurs véhicules dès maintenant. Le problème se trouve dans la disposition et l’attitude des usagers à amener réellement leurs véhicules dans la période qui leur a été indiquée pour la ré-immatriculation. Alors, si nous avons mis en place des dispositifs pour traiter 500 véhicules par jour, et que les gens attendent le dernier jour pour envoyer 5000 véhicules, comprenez que nous ne pourrions pas traiter 5000 véhicules le jour-là. Donc nous rassurons les usagers que nos installations ont la capacité de traiter l’ensemble de véhicules au Niger, mais faut-il qu’ils viennent dès maintenant. Il ne faut pas attendre le dernier jour. S’ils attendent le dernier jour ce n’est pas notre capacité qui sera mise en cause, mais c’est leur retard qui sera mis en exergue.
Réalisée par Oumarou Moussa(onep)